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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

19 Jan

Un Livre Que J'ai Lu (72) : Mise En Garde Avant L'enfer (Thomas More)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Thomas More

 Un siècle avant Bossuet, en 1522, Thomas More écrivit ce traité moralisateur segmenté en sept parties dont la première traite de la pensée de la mort. Les suivantes traitent des péchés capitaux. Si Thomas More est un bon chrétien, comme le furent Leibniz et Bossuet en leur temps, cette peur de l'enfer, comme le titre le sous entend, pour le juriste et le politique qu'il était (p8), était un moyen convenable de désamorcer les iniquités avant qu'elles ne s'accomplissent. Il va donc raisonner sur les facteurs de dérégulation harmoniques de l'âme. Ces biais comportementaux qu'on appelait jadis péchés font des hommes soit des orgueilleux, soit des envieux, soit des avares, soit des colériques et parfois même tout cela ensemble, ce qui n'est pas, dans une époque comme la nôtre, qui s'est émancipé de la morale chrétienne, forcément rare. Il est d'ailleurs intéressant de noter, que sa fille Margaret eut la même inspiration à ce sujet. Hélas pour nous, on perdit trace de son manuscrit. 

 
 Thomas More s'emploie donc à décortiquer les vices, à la manière du peintre Jérôme Bosch, dont la couverture porte un détail du panneau de l'enfer, celui parmi les trois qui composent le jardin des délices, que Bosch a peint aux alentours de l'année 1500. L'enfer est donc ce lieu d'impureté et de pourriture qui accueille en son sein cette part d'humanité qui n'a pas voulu se purifier quand elle demeurait sur terre. Indéniablement on retrouve tout Bossuet dans ce traité, le conseil primordial est de se préparer convenablement à la mort qui vient (p16). Mais la proportion d'hommes et de femmes disposés à suivre ce conseil, surtout à notre époque où beaucoup ont fait de ce monde leur paradis et de leurs désirs leur dieu (p18), est très mince. Thomas More rappelle alors que nous sommes faits de deux substances fort différentes, le corps et l'âme (p19), ainsi il y a une médecine pour l'un et une médecine pour l'autre. De ces deux substances la première, le corps, tend vers la mort, la deuxième, l'âme, demeure immortelle. Pour cela il convient de rappeler que l'âme surpasse le corps et que celle-ci est faite non pour imiter la truie comme le fait le corps s'il n'est pas conduit par la vertu, mais pour devenir un diamant parfaitement polie (p20). 
 

 Toutefois, il faut tout de même rappeler l'effrayante contradiction qui anime beaucoup d'hommes et de femmes. Ne voyant pas l'état dans lequel est leur âme, ils s'imaginent être en bonne santé et tout en s'éloignant de la volonté de guérir, ils continuent inlassablement à paître comme des justes. Ils n'éprouvent donc aucun remords pour leurs péchés, ils ne perçoivent pas les fautes commises, ils relativisent les habitudes funestes et finissent par ne vivre que suivant les sensations corporelles et les perceptions sensuelles et qui finalement les font d'avantage ressembler à des bêtes qu'à des hommes (p22). Ainsi si cette recherche du plaisir est convoité par une très grande majorité des hommes on ne peut s'empêcher d'évoquer ici, et pour eux, la terrible vision de l'enfer que la Vierge accorda aux trois enfants de Fatima en 1917. Jacinthe, la plus petite des trois enfants, alors âgé de 7 ans lorsqu'elle vit l'enfer, fut grandement terrorisé par cette vision. Lucie, la plus âgé des trois, écrira, dans ses mémoires, à propos de Jacinthe,
 

 Souvent, elle s’asseyait par terre ou sur quelque pierre et, toute pensive, elle se mettait à dire : « Oh, l’enfer ! Oh, l’enfer ! Que j’ai pitié des âmes qui vont en enfer ! Et les gens qui sont là, vivants, à brûler comme du bois dans le feu ! » Et, toute tremblante, elle s’agenouillait, les mains jointes, pour réciter la prière que Notre-Dame nous avait enseignée : « Ô mon Jésus ! Pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer et attirez toutes les âmes au Ciel, principalement celles qui en ont le plus besoin ». (…)
Elle demeurait ainsi de longs moments à genoux, répétant la même prière. De temps en temps, elle m’appelait ou appelait son frère, comme s’éveillant d’un songe : « François ! Priez-vous avec moi ? Il faut prier beaucoup pour faire échapper les âmes à l’enfer ! Il y en a tant qui y vont ! Il y en a tant ! »
D’autres fois, elle demandait : « Pourquoi est-ce que Notre-Dame ne montre pas l’enfer aux pécheurs ? S’ils le voyaient, ils ne pécheraient plus, pour ne pas y aller. Tu dois dire à Notre-Dame qu’elle montre l’enfer à tous ces gens. Tu verras comme ils se convertiront ! ».

 

 Thomas More, bien avant donc cet avertissement du Ciel, prêcha la solution pour éviter la fournaise où Dante et Virgile y séjournèrent quelques temps pour y avertir les mortels. Aussi, le grand docteur qui fit de sa Croix l'arbre de la vie, nous demande, quand la souffrance se fait sentir, de la laisser s'exercer afin de punir en nous-même nos propres fautes. Cette compensation obtenue anobli l'âme tout en la purifiant, c'est ce qu'on appelle un plaisir spirituel. Pour expliquer cela, voyez le coupable qui est puni d'une peine proportionnelle à son crime, au moment de la sentence il rechigne, il se révolte mais plus tard lorsque la peine a été effectué, au regard de la justice il est redevenu innocent. Il se sent à nouveau libre, ce sentiment est d'ordre spirituel et il est obtenu par le principe de compensation. A vrai dire, la pénitence est toujours agréable pour les âmes les meilleures, pour elles c'est une remise de dette, elles savent pertinemment qu'elles pèchent en permanence et si toutefois la pénitence qu'elles subissent n'est pas juste, elles l'acceptent comme un châtiment pour des fautes qu'elles auraient oubliée. Plus l'âme s'efforce, avec l'aide de la prière, de traverser les douleurs, les chagrins et les afflictions de toutes sortes sans se plaindre, plus elle s'élève dans la compréhension de l'amour. A ce point, l'âme a déjà réalisé qu'il lui faut compenser autant que possible, c'est pourquoi elle ne manque aucune occasion de s'amender et donc de se purifier. Cette conduite, nous dit Thomas More à la page 31, nous conduira à coup sûr au ciel. Car pensez-y, voyez tous les jours les gens qui meurent par milliers, ils nous montre la fragilité de la vie et la soudaineté de la mort. Et malgré que beaucoup, aujourd'hui, ne croient pas à l'enfer, il y a tout de même un risque de prendre à la légère tous les avertissements que nous avons accumulés depuis des siècles. Il serait prudent, surtout pour le profane, d'observer les conseils sages des grands docteurs de l'âme qui nous ont précédés, l'enjeu est trop grand!
 

 Il est vrai que l'âme tire profit à méditer sur la mort, depuis l'antiquité les philosophes ont professé l'importance de cette méditation (p35). Méditons donc sur celle du Christ dont les souffrances qui l'ont précédée ont été si atroces qu'elles nous permettent d'ouvrir les yeux sur la volonté du mal de faire le mal en toutes circonstances. La passion du Christ est un révélateur de ce mécanisme qui a débuté au jardin d'Eden. Satan, qui en est l'auteur, nous a ôté l'immortalité offerte par Dieu, il n'a cessé depuis de se faire faucheur d'âmes. C'est la règle du jeu, le profane croit en être exempté, c'est la plus grande ruse du diable que de faire croire que l'enfer n'existe pas. L'athée est l'exemple même de l'insouciant qui mène sa vie comme bon lui semble. Le diable d'ailleurs ne s'en occupe plus puisque son âme lui ait déjà acquise. La grande supercherie a donc fait de beaucoup d'hommes des aveugles spirituels. Ils sont dans un état de mort éternelle puisque du Christ ils n'en tirent aucune leçon, ils ne seront pas comme le bon larron qui à côté du Christ accueillit la souffrance humblement et remis en acte son âme au Fils de Dieu, il entra alors en premier dans le royaume des cieux (p41). C'est pourquoi, depuis la croix, Satan est déchaîné, il a réalisé, avec la résurrection du Christ, que tout était renversé. Depuis, il ne ménage pas ses efforts pour empêcher les âmes de se mortifier, les euthanasies sont autant de possibilités de salut qui disparaissent, il faut y voir là son empreinte. Il suscite l'horreur absolu de la souffrance pour conduire les âmes à ne jamais comprendre le rôle salvateur de la Croix. 
 

 Quant aux jeunes, nous dit Thomas More, ils pensent instinctivement que la mort est suffisamment éloignée d'eux pour y penser, elle est si loin d'ailleurs que le temps qui les sépare d'elle est perçu comme l'éternité. Aussi ne voient-ils pas ces mêmes jeunes, combien de plus jeunes qu'eux meurent à chaque instant (p44). Et il n'est pas rare non plus que des grands parents enterrent leurs enfants et même leurs petits enfants, en fin de compte si ces jeunes prenaient en compte cela ils seraient des sages parmi les sages.
 

 Après ces conseils avisés, Thomas More nous plonge dans le bain bouillonnant des péchés capitaux qui mènent à la suprême mort, la damnation. L'orgueil, la superbe, la mère de tous les vices (p58) est la racine où naissent tous les autres vices, Thomas More explicite cet enfant terrible du mal dont la présence corrompe aussi bien le méchant que le juste. Pour ce dernier, le fait de se prendre pour un saint nourri en lui des sentiments de supériorité qui le conduisent à l'envie, la jalousie et la colère. Il ne perçoit pas forcément que cette conviction le ronge si malignement qu'elle finit par le damner, dans ce cas seule la grâce spéciale de Dieu peut le pousser à éprouver les remords nécessaires à sa propre libération (p59). La fourberie de ce vice est si subtile que le juste ayant le saint désir de surpasser son prochain en vertu, rend son courroux et sa colère aussi saintes que la vertu qui l'anime. Il se complaît donc dans la correction de ses frères et s'éloigne ainsi de sa propre correction. Thomas More suggère même que les vices du corps comme la gourmandise, la paresse et la luxure sont préférables à cet état d'orgueil spirituel (p59). En effet les péchés de la chair étant plus manifestes, l'âme est plus enclin à les reconnaître. C'est donc aux orgueilleux spirituels, qui incombe de réfléchir aux fins dernières à travers le châtiment de l'enfer, car ils sont bien plus liés au vice qu'ils ne le pensent. S'ils se parent de la vertu et la glorifie, ils ne font que se déguiser tout comme les sépulcres blanchis que le Christ apostrophe,

"Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toutes espèces d'impuretés." (Matthieu 23,27)

 Après l'orgueil, l'envie, la fille aînée de l'orgueil nous dit Thomas More, elle est cette bâtarde qui nous fait désirer plus qu'il n'en faudrait. L'envie excite l'âme tout en engendrant chez elle des appétits coupables liés à l'odieuse jouissance de surpasser les autres. L'inceste présence engendre la détestation du bien et du bonheur d'autrui tout en nourrissant la haine de l'autre. La félicité des autres apparaît alors comme une révélation de sa propre déchéance, en conséquence l'âme a le désir de faire taire ce qui apparaît pour elle être une punition ou une malédiction. C'est pourquoi cette maudite envie naissante de son prochain est faite pour tirer de la vanité et non de l'humilité.

 Aussi la colère est ce mortel ulcère, nous dit Thomas More à la page 79, et cette autre fille de l'orgueil entend satisfaire la part la plus médiocre de notre être. Elle fait de nous des bêtes plutôt que des hommes et cause le plus souvent notre propre ruine. Si donc cette branche funeste provient d'une trop grande estime de soi (p80), elle nous fait abandonner le calme et le silence nécessaires à l'âme. Cette attitude est plus une attitude de mépris envers nous-même qu'envers les autres puisque de cet état découle une laide expression du visage et de la voix qui parfois, pour ne pas dire souvent, empruntent aux démons plus qu'il n'en faudrait. Pour guérir de cela, pour faire taire cette colère qui comme celle qui ferait affronter deux hommes,  la mort seule sous les traits par exemple d'un lion furieux, serait à même, sous la menace d'être lacéré, déchiqueté puis dévoré, de calmer ces deux hommes et peut-être même de les réconcilier pour toujours (p82). 

 L'avarice, le quatrième péché, est un penchant bien vicieux qui peut faire passer l'homme qui en est atteint pour un sage. Pas étonnant donc puisque de la confiance en Dieu ils en ont toujours manqué, qu'ils ne puissent pas entrer dans le royaume des cieux. Le Christ n 'avait-il pas dit, à propos du jeune homme riche, 


"Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon." (Matthieu 6,24)

 Ce qui rend l'argent mauvais c'est la trop grande confiance qu'on lui accorde, le péché se situe dans l'attachement excessif et dans l'amour qu'on lui apporte. Le Christ souligne bien le caractère idolâtre de l'argent, n'exhorte t'il pas a rendre à César ce qui est à César? Ce détachement demandé vis à vis de l'argent est indispensable à la disponibilité du Cœur pour Dieu. L'âme doit apprendre à s'émanciper de l'argent, peut-être pas intégralement pour des raisons de contingences quotidiennes, mais de manière tendancielle afin d'une part de maintenir la liberté de l'âme et d'autre part de sentir profondément la dépendance à Dieu. Cette dernière étant essentielle au devenir de l'âme, le riche comme nous l'avons vu ne ressent pas le besoin de Dieu puisque son dieu lui procure tous les besoins que le monde peut offrir et tant qu'il ne ressent pas le danger que cause les biens de ce monde pour son âme, il passe tout le temps présent à assouvir toutes ses envies. 

 Quant à l'avare qui épargne inlassablement, n'aura en réalité épargné non pour lui même mais bel et bien pour des personnes qui lui survivront. Il ne se sera pas donné la permission de jouir de son argent et cet imbécile n'aura jamais compris que ce trésor qu'il a amassé durant toute sa vie lui aura bien empêcher de chercher le véritable trésor qu'est Dieu. Aussi à la veille de sa mort, ses proches, comme des vautours sur un arbre, n'auront d'autres intérêt que celui de l'héritage. Pourquoi voulez-vous donc qu'ils aient de la peine pour un homme qui durant toute sa vie fut un pingre rapiat? (p86) Ce même homme n'a jamais eu confiance en autre chose que l'argent, il n'a jamais été habité par le souci du Ciel et les préoccupations spirituelles qui mènent d'ordinaire l'âme à se réconcilier avec la vérité, il n'a en réalité que satisfait son dieu qui, masquant le diable, lui aura offert tout l'argent du monde pour qu'il perde son âme. L'Ecriture nous dit,

Là où est ton trésor, là est ton cœur (p94)

 Avant que le vice de la paresse n'intervienne, la gourmandise est le péché qui fait de la bouche une porte d'entrée facile pour le diable. Si par elle, Ève comme Blanche neige furent condamnées, elle n'en demeure pas moins le lieu d'un dispositif savant dont le mécanisme sélectionne le bon du mauvais. C'est pourquoi pour tromper le goût il faut impérativement tenir compte du principe du dégoût qui empêche le mauvais de pénétrer dans le corps. Tout naturellement le mauvais doit être judicieusement masqué par le bon comme le poison dans la pomme. Aussi l’œil n'y est pas pour rien dans cette affaire, c'est par lui que le goût est excité, il stimule le désir sur l'objet observé tout en suggérant à l'imagination tout un tas de fantasmes que le diable s'empresse d'alimenter (p102). L’œil est alors ce guide insouciant qui toujours veut voir mais qui jamais ne voit. Quand il suscite l'appétit, il n'est jamais aussi dangereux pour l'âme si l'esprit ne le corrige pas en le détournant. A vrai dire le gourmand ressemble à sa manière à l'avare, en amassant autant de calories il traduit en quelque sorte sa peur de manquer de nourriture ou de mourir de faim, il n'a de confiance que dans la chair.
 

 Pour finir, la paresse est le dernier péché qu'aborde Thomas More. L'auteur, dans ce très court chapitre, à peine une page, nous décrit ce vice comme l'un des plus communs qui soit et qui en réalité révèle cette disposition de l'esprit qui permet de changer, la volonté. Sans cette dernière il n'est point possible de corriger tous les autres péchés. La paresse, pour paraphraser Thomas More, est pareille à une anesthésie générale qui plonge l'être dans l'incapacité. La mort c'est cela, à l'image de tous ces morts-vivants qui cheminent dans les séries télévisées et les films, c'est avant tout choisir la chair plutôt que l'esprit.

Antoine Carlier Montanari

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