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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

03 Mar

Un Livre Que J'ai Lu (198) : La Conscience (Henri Bergson)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #HENRI BERGSON

 

 

 La conscience opère selon la durée et l'espace. C'est grâce à ces projections mentales que la conscience exerce ses facultés. Cette durée n'est qu'un enchaînement de changements ou plus précisemment un ordre de succession (p32, p33). La conscience pour saisir l'idée de la durée, forme pour elle-même une ligne droite indéfinie sur laquelle s'égraine une suite de faits. Et autour de cette ligne indéfinie cette même conscience établit un vide qu'on nomme espace, parce qu'elle se place en observateur éloigné de cette ligne indéfinie (p34). Cette ligne indéfinie est la forme du temps et de la durée. La ligne indéfinie et l'espace sont des représentations symboliques. Concernant le mouvement, Bergson utilise l'exemple d'une étoile filante (p41). En effet, l'apparition de la ligne de feu produite par l'étoile filante est la sensation visible du mouvement de cette étoile. Cette ligne lumineuse est la preuve visible du mouvement. La conscience prend conscience du mouvement par la synthèse des différentes positions de l'étoile à travers ce trait lumineux qui est une ligne de durabilité indivisible. Indivisible parce que chaque point de position nouvelle est identique au précédant comme au suivant. La conscience ne conserve que le dernier parce que les précédents disparaissent. Cette succession immédiate de points est la démonstration du présent et du passé (p46).

 

  On peut parler d'appréciation mathématique de la durée ou du temps écoulé (p55). Fragmentation et segmentation du temps devenus quantité dans l'espace. En somme, nous dit Bergson, l'esprit modélise le temps à l'aide d'une ligne et la durée à l'aide des points qui se succèdent sur cette même ligne. L'espace est quant à lui modélisé par le vide qui entoure cette ligne. Cette modélisation permet à l'entendement de saisir des notions qui par elles-mêmes ne peuvent être réellement comprises. Ce sont des appuis fondamentaux qui se présentent immédiatement à la conscience. On peut parler du moi fondamental, c'est à dire la dimension personnelle créative. La conscience dans son désir insatiable de comprendre, ne discerne qu'à travers le symbole (p57). Celui-ci est à la fois un repère et un traducteur. On peut imaginer l'abstraction sonore que produit une symphonie qui s'écoule dans l'oreille d'une personne non musicienne. Malgré la joie que peut procurer cette symphonie, la conscience ne peut pour autant déterminer la nature des sonorités. Seul le musicien,  lorsqu'il les entend, est en mesure de les identifier. Dans son esprit, il visualise ce que l'on nomme la gamme, c'est à dire une échelle sur laquelle s'égrènent des notes musicales symbolisées. C'est le langage visible de la musique. 

 

 Si donc l'imagerie mentale nous permet de visualiser des concepts abstraits, les mots, quant à eux, solidifient nos sensations et nos sentiments. Ces états psychologiques changeants et fluctuants sont en quelque sorte rendus inertes par les différents mots qui les désignent (p60). En disant haine, par exemple, je définie simplement une affection. Je fixe une idée de la haine sans pour autant déterminer toutes les nuances émotionnelles de cet état psychologique précis. Le mot évacue la sensation réelle de la haine, il donne une étiquette à une globalité mouvante. La haine est un mot aux contours bien arrêtés, il ne décrit pas la sensation mais écrase ou tout du moins recouvre, par l'idée générale qu'il véhicule, les impressions imperceptibles et évanescentes que dégage réellement la haine. Le mot offre une stabilité à une notion psychologique instable. Il est incapable de traduire les mille nuances qui se pénètrent, se dégradent et se courbent en permanence. Les mots sont des charges apathiques qui rebondissent sur la surface des notions. Jamais ils ne font atteindre le noyau ou plus précisément l'essence de ces mêmes notions. Le mot ne suffit donc pas, il n'est qu'une ébauche de ce qu'il définit, dès qu'il est prononcé, le sens profond a déjà cessé d'être, la conscience reste en bordure, humant seulement le sens profond (p62). C'est pourquoi la grande littérature est une véritable foreuse qui nous approche au plus près de ce concentré d'impressions diverses contenues et enfermées dans les mots. 

 

 Plus largement, le langage relie aussi bien la sensation à la conscience qu'il s'interpose. Le langage brouille et refracte tout au mieux, nous laissant souvent dans une imprécision de nous-même. Le langage est continuellement impuissant. Même pour les plus lettrés, le langage peine à traduire une pensée difficultueuse. Certes, ils traduisent savamment les choses mais ils traduisent avec une certaine imprécision qui engendre de nouvelles incertitudes. L'influence du langage sur la conscience est donc plus profonde qu'on ne le pense. En effet, le langage, plutôt que de traduire fidèlement notre pensée, peut très vite influencer voire déterminer ce que l'on pense. En somme il peut assujétir la réflexion. 

 

 Dans "mes sens et ma conscience", second chapitre de cet ouvrage, Henri Bergson aborde la question du rire et de la comédie. Cette dernière est bien plus près de la vie réelle que le drame (p71). En effet, dit-il, une situation comique révèle immédiatement les traits du réel. C'est à dire qu'elle met en évidence un réel honteux. La comédie extrait donc des états d'être particuliers qui sont susceptibles d'humilier. Et si l'humiliation n'est pas la nôtre, on rit pour s'en assurer parce qu'on ne rit pas de soi-même. Prenons l'exemple d'une personne qui glisse sur une plaque de glace. Pour ne pas se ramasser, elle tente de garder l'équilibre en gesticulant dans tous les sens. C'est cet écart de conduite qui provoque le rire. En effet, cette personne a perdu son maintien naturel. Elle est passée d'une manière d'être convenable à une manière d'être inhabituelle et donc ridicule. Elle est devenue le jouet de la glace et en tant que telle, elle n'apparait plus maître d'elle-même. Ce genre de situation fait toujours rire ou du moins sourire parce qu'elle s'adresse à l'intelligence pure, nous dit Bergson (p73). C'est à dire que cette situation ne se présente pas à l'esprit de manière à provoquer la sympathie. Les sentiments neutralisent le rire, c'est pourquoi dans la comédie, le spectateur doit être indifférent au sort de la cible. Dans le cas contraire, si le spectateur nourrit de la pitié pour la cible alors le rire est impensable. Être indifférent à la cible nous rend disponible au rire. La comédie doit nous empêcher de prendre les choses au sérieux (p76). Elle nous fait entrer dans un état de raideur spirituel. Le rire est une pulsion spontanée et compensatrice qui libère les tensions nerveuses. Bergson parle de ce qu'il y a de tout fait dans notre personne et qui fonctionne automatiquement (p79)

 

 Ainsi le rire, nous dit Bergson, qui provient d'une certaine indifférence pour la personne moquée, n'a donc rien de très bienveillant, il rendrait plutôt le mal pour le mal (p112). Même si dans un premier temps nous pouvons accorder de la sympathie pour la personne moquée, le fait de la distraction nous relâche et nous fait tomber dans un engourdissement moral. L'oisiveté et la détente sont des préludes au rire. Celui-ci est le vrai relâchement. L'envie de rire suscite donc des penchants mauvais et c'est un jeu que l'esprit humain pratique pour se reposer de la fatigue de vivre (p114). Ainsi, pour faire durer le rire, nous adorons encourager le sarcasme, la raillerie et la moquerie. C'est donc avec un fond de malice et de méchanceté que nous cultivons le rire. Outre sa fonction d'amortisseur des tensions internes, le rire peut jouer un rôle bénéfique. En effet celui qui est moqué pour ses insuffisances, ses maladresses, ses défauts ou encore ses excès et ses vices, peut, à cause de l'humilation, les corriger pour s'améliorer (p115). Ce perfectionnement par le rire est une mécanique utile, surtout concernant les personnes orgueilleuses. On peut dire que c'est un mal pour un bien (p116)

 

 Dans le troisième et dernier chapitre, Bergson affirme qu'il ne peut y avoir de conscience sans mémoire (p123). La mémoire c'est l'accumulation et la conservation du passé dans le présent. Et à partir de ce présent qui possède le passé, la conscience pense l'avenir. La conscience c'est à la fois le présent qui devient immédiatement passé et le futur qui devient immédiatement présent. Le présent n'est jamais vraiment perçu par la conscience parce que le présent meurt en permanence. La conscience est un trait d'union entre le passé et le futur. C'est là que s'opère un choix pour la conscience (p131). Le futur peut devenir autre au passage de la conscience, disons que la conscience peut modifier le futur à travers le présent. La conscience est donc un facteur de transformation du futur parce qu'elle le pense. Ce choix se concrétise à travers la matière organique, c'est à dire que la conscience met en action le corps qui est capable de mouvement et de déplacement (p135). Ces fonctions de base ordonnées par la conscience permettent à la vie organique, c'est à dire à la matière, de se mouvoir. Et cela se traduit à travers des directions de mieux en mieux choisie et des mouvements de plus en plus précis. La matière est une réserve d'énergie que la conscience utilise à son bon vouloir, dans la limite des lois qui régissent la matière. La conscience précède donc l'acte, on peut parler de puissance d'agir (p137). La conscience introduit donc dans le monde la marque de sa volonté, elle est une force qui peut décréter le changement du monde. 

 

 La conscience a fait de la matière son instrument de développement (p142). Bergson parle de poussée intérieure. L'effort est donc le moteur et la volonté l'initiatrice de l'effort. C'est la matière qui freine la conscience. La volonté et l'effort sont donc les moyens donnés à la conscience pour contrôler la matière. En ce sens la matière est soumise et obéissante à l'homme. Et quand la conscience obtient de la matière exactement ce qu'elle veut, alors elle éprouve de la joie. C'est le signe précis, nous dit Bergson, que notre destination est atteinte (p144). La joie ne peut être confondue avec le plaisir, précise Bergson, car le plaisir n'est qu'un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l'être vivant la conservation de la vie. La joie, quant à elle procure une assurance triomphante et partout où il y a création il y a joie et plus la création se surpasse en beauté plus la joie est profonde et authentique. C'est la joie vraie, elle domine les éloges et les honneurs et fait se passer de l'approbation du monde. Ce serait donc pour se rassurer qu'on cherche l'approbation parce que l'on est pas sûr d'avoir réussi (p145). La joie vraie est le fruit de la vérité, la conscience ressent une satisfaction invincible parce qu'elle sait qu'elle a ajouté de la beauté au monde. Voyez la femme qui enfante. Elle ressent une joie immense parce que l'enfant qui est sorti de ses entrailles est le fruit de la vie qui a réussie. Et cela la comble et lui suffit amplement. La vie qui s'est développée dans son ventre couronne 9 mois de patiente et d'amour. Ce bébé est une vraie oeuvre d'art, une oeuvre parfaite de la nature. Cette joie de la mère est unique et transcende la vie elle-même. Cette joie revitalise la conscience et draine en elle un élan vital quasi mystique qui lui fait éprouver, en quelque sorte, la joie du Créateur quand il crée et donne la vie. 

 

Antoine Carlier Montanari

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