Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

01 Nov

Un Livre Que J'ai Lu (192) : Dieu Et La Permission Du Mal (Jacques Maritain)

Publié par Alighieridante.over-blog.com

 

 L'analyse de Jacques Maritain s'adresse avant tout au théologien et à l'universitaire. J'ai donc essayé, et ce ne fut pas chose aisée, d'extraire, à la manière d'une distillerie, l'essence de son explication. En effet, la lecture de cet ouvrage recommande un certain niveau de réflexion et une certaine familiarité avec la doctrine catholique qui, à travers cet ouvrage, montre quelques compléxités qui prouvent que le catholicisme est une religion plantureuse. Jacques Maritain (ici) est une figure centrale du thomisme au XXème siècle. Le thomisme est une école de pensée philosophico-théologique inspirée des écrits de saint Thomas d'Aquin, lequel, pour certains, est incontestablement le plus éminent des philosophes. Pour faciliter la compréhension de cette fiche de lecture, nous allons l'introduire en mettant en lumière quelques expressions utilisées par Jacques Maritain et qui, pour le profane, sont assuréments obscures.

 

Voici ces expressions (ici)

La créature signifie l'être humain

Le non-être & le néant ou néantement signifient le mal qui est carence d'être et privation du bien dû, c'est à dire de la grâce.

La règle signifie les commandements de Dieu présents dans la Bible. La loi est un synonyme.

La non-considération de la règle signifie la transgression volontaire ou involontaire des commandements de Dieu.

La motion brisable & la règle brisable signifient que la loi peut être brisée.

Un acte d'élection peccamineux signifie le péché.

Le décret permissif ou décret persmissif conséquent signifie la permission préalable de Dieu, c'est à dire que Dieu autorise l'homme à pécher, du fait de sa liberté.

 

 

 C'est sous l'influence du christianisme, nous dit Jacques Maritain, que la conscience des hommes devint plus sensible à la dignité de la personne humaine (p11). En effet, avec le regard du Christ porté sur la misère humaine, l'homme a acquis une connaissance plus fine du mal. La question du mal, en occident, devint plus sérieuse et plus tragique pour la conscience humaine. La littérature occidentale engendra de nombreux chef d'oeuvres sur le mal, le diable et l'enfer. Nous pouvons citer (ici), la Divine Comédie de Dante, le Faust de Goethe, le paradis perdu de John Milton et la fin de Satan de Victor Hugo. Ces quatre oeuvres et bien d'autres et je pense particulièrement aux fleurs du mal de Charles Baudelaire, constituent une réponse plus que satisfaisante à la question du mal. Et ce mal, nous dit Jacques Maritain, en reprenant le poète Lautréamont, Dieu le connait parfaitement par le bien dont le mal est la privation (p13). Dieu ignore absolument le mal en ce sens qu'il est absolument innocent du mal. Autrement dit le mal est connu de Dieu sans être causé par lui (p20). Parce que ce que Dieu cause ne peut être que bon (p23). Dieu ne connait le mal que par le bien, c'est à dire par la négation du bien ou son absence (p32).

 

 Du fait de la faillibilité de la créature, Dieu accepte qu'elle se détourne de lui. Ainsi, la liberté permet à la créature de causer le mal et ce faisant elle empêche Dieu de causer en elle le bien contraire à son péché (p32). La grâce est refusée et la créature ne réalise pas à cause de la confusion causé par le péché originel, que sa défaillance la prive de la grâce et donc de Dieu. Mais Dieu peut empécher cette même créature de défaillir. C'est à dire que Dieu laisse sa grâce causer dans la créature un bien contraire au péché. Dieu peut donner à qui il veut, une motion imbrisable du premier coup, c'est à dire que la créature trouve miraculeusement en elle la force de ne pas briser la règle qui conduit au bien. De même, Dieu peut destiner une créature au salut éternel, c'est à dire la prédestiner inconditionnellement du premier coup. La créature, en raison de la pure initiative de la bonté divine qui est un don absolument libre de la grâce et de la générosité de Dieu, aime Dieu par-dessus tout, c'est ce que l'on nomme l'amour de prédilection (p103, p104, p105).

 

 Mais Dieu, dans sa grande bonté, a donné à la créature la règle de la bonne conduite qui mène au bien. Et sans la considération de la règle, l'intellect humain est sans gouvernail. La règle corrige la créature et l'empêche de s'enfermer dans le péché qui mène au mal. Quand la créature cesse librement de considérer la règle, elle ouvre la porte au péché, elle s'inscrit dans le néantement, c'est à dire dans le non-acte (p48, p75). Le mal c'est la facilité et la paresse tandis que le bien, c'est la volonté, la discipline et l'agir. Pour obéir à la règle, la créature doit se faire violence, elle doit faire un effort sur elle-même. Et cette obéissance à la règle plaît à Dieu qui, pour récompenser la créature de son effort, l'enveloppe de grâce. Mais quand la créature brise volontairement la règle parce qu'elle ne veut faire aucun effort dans le sens du bien, elle penche dangereusement vers le mal. La créature, en ne choisissant pas la règle qui conduit au bien, se place dans une situation d'indifférence face au bien et cette indifférence qui est de l'impassibilité, c'est le mal en développement. C'est un manquement du bien qui défait, pour une part, l'oeuvre que Dieu fait (p85).

 

 Il existe deux instants de nature de la non-considération de la règle. Le premier instant de nature, la créature nie la règle, c'est la pure négation de la règle, que saint Thomas d'Aquin nomme Mera négatio. Cet instant contient virtuellement le mal (p53). En effet, la créature n'est pas encore passé à l'acte. L'effectuation même de cet acte se nomme l'acte d'élection peccamineux. C'est le second instant de nature, l'acte d'élection peccamineux entraîne la privation d'un bien dû et la privation de la grâce, d'où le terme privatio usité par saint Thomas d'Aquin (p52). La créature est donc souillée par le péché. A cet instant, la créature devient non-être. Le décret persmissif conséquent à la non considération de la règle qui permet à la créature de briser la règle, est donc la permission préalable de Dieu (p63). Ce décret signifie que l'adversaire, c'est à dire le mal, ne peut rien contre nous sans la permission de Dieu. Cet axiome de saint Cyprien doit être complété par cet autre axiome de saint Augustin qui dit  " Que Dieu ne permettrait jamais le mal s'il n'était assez puissant et assez bon pour tirer le bien même du mal. " Dieu est sûr qu'il tirera un bien plus grand du mal que la créature pourra commettre. Et nous savons par saint Paul et saint Augustin, que pour ceux qui aiment Dieu, toutes choses et même les péchés, coopèrent à leur bien (p65). Ce décret permissif ne fait que décider de ne pas empêcher la créature de faire le mal, ce décret ne cause pas le mal, il ne peut y avoir de confusion.  

 

 Concernant le temps de la créature sur terre, Dieu n'ignore pas le futur de ce temps-là (p79). Dieu connait la finalité malgré tout le troupeau des jours qui font le temps des créatures. Tout ce que fait la créature est un pur surplus dans l'immuable et éternelle connaissance que Dieu a de lui-même. Pour Dieu, rien n'est imprévisible même si la liberté de la créature est pleine et entière. Dans son plan éternel, nous dit Jacques Maritain, Dieu tient compte de la faillibilité de la créature (p81). Le décret permissif qui permet à la créature de briser la règle prend en compte toutes les possibilitées que peut emprunter la créature. Dieu est comme ce romancier qui permet à ses personnages de lui résister et qui n'en font qu'à leur tête (p82). Assurément, les vrais romanciers, nous dit l'auteur, font vivre des personnages récalcitrants, effrontés et machiavéliques. Ils font le roman en même temps que le romancier. En effet, ces personnages ne se plient pas docilement au scénario, ils dictent leur comportement et imposent souvent une remise en perspective de tout le récit. Le vrai romancier n'est pas intimidé par tous ces destins qui le maltraite, bien au contraire, son génie se sert allègrement de ces résistances pour élever son récit. Il est capable, en un instant, de tout remodeler, reformer et réordonner. Il tire profit des maux engendrés par ses personnages aux tempéraments complexes, des situations plus bénéfiques et plus justes. La recherche du temps perdu de Marcel Proust, les Rougon-Macquart d'Emile Zola et Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline peuvent servir d'exemples à ce que nous venons de dire. 

 

 Ces résistances ne sont finalement que les effets matériellement atteints de ses décrets permissifs conséquents. C'est à dire que Dieu voit se concrétiser ce qu'il sait par son intelligence immuable et éternelle. Il ne s'étonne pas de voir la créature obéir ou non à la règle. C'est comme une mère qui voit son enfant tomber. Elle sait que tomber est nécessaire pour apprendre à marcher et après chaque chute, elle est là pour le consoler et l'encourager. Dieu retourne donc à son avantage les réussites du mal. Dieu fit de la croix, de cet instrument de souffrance et de mort, un objet lumineux. Selon Michel Maffesoli, l'auteur de la part du Diable (ici), la croix est le véritable appât qui piège Satan à son propre jeu. Pour saint Augustin, Dieu est assez puissant et assez bon pour tirer le bien même du mal (p87). Il compense et surcompense par un bien démesuré tous les maux que les hommes peuvent engendrer. Et tous ces maux qui s'accomplissent dans le temps historique de la créature sont présents d'un seul coup à l'Instant éternel de Dieu (p90). Tout est vu en un seul instant dans son immuable plan éternel parce qu'il n'y a aucun événement humain, nous dit Jacques Maritain, qui ait la moindre indétermination et la moindre mutabilité qui seraient susceptibles de perturber les fins dernières voulues par Dieu (p91).

 

 La créature qui fait donc le choix de briser la règle et de s'en accomoder, finit par refuser Dieu (p107). Et l'habitude du péché entraine la créature à aimer le péché. C'est donc elle qui se détermine pour l'enfer qui est la demeure du mal. Elle préfère sa propre grandeur à l'amour de Dieu. Elle maudit Dieu en se fixant dans l'aversion des béatitudes. Et devant le jugement de son âme elle préfère la justice de Dieu que Son immense Miséricorde, elle s'exclut elle-même des biens auxquels Dieu l'avait destiné. L'obstination de la créature dans le mal l'habitue au mal pour ne plus avoir en horreur le mal, et tient le bien comme une horreur. Elle se dérobe ainsi à la dernière grâce qui est le pardon intégral des péchés, obtenu gratuitement à travers la sainte Passion du Christ. La créature en âme brise conséquemment la dernière motion, c'est à dire qu'elle pèche contre le Saint-Esprit, elle refuse Dieu dans l'éternité (p109). La créature est donc entièrement responsable de sa destinée. Dieu ne fait que l'inviter à choisir le bien pour son propre bien et, surtout, celui de son âme, qui, dans l'éternité, aura soit la vie éternelle dans le ciel soit la mort éternelle en enfer. 

 

Antoine Carlier Montanari

Commenter cet article

Archives

À propos

" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin