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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

08 Apr

Un Livre Que J'ai Lu (200) : Le Rêve (Henri Bergson)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #HENRI BERGSON

 

 Dans la très longue préface, Jean-Jacques Guinchard, nous rappelle que selon Bergson l'expérience personnelle est indispensable. Le rêve c'est une expérience mentale involontaire et singulière. Le dormeur se sent dépossédé de son initiative (p8). Il subit l'agitation de sa conscience et se réjouit, quand il se souvient de son rêve, de l'illusion de vie qui s'est manifestée mentalement à son insu, durant son sommeil. Le rêveur s'étonne souvent de cette activité mentale involontaire qui le mène à vivre des vies parallèles. Le rêve c'est peut-être de la vie résiduelle emmagasinée dans la mémoire. On peut tout à fait suggérer l'idée que le rêve est, en quelque sorte, une préfiguration de la vie après la mort, que le rêve est une vie qui nous échappe, c'est vivre malgré-soi. En effet, c'est troublant de constater l'activité autonome de la vie mentale. 

 

 Le rêve, nous dit Bergson, est une certaine matière sensible (p53). Pourquoi une matière sensible ? Parce que la vie imaginée par notre esprit, construit une expérience réaliste. La conscience tient pour vrai le rêve qu'elle consomme. L'expérience nous apprend, dit Bergson, que le rêve est influencé par des faits extérieurs. C'est à dire que certaines circonstances visuelles ou sonores, transfèrent dans l'esprit du rêveur leur qualité. Par exemple, la lumière d'une lanterne qui traverse les paupières du rêveur, peut former l'idée d'un incendie ou même le tonnerre avec ses éclairs (p56). La Lune également, nous dit Bergson. Effectivement, la clarté de l'astre qui se pose sur les paupières du dormeur peut faire surgir dans son esprit des apparitions virginales. Du moins c'est ce qu'affirme le mythe d'Endymion (ici). On y voit le beau berger dormir tandis que devant la Lune se présente la déesse Séléné vêtu de tous ses charmes. Dans cette toile de Sir Edward Poynter, on peut remarquer que le dormeur est tourné vers la Lune. La lumière de l'astre réveille le désir de la volupté dans l'esprit endormi d'Endymion. En effet, le corps magnifique et étincellant de la jeune déesse est la forme de la volupté suggérée par la clarté de la Lune. 

 

 Il en est de même pour les sons. Le rêve convertit les bruits captés par l'oreille du dormeur, en toutes sortes de sonorités propices à la situation révée (p57). Le sensible du dehors fabrique donc le sensible du dedans. Le fait, par exemple, d'avoir les pieds en dehors du lit, peut former l'idée rêvée de planer, de voler ou de léviter. Le rêve traduit à sa manière les informations reçus involontairement par les sens. Certains penseurs ont même affirmé que les organes et le système nerveux étaient capables d'impulser des rêves et des songes spécifiques (p61). Il y aurait donc un rapport entre ce que les sens perçoivent pendant le sommeil et certaines caractéristiques du rêve. Mais le rêve est avant tout fabriqué par le surgissement de souvenirs conservés dans les profondeurs les plus obscures de la mémoire. Ce sont des fantômes invisibles, dit Bergson. Ils s'engouffrent par l'ouverture de la porte que la conscience ne peut plus tenir fermée à cause de son assoupissement dans le sommeil. En effet, le relâchement ouvre la porte à l'inconscient. Certains de ces souvenirs arrivent à se frayer un chemin dans cette bousculade de fantômes invisibles et à parvenir à la conscience revêtus des quelques effets transmis par les sens (p71). Ces fantômes invisibles ne demandent qu'à surgir dans la conscience et le rêve est peut-être le seul moyen pour eux de revenir à la vie. Tout cela se fait automatiquement, le dormeur ne fait aucun effort de concentration dans le sens de la réflexion. Le moi qui rêve, nous dit Bergson, est un moi distrait qui se détend (p81)

 

 Le rêve d'un certain Alfred Maury (ici), érudit français du XIXè siècle et connu pour ses recherches sur le sommeil, est mentionné par Bergson pour servir d'illustration à son analyse. Alfred Maury est couché dans son lit, sa mère est à son chevet. Il rêve alors de la terreur. Il assiste à des scènes de massacre, les révolutionnaires sont sans pitié avec les français récalcitrants. Il est condamné à mort par un tribunal révolutionnaire. Il est mené à l'échaffaud pour y être guillotiné. Il sent alors sa tête se séparer de son corps. Il se réveille brusquement avec la plus vive angoisse et sens sur son cou la flèche de son lit qui s'était subitement détachée et était tombée sur ses vertèbres cervicales. Cette sensation externe avait donc suscité l'image de la guillotine et la sensation fugace d'être séparé de son corps. 

 

 Le rêve est avant tout un phénomène incontrôlable qui éveille la curiosité des hommes. En effet, le rêve ajoute du mystère aux comportements déjà assez énigmatiques de l'esprit. Un bon nombre de penseurs et de philosophes ont étudié l'activité onirique et bien des auteurs ont évoqué leurs propres rêves. C'est le cas de Robert Louis Stevenson (ici), l'auteur de L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. L'éditeur a fait le choix d'ajouter à l'analyse de Bergson, un écrit de Robert Louis Stevenson où celui-ci raconte que ses fictions mises par écrits ont été puisés dans ses rêves. Certaines idées sont nullement les miennes, écrit-il, mais appartiennent à ce qu'il appelle des brownies, c'est à dire des farfadets issus du folklore britannique. Ces petites créatures bénies de Dieu, dit-il, lui on offert la moitié de son travail. Elles sont à l'origine de ses histoires (p96, p102, p105). Ces petites créatures sont ses collaborateurs invisibles enfermés dans ce que Stevenson nomme l'arrière-grenier, c'est à dire ce fond de la conscience où les rêves paradent durant le sommeil. 

 

Antoine Carlier Montanari

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