Un Livre Que J'ai Lu (1): Le Dieu De Spinoza (Victor Brochard)
Victor Brochard, professeur à la Sorbonne, philosophe et auteur notamment "De la croyance", nous livre ici une étude théologico-politique Spinoziste. C'est l'analyse conjuguée de la raison et de la foi, certitudes mathématiques et morale qui mènent l'homme au salut. Ce livre est une synthèse du Dieu "juif", "chrétien" et "grec". Ensemble, mais espacé par le temps, ils élèvent à nos yeux l’auguste soleil et ses rayons, comprenez bien, Dieu et ses prophètes. Le deuxième, Victor Brochard, s’est accaparé le premier, Spinoza, et en a presque fait un théologien. Le professeur français examine la vision verticale des hommes avec Dieu. On parlera de révélation et de prophètes dont Jésus Christ sera la synthèse parfaite et définitive. Pour Spinoza, nous dit Brochard (p12), la lumière naturelle, soit la raison seule, ne peut concevoir par ses propres forces les vérités éternelles produites par la révélation, la révélation avec un grand "r". Comment donc les prophètes, sans être des philosophes, auraient pu convenir de lois et de commandements aussi judicieux pour l'homme que ceux et celles commandées par Dieu sur le Sinaï et le Christ sur la croix? L'intervention divine est donc le paramètre qui valide l'équation. Plotin, philosophe de l'antiquité tardive, parlait de principe premier, qui est capable de tout engendrer et que l'on peut nommer "Bien". Cette "idée de Dieu", selon la philosophie, va servir Spinoza pour traiter de l'entendement éternel et infini de Dieu (p85). Si les philosophes grecs ont révélé la loi naturelle, les prophètes ont témoigné de la loi morale. Dans cet ordre, seul Jésus Christ procure l'état de béatitude puisqu'il accompli par les œuvres l'amour inconditionnel. Nous aborderons plus tard les recherches de René Girard sur le sujet qui sont essentielles pour comprendre ce qui vient d'être dit. En attendant, ce Spinoza de Brochard facilite l'unité de la raison et de la foi, laquelle permet, à la manière de Descartes et de Pascal d'approfondir la connaissance véritable de la loi divine naturelle (p19). Aimer Dieu, aimer Dieu selon Jésus Christ, c'est porter sur les hommes un regard sans haine. Ce prisme c'est connaître le Dieu véritable, le Dieu mort sur la croix avec cette révélation épique déterminée à pardonner quoi qu'il en coûte. Cette seule sagesse révèle au genre humain un principe qu'aucune sagesse humaine ne pouvait officialiser. C'est ce "un" avec Dieu que Plotin a intuitivement déchaîné et que Brochard distingue dans la dernière partie du livre. La communion des saints c'est l'âme universelle, des âmes distinctes et individuelles sans que d'ailleurs, comme dans la Sainte Trinité, l'unité soit rompue (p90). Au fond et pour finir, nous dit Victor Brochard, il faut tout expliquer par la puissance divine (p98). Dieu et la philosophie d'Etienne Gilson, contemporain de Brochard, également philosophe et professeur, pourra venir consolider cette analyse métaphysique (1). On y apprend, à la page 86 de ce même ouvrage que Spinoza était réellement énivré de son Dieu philosophique, qu'il est sans doute le penseur le plus pieux qui ait jamais existé. A la question de savoir, nous dit Gilson, comment réaliser le salut de l'homme au moyen de la seule philosophie (p86), Spinoza répondra par cette seule affirmation : "...Mais avant d'aller plus loin, je veux marquer ici expressément (quoique je l'aie déjà fait) l'utilité et la nécessité de la sainte Ecriture ou de la révélation, que j'estime très grandes; car, puisque nous ne pouvons, par le seul recours de la lumière naturelle, comprendre que la simple obéissance soit la voie du salut, puisque la révélation seule nous apprend que cela se fait par une grâce de Dieu toute particulière que la raison ne peut atteindre, il s'ensuit que l'Ecriture a apporté une bien grande consolation aux mortels. Tous les hommes, en effet, peuvent obéir; mais il y en a bien peu, si vous les comparez à tout le genre humain, qui acquiert la vertu en ne suivant que la direction de la raison, à ce point que, sans le témoignage de l'Ecriture, nous douterions presque du salut de tout le genre humain." (2)
Antoine Carlier Montanari
(1) voir prochaine fiche de lecture
(2) Le Dieu de Spinoza (p30,31)