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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

19 Nov

Un Livre Que J'ai Lu (193) : Le mal, Essai théologique (Charles Journet)

Publié par Alighieridante.over-blog.com

 

 L'auteur de cet ouvrage, Charles Journet (ici) est un théologien catholique suisse qui a joué un rôle considérable au concile de Vatican II. Il sera nommé cardinal par Paul VI en 1965. Charles Journet qui a écrit un bon nombre d'ouvrage sur la foi catholique dont un qui traite de la place de saint Thomas d'Aquin dans la théologie, est l'exemple même de ces hommes d'Eglise qui ont contribués à approfondire la réflexion sur le christianisme. L'ouvrage que nous allons commenter, du moins succinctement, est plutôt réservé aux étudiants en théologie car lire un tel essai assez épais, ma foi, n'est pas chose aisée. Le lecteur passionné pourra toutefois extraire des arguments scolastiques sur la problèmatique du mal. Car ce mal, nous dit Baudelaire, qui en connait un rayon sur le sujet, nage autour de nous comme un air impalpable qui jette dans nos yeux pleins de confusion des blessures ouvertes. Dans cette époque où le mal est de plus en plus habile, l'humanité, dans sa furibonde agonie porte le flambeau des grâces sataniques tout en maudissant Dieu. Au lecteur athée je pose la question, jusqu'où pour le bien Dieu s'autorise t-il à dominer un homme, même pour son propre bien? Car même pour leur bien il y a des choses qu'on ne fait pas faire aux hommes. La souveraineté c'est l'autolimitation. C'est la différence entre un souverain et un gourou. Dieu aime tant l'homme qu'il aime à ce que l'homme l'aime par sa propre volonté. Mais le lecteur athée fera fi de cette remarque, ne réalisant pas que c'est Dieu lui-même qui lui permet son impiété. Le lecteur athée, par son esprit distrait ignore bien qu'il lui est devenu impossible de se rien prouver à lui-même, ne sachant même plus discerner le bien et le mal. 

 

 Charles Baudelaire parsème ses fleurs du mal avec l'idée que le mal, à travers la figure de Satan, tient les fils qui nous remuent. Le mal est un mystère qui donne sa réelle densité à la condition humaine et malgré tous les efforts des hommes pour annihiler ses effets, ce dernier n'en aura jamais fini avec lui (p10), puisque les formes du mal sont infinies (p17). En effet, l'homme engendre toujours des maux aux choses nouvelles qu'il produit, des nouvelles causes de souffrances se mettent à foisonner parce que tout ce que fait l'homme est imprégné de cette souillure que l'on nomme le péché (p11)

 

 L'homme ne sait pas vraiment définir le mal sauf par ses effets (p14). A une époque où l'athéisme est omniprésent, le mal est incompréhensible parce que l'athéisme diminue le scandale du mal en effaçant sa nature peccamineuse et sa figure tutélaire incarnée par Satan. En ce sens, la créature athée est impuissante face au mal, parce que le mal est autrement plus profond, mystérieux et redoutable que ce qu'en dit l'athéisme (p263). La réponse est dans le monothéisme hébreu mais la réponse plénière est dans le christianisme tout entier (p16, p50). En effet, il n'y a pas une ligne du message chrétien qui ne réponde pas à la question du mal. Les Evangiles sont non seulement une consolation face au mal mais la solution définitive. Les Evangiles surmontent la souffrance et la mort en absorbant le mal par la croix. La croix est le véritable appât qui piège Satan à son propre jeu. 

 

 L'amour chrétien, c'est à dire l'amour inconditionnel, neutralise le mal puisqu'il ne renvoie aucun mal. Cette clarté intérieure illumine d'un coup les ténèbres intérieures car le mal apparaît tel qu'il est, c'est à dire entièrement nu. Progresser dans la connaissance de Dieu c'est progresser dans celle du mal (p20). Ces connaissances sont complémentaires et s'alimentent car chacune d'elles met en perspective l'autre. Nous touchons ici du doigt l'histoire du péché originel. Episode essentiel dont nous ne pouvons faire l'économie pour comprendre l'origine du mal. L'histoire spirituelle du monde commence donc avec ce serpent qui possédé par Satan souille l'homme (p263, p266, p270). Archétype fondamental de l'humanité, cette histoire de serpent qui enfante dans la femme et dans l'homme la connaissance du bien et du mal explique le mécanisme spirituel de la corruption de la matière. En refusant le péché originel, la créature athée est dans la compréhension incomplète du mal. Cette compréhension incomplète du mal est dévoilée dans le célèbre film de William Friedking, sorti en 1973 (ici). En effet, le réalisateur montre, non sans ironie ironie, l'incapacité des hommes de science face à une possession diabolique. Leur refus d'admettre le mal originel est insensé, voire grotesque. Pour reprendre un certain Stanley Kubrick, ils ont les yeux grands fermés.

 

 Le mal, selon saint Thomas d'Aquin, est une privation d'un bien dû, c'est à dire la privation de qualités antérieurement possédées. Autrement dit le mal c'est l'absence du bien (p30). Cette définition du mal est spécifiquement chrétienne, la privation d'un bien dû est une connaissance de la richesse chrétienne (p36).  La prise de conscience du mal c'est la prise de conscience de la perte de l'état de bien-être. Le mal c'est la perte d'un bien que l'on considère comme acquis. La créature espère toujours le bien parce qu'elle est faite pour le bien (p41). Et c'est pourquoi elle se sent mal lorsqu'elle ressent la perte du bien. Ainsi, le vrai sens du mal est son caractère privatif (p45). Le mal c'est du non-bien, on peut parler de non-substantialité du mal, c'est à dire qu'il n'y a pas de source du mal, le mal n'est que l'absence du bien (p49). Satan est la conséquence de la privation totale du Bien. Il est donc négation du bien et non affirmation du mal. Il y a donc bien une existentialité du mal, une forme mais non une source. Le mal en tant que tel est la conséquence directe du refus du bien. Le mal est synonyme de non-bien. Cela nous permet d'aborder la question de l'origine du mal (p61).

 

 Revenons un instant sur la nature du mal, nous avons dit qu'il n'existe pas une source du mal, il n'y a pas une indépendance du mal, le mal découle directement du bien (p64, p67, p69, p75). Le refus d'obéir à la règle qui mène au bien conduit au mal. Cet état de privation du bien qui est le péché, c'est le mal. La cécité qui est un mal physique est simplement la privation de la vue qui est un bien dû (p65). L'ombre est la conséquence d'une obstruction de la lumière provoqué par un obstacle. La lumière a sa source mais l'ombre n'a pas de source, elle est directement lié à la lumière. L'ombre est une diminution de la lumière, de même le mal est une perte du bien (p66). Malgré la figure de Satan, il n'y a pas de Mal suprême. Satan n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut, à savoir un archange de lumière. C'est pourquoi le mal est inférieur parce qu'il est une négation du bien. Le mal ne peut donc triompher du bien parce qu'il n'est pas un principe premier, il est un principe secondaire, entièrement dépendant du principe originel et absolu qui est le Bien suprême, à savoir Dieu. Le mal intégral, nous dit saint Thomas d'Aquin, ne peut donc exister, en détruisant tout le bien, il se détruirait lui-même (p67)

 

 Dans le christianisme, Dieu a suffisament de ressource pour tirer du mal un bien plus grand (p92). Et ces ressources sont inconnues ou méconnues des hommes et la plus grande de ces ressources est le Christ lui-même. Car dans le Christ, l'humanité a trouvé le salut et a considérablement élevé son niveau de conscience. Le Christ est le suprême Bien offert à l'humanité pour que celle-ci, à son exemple, affronte le mal pour le mettre en échec. La résurrection est le souverain bien offert à l'humanité, la croix a été élevé en signe de rédemption universelle. Dieu dans le Christ a révélé l'inefficacité du mal. En effet, la créature n'est plus impuissante devant le mal. Mais pour la créature athée, le mal est insurmontable car rien de supérieur, de transcendant et d'éternel ne vient mettre en échec le mal. La créature athée est donc dans l'impasse, son combat contre le mal est vain puisque tout retombe dans le néant. Elle est totalement impuissante face à la mort. Laissons-là donc avec son impuissance même si elle espère naïvement et orgueilleusement, grâce au progrès technologique, triompher de la mort et des maux en tout genre.

 

 Mais pour le croyant, le mal a cette propriété d'engendrer de l'amertume à l'égard du (à l'encontre du) monde, il se produit alors une détestation du monde (p106). Quant aux vies dites réussies, bien installées, riches et honorées, elles ont pour le monde une grande affection puisque le monde est à leur service. Le monde est comme une idole qui comble tous leurs besoins. Elles n'ont véritablement plus le désir de Dieu qui est le Bien Souverain. Pour ces vies, le bien souverain c'est ce qu'offre le monde. Alors pour sauver ces vies, Dieu, parfois, permet qu'elles perdent tout afin qu'elles comprennent la vrai nature du monde. Une maladie incurable, un handicape ou encore la faillite sont des leviers puissants pour désolidariser la créature du monde. Et sans le mal, la créature finit par adorer le monde. L'athéisme est donc une idéologie qui règne là où le confort règne. En ce sens, quand Dieu permet le mal dans la vie d'une créature, c'est pour l'aider à se détourner du monde. Car au point de vue de la vérité, la vie de cette créature est un échec peut-être irréparable. Ainsi le mal accepté avec humilité permet à la créature de sauver son âme, c'est ce que l'on nomme "porter sa croix".  

 

 Si donc Dieu est le Souverain Bien, pourquoi a t'il permi que le monde soit corrompu par le mal? Pourquoi n'a t-il pas créé le meilleur des mondes possibles (p118)? Ces questions sont légitimes. La réponse à ces deux questions est fort simple, Dieu voulant que l'amour de sa créature pour lui soit authentique et inébranlable, il faut donc que la créature aime Dieu sans contrainte de sa part. C'est donc en étant libre que la créature aime Dieu d'un amour sincère et vrai, c'est dans une liberté pleine et entière qu'aimer Dieu prend tout son sens. La créature qui fait le choix d'aimer Dieu de tout son être et de toute son âme fait le plaisir de Dieu. Mais la créature qui refuse librement Dieu est alors pleinement responsable de son choix et son choix la conduit-là où demeurent ceux qui ne veulent pas de Dieu. Dieu ne veut pas être aimé par des marionnettes. Dieu se veut donc lui-même comme une fin, il désire que sa créature soit librement ordonnée à cette fin (p130). Et cette considération, malgré le mal, est le meilleur des mondes possibles, en ce sens que la créature n'est pas contrainte d'aimer Dieu. Elle est entièrement libre de refuser l'amour que Dieu lui donne.

 

Ainsi l'homme est responsable de ses mauvaises décisions, c'est lui qui fait le choix de briser la règle et de se priver de la grâce (p193). Et c'est encore l'homme qui choisissant le péché condamne son âme à la damnation. Le péché c'est l'absence de bien, c'est le refus de la considération de la règle qui conduit au bien. Et la créature, empli de péché qui ne veut pas confesser à Dieu ses fautes, tient Dieu en échec puisqu'elle s'entête dans son refus. Cette mise en échec ne touche que le pécheur lui-même et non l'ordre universel de la création (p223). Cette offense faite à Dieu se vérifie dans ce chemin de croix où le Christ qui est Dieu accepte d'être outragé. Le Christ accepte l'humiliation et ne s'en prend pas à la créature (p161). Dieu ne se défend pas du péché en renvoyant le péché, au lieu de cela, du haut de sa croix et après les violences physiques, les outrages, les injures et les humiliations, fait preuve de misericorde en pardonnant tout à sa créature. Mais si la créature s'obstine en refusant absolument la misericorde de Dieu, c'est le bout de l'offense, le péché contre l'esprit et cet ultime péché pousse la créature à se condamner elle-même à l'enfer. Dieu ne peut plus rien, il respecte le choix de sa créature. Autrement dit, nul homme n'est perdu autrement que pour avoir librement refusé les avances divines (p171)

 

 L'enfer avec ses souffrances insondables pour notre esprit de chair et prisonnier des choses sensibles, enferme des peines que les damnés acceptent pour oublier, ne fût-ce qu'un instant, la plus horrible des tortures morales, à savoir la souffrance de ne plus pouvoir aimer et d'être aimé (p209, p210). Et ils ne peuvent en être délivré, ni par le sommeil, ni par la mort, car ce tourment est en eux. Et prendre conscience de la damnation éternelle est si effrayant qu'un bon nombre d'esprits s'échappent dans l'idée du néant après la mort ou encore dans le principe de la réincarnation (p213). Devant l'horreur que représente l'enfer, l'athéisme et toutes les formes qui font échapper à la possibilité de l'enfer, constituent des états d'être confortables. Cela rassure la créature qui finit par ne plus se soucier de l'état de son âme. Elle finit même par s'accomoder du péché et pour beaucoup de ces créatures le péché devient vertu. A ce moment-là, la créature est conditionné par le péché. La rupture avec Dieu est consommée, la créature fait le choix de l'enfer qui est le lieu du péché qui s'éternise (p217, p218). Le péché apparait souvent comme un bien que la créature désire pour satisfaire elle-même et uniquement elle-même, c'est à dire qu'elle a placé sa béatitude en elle-même et elle s'y tiendra et au prix de toutes les douleurs de l'enfer (p220, p221). Pour le théologien et philosophe danois, Kierkegaard, l'homme se dresse contre tout ce qui n'est pas lui et où il veut être lui-même contre tout l'univers et jusque contre Dieu lui-même (p220). Il cherche à imposer son ordre propre dont il sera le centre et voilà sa béatitude et il veut continuer dans cet état (p224, p226).

 

C'est ce qui est arrivé à Lucifer, il a désiré avoir la béatitude finale par sa seule vertu. Il ne voulait que d'une béatitude due à son indépendance (p279, p280). Et son indépendance il l'a obtenue, Dieu l'a confiné en enfer pour qu'il devienne le maître de son propre royaume. On parle alors des deux cités mystiques, celle des ténèbres et celle de la lumière. D'un côté Satan et les fins infravalentes de la vie temporelle, c'est à dire la félicité sur terre et de l'autre côté le Christ et les fins supravalentes de la vie éternelle, c'est à dire la félicité au ciel. Ces deux cités mystiques en perpétuel conflit travaillent au coeur de l'humanité dans un double mouvement contraire, l'un vers le bas, l'enfer et l'autre vers le haut, le Ciel (p286). Le poète allemand, Heinrich Heine, dans ses lettres sur l'Allemagne confirme cette inférence (ici),

 

"L'anéantissement de la foi dans le ciel a une importance non seulement morale, mais aussi politique. les masses ont cessé de porter leur misère terrestre avec la patience du christianisme et aspirent à la félicité sur cette terre. Le communisme est une conséquence naturelle de cette nouvelle vision du monde, et il se propage dans toute l'Allemagne."

 

 L'occident s'est donc installé progressivement dans l'athéisme tout en développant l'idée, au regard du progrès technologique, qu'il peut dominer tout, absolument tout et même le mal. L'homme occidental athée a fait du mal une variable d'ajustement qui peut être dompté comme un lion dans un zoo. En lui ôtant sa nature peccamineuse, l'athéisme a dévitalisé le mal. Communisme et capitalisme ont réduit le mal au social et à l'argent, l'un en planifiant le partage des richesses et l'autre en faisant du marché une vaste plateforme d'enrichissement qui doit paralyser la pauvreté. Ces doctrines matérialistes ne doivent cependant pas nous faire oublier qu'un certain Karl Marx fut d'abord un chrétien convaincu qui, par la suite, quand il devint ce grand accélérateur du matérialisme athée, prit gand soin de ne pas dévoiler son enracinement dans le satanisme. Dans son poème "La vierge pâle", repéré dans l'ouvrage "Karl Marx et Satan" de Richard Wurmbrand,  il dit ceci (ici),

 

"Ainsi j'ai perdu le ciel,

Je le sais très bien.

Mon âme naguère fidèle à Dieu,

A été marquée pour l'enfer."

 

Antoine Carlier Montanari

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