Imploration II
Seul Dieu en ce jour peut m'apporter la joie, rien d'autre ici qui en vaille la peine. Car je ne vois pas dans ce monde des causes de profond bonheur, sans doute qu'il faudrait que je m'y attache plus sincèrement mais quand je regarde ses habitants, téter le monde si goulument, plaisir que de s’enfoncer toute chair dehors dans le ventre de cette grosse pomme, a de quoi me décourager. C'est en tous les cas une raison pour moi de tristesse, peu en effet se soucient de mon Christ, de celui qui en dedans de moi a pris place pour constamment me rappeler son grand Amour. Mais ne suis-je pas comme eux, après tout, nous qui sommes ses enfants, ses petits comme il aime souvent à le dire, comment pouvons-nous désirer autre chose, disserter autant sur des morceaux de mots et jouir tranquillement de nos biens? Quelle douleur et quelle honte pour moi, car lui qui se meurt pour nous continuellement, honora la terre de son précieux sang et descendit sans bruit jusqu'aux enfers où il ébranla sans peine celui qui y trône. Et là, le ciel perdit sa clarté, la longue pique du soldat traversa son flanc, trancha le cœur jusqu'à la moitié et y fit surgir de l'eau. Il plut à Dieu que cela se fasse ainsi, ainsi donc il se mêla à l'eau et prit part à la bénédiction. Elle se répandit jusqu'aux pieds, lentement et vénérablement, prit en elle l'écarlate couleur des membres et d'un profond soupir quitta la chair pour se répandre au vent. Ainsi Dieu ayant quitté son ciel, emporta son Fils bien-aimé, dans ses propres bras et recueilli dans son vaste sein, son corps et son sang. Puis Marie, silencieuse, soutint comme une terre spacieuse le cadavre de son Fils. Du chaos vint alors la nuit des hommes, à peine le ciel s’en alla que la terre hurla en dedans d’elle-même et enfanta le tonnerre et les éclairs. De toute part, l’inébranlable soleil saisit l’univers, et déposa aux entrailles sacrées de sa Sainte Mère le grand calice de la vie. Marie reçu l’immense clarté du Père et au-dessus d’elle, autour de ses cheveux, se révélèrent douze étoiles d’or et de feu dont le centre formait en chacune d’elle une lueur d’une ardente beauté. C’est le temps, bien sûr, le temps de l’immaculée conception ! Je ne peux laisser nul doute sur cette imprégnation, cette grande barque aux larges ailes qui ne supporte aucune comparaison à par celle de son Fils, dilate un pur amour, si pur que tout l’univers s’y accole comme à un aimant ! En vérité celui qui ne l’a connaît pas, ne connaît pas le Christ ! Les autres ont tort, ceux qui ne la reconnaissent pas, c’est sûr, ils divaguent même, cette grande dame entend le monde comme son Fils, mieux, dans sa trajectoire, vertigineuse, s’accomplit lentement son Esprit et sa Chair ! Rendez-vous compte que c’est par elle et uniquement par elle que le Verbe est venu, prendre pied ici, pour un Dieu, c’est mettre toute son ampleur en nous même ! Ne la prenez pas en petite part comme le font les tièdes, dans son grand cœur où bébé Jésus a bouillonné son sang, elle a uni l’Amour à l’homme !
Antoine Carlier Montanari