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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

15 Mar

Un Livre Que J'ai Lu (171) : Métaphysique de la guerre (Julius Evola)

Publié par Alighieridante.over-blog.com

 La guerre, disait Jünger, est la plus forte rencontre des peuples. Pour Julius Evola, la guerre est l'occasion de transcender la vie, de dépasser le stade de la vie courante et monotone du matérialisme pacifiste qui sévit dans les villes (p7). Elle met un point final à la vie pratique et répétitive déterminées par les organisations sociales. Elle fait toucher du doigt le vie supérieure, la vie virile, la vie qui fait face à la mort. La guerre extrait du quotidien, de la vie sociale écrasante et aliénée. Elle offre à l'individu empêtré dans le cycle de la survie consumériste le moyen de l'héroïsme. La guerre c'est le devenir transcendé, elle révèle les âmes fortes, trempées comme le fer dans le feu, elle consume la lente dégradation du temps émasculateur. Charles Péguy et Guillaume Apollinaire ont jeté leur corps dans la bataille, ils ont dépassé leur vie d'écrivain pour servir une idée plus grande qu'eux. Jeanne d'Arc et Napoléon sont des exemples de la condition guerrière. L'une pour avoir fait de la femme un être viril et l'autre pour avoir fait de la France une puissance militaire incontestable. La guerre détermine la valeur anthropologique, elle fait des uns des lâches et des autres des braves. L'expérience héroïque qui en découle fait du combattant un être spirituel, il a abandonné pour lui-même la poursuite du bien-être matériel. Bien entendu, toutes les guerres, nous dit Julius Evola, n'offrent pas les mêmes possibilités (p10). La guerre se nuance en fonction d'intérêts spirituels ou d'intérêts matérialistes. Dans le premier cas, le devenir de l'âme se conjugue à l'héroïsme alors que dans le second cas, la guerre ne sert qu'à servir des puissances bourgeoises qui veulent s'accaparer des primautés d'ordre économique et industriel (p9). Il faut toutefois préciser que la notion de sacrifice, dans le cas de guerres patriotiques, est forte, le combattant ne défend pas seulement sa patrie mais une expérience d'être enracinée qui naturellement intègre une religion ou une spiritualité. Dans le cas de la guerre sainte, croisade ou djihad, l'héroïsme au combat élève le mérite de l'âme. Une belle mort offre le droit d'entrer au paradis. Dans la mythologie nordique, par exemple, le Walhalla (p15) est le lieu, au sein même du royaume des dieux, où demeurent les valeureux guerriers morts au combat. L'expérience héroïque créait une puissance de revêtement unique, elle offre au guerrier une aura prodigieuse qui lui confère un statut d'homme supérieur. Achille, Samson et Léonidas représentent ce profil guerrier. C'est la forme guerrière la plus aboutie elle se démarque d'une forme plus rudimentaire et plus répandue, qui fait du combattant un matériel humain voué à faire la guerre pour des raisons pécuniaires (p11). Cela donne un héroïsme passif où le soldat est mus par des forces élémentaires comme le salaire. Par extension le boxeur est un guerrier de type rudimentaire, l'appât du gain, le déchainement des forces instinctives et l'absence de mise à mort le cloisonne à un héroïsme spectacle et primitif, voire animal. Voyez le petit garçon qui se prend pour un cowboy ou un indien, voyez comme il s'incline déjà devant la mort et qu'il imite avec ce qu'il peut de grandeur le fait de mourir honorablement. Voyez ces jeunes adultes s'immerger dans des jeux de guerres virtuels, empoigner des armes pour affronter avec plaisir un ennemi qui n'existe pas réellement. Voyez comme il a besoin de sentir la rencontre avec l'autre, de se comparer à l'autre, de nourrir en lui-même l'instinct du chasseur. 

 L'armée romaine tient une place importante dans l'histoire de la guerre, et outre son insolente domination sur les autres armées de son époque, elle scintille toujours de cet éclat céleste que César portait autour de la tête sous forme d'une couronne de laurier dont les feuilles égrainaient le nom de chacun des nombreux dieux qui formaient le cénacle jupitérien. Cette religiosité romaine mysticisait la guerre (p13). L'esprit romain jetait fidèlement son âme dans la guerre et prenait soin, avant de s'y engager, de convoquer  les oracles pour que les puissances divines participent à la bataille en vue de balayer tous les obstacles et les résistances matérielles et spirituelles (p14). En réalité, dans la conscience populaire, l'impérialité romaine dégage une puissance de réalisation extraordinaire et une puissance d'affirmation inégalée. Tout cela repose sur une science savante de la guerre et une armée remarquablement organisée. Son expression guerrière s'est si grandement déployée qu'elle en a même extrait sa saveur pour l'offrir au peuple romain dans ses propres colisées. Cette propagation du spectacle guerrier a offert à Rome un point de culmination formidable qui aujourd'hui est redéployé, sous des formes moins brutales, dans les sociétés modernes. L'attrait de la confrontation, de la concurrence, de la compétition, de la victoire, de la défaite de l'adversaire sont des polarités d'exhortation guerrière. 

 Revenons un instant à la tradition héroïque qui assume l'accomplissement spirituel par la guerre. Le Moyen Age qui additionne les expériences d'être romaine, nordique et chrétienne (p17), sacralisa la guerre à travers ce que l'on nomme les croisades. Mais ce terme, précise Julius Evola, doit être considéré sous un angle autre que celui des historiens matérialistes qui considèrent la religion chrétienne comme une superstition de plus dans l'histoire de l'humanité. La croisade s'opère dans un climat spirituel qui est amplifié par le fait que l'ennemi, que se soit du point de vue chrétien ou du point de vue musulman, agit sous le regard de Dieu. Et au delà de l'affrontement, jugé de haut par nos contemporains, les combattants de ces deux horizons avaient au moins ce mérite, à travers l'appropriation terrestre, le désir d'un fief céleste que Jérusalem incarne théologiquement.

 Dans l'Islam, le prophète n'hésite pas à recourir à l'épée pour répandre le royaume d'Allah sur terre. L'épée est un mot apprécié par Mahomet alors qu'il ne l'est pas pour le Christ. A ce point d'imitation de la parole et de la vie du prophète, le combattant musulman est alors invité à sortir l'épée, et c'est ce qui fait de lui un redoutable combattant. Il flambe d'une témérité nouvelle baptisé dans un feu spirituel. La pulsion qui l'anime est désormais amplifié par le désir de plaire à Allah, le coeur du combattant est alors incendié d'une conviction sacrée. Cette empreinte divine exalte le courage et le dépassement intérieur, ce qui a valeur d'ascèse (p24). Un tel couronnement pulsionne l'esprit de guerre, cet esprit est alimenté d'une impulsivité supérieure qui élève l'essence de la guerre. L'islam fait en quelque sorte corps avec la guerre, le combattant obéit et ne culpabilise pas de lever l'épée, contrairement au chrétien. Pour le musulman combattant, l'adéquation qu'offre l'islam avec la guerre, libère ses pulsions meurtrières qui indéniablement font ressurgir la bête tapis en lui. Ce processus d'involution est porté par cette offre immatérielle de matérialité qu'offre le paradis d'Allah. Pour clarifier la chose, le paradis d'Allah est aussi sensuel que spirituel. Il faut aussi comprendre que la guerre investi la partie de l'être la plus bestiale, la plus instinctive, qu'il faut aller chercher au fond de soi les tripes nécessaires à sa propre mise à mort et à celle de l'autre. Faire surgir de l'être la vie pure, la vie principielle qui ordonne l'instinct de survie, lequel ne peut dépasser l'existence pour admettre la mort en tant que pont vers l'éternité. Le kamikaze japonais accepte rationnellement et avec discipline le sacrifice intégral. Le dialogue intérieur entre la puissante volonté de vivre et l'acte héroïque qui accepte la mort pour le bien d'un plus grand nombre, voilà le principe de clarification intérieur. C'est une guerre psychique, qu'il faut mener contre soi-même (p28). Dieu ou une divinité ou même une idée supérieure, aide l'esprit à franchir la limite de sa propre existence. Précisément, le guerrier cesse d'agir en tant que personne ordinaire, il a dépassé sa volonté de vivre et a atteint un stade de développement supérieur. La volonté de vivre est surclassée par la volonté de dépasser les limites humaines. L'héroïsme fait le deuil de ce monde. Le Christ est cette figure héroïque qui a intégralement accepté toutes les blessures qu'on lui a infligées. C'est au jardin de Gethsémani, après avoir douté, qu'il s'est conformé à la volonté de son Père qui est Dieu. Tout son être s'est comporté comme l'arbre qu'on tronçonne en bûches afin de nourrir le feu de la cheminée. La passion du Christ est l'expérience héroïque la plus absolu. Elle dévoile brusquement l'obéissance la plus complète à la mort qui vient. Le Christ a dépassé sa condition d'homme pour une raison supérieure. Sa volonté d'homme s'est dissoute face à celle de son Père qui est Dieu. Le Christ a fait la guerre à sa manière, à la manière d'un Dieu qui avait pour seule arme l'amour. Il a accepté sa mort sur la croix pour que s'accomplisse la résurrection. Il fallait cette mort, il fallait cette défaite pour mettre en échec le pouvoir de la mort. De même, les 300 guerriers spartiates ont dès le départ accepté leur futur mort face à l'armée de Xerxès. La mort était le moyen efficace d'installer, dans l'esprit de l'armée de Xerxès, et surtout dans l'esprit de Xerxès lui-même, l'empreinte angoissante d'une victoire chèrement acquise. 

 Ce petit essai de Julius Evola peut être joint à l'ouvrage de Ernst Jünger, "La guerre comme expérience intérieure" (ici). L'auteur allemand, qui a vécu les tranchées en tant qu'officier durant la première guerre mondiale, rappelle que la guerre est profondément enracinée dans la nature humaine, qu'elle est une loi de la nature. Elle forge les viriles pour que les lâches n'aient pas le pouvoir. Jünger parle de cette guerre qui met dans les yeux des braves cette horreur molochéènne qui voluptueusement pénètre le cortex avec une âpre et délicieuse angoisse. Beaucoup, nous dit Jünger, ne comprennent pas la guerre, incapable d'appréhender cette force de la nature qui régit le monde selon une loi qu'ils peinent encore plus à cerner. Et la nature de cette loi, pour l'esprit petit-bourgeois confortablement installé et en sécurité dans son manège quotidien, ivre de pensées toutes faites et de slogans qui lui épargnent de réfléchir difficultueusement, ne peut être compréhensible. Son horizon intellectuel étant cerné par la puissance illusoire du monde moderne, sa raison et son entendement sont obstrués, si bien qu'il a oublié l'idée selon laquelle le mal s'exprime à chaque fois qu'il en a l'occasion. En ce sens, les ouvrages de Jünger et de Julius Evola égratigneront ces pacifistes dont les nerfs virils se sont détendus.

Antoine Carlier Montanari

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