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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

04 Jan

Un Livre Que J'ai Lu (3): Le Coeur Des Ténèbres (Joseph Conrad)

Publié par AntoineCarlierMontanari.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

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 Joseph Conrad est ce voyageur qui fut enterré selon les rites catholiques (p9). Le titre de cet ouvrage est flamboyant pour quelqu’un qui a lu la Divine Comédie et le Paradis Perdu. Cette plongée au coeur de l'Afrique est une parabole du récit lointain du florentin mais aussi une aventure mystique et symbolique toute aussi superbe que le Moby Dick de Melville. Les ténèbres humaines et naturelles sont ici des éclairages baudelairien de la genèse où les profondeurs verniennes apparaissent comme un centre de la terre en surface (p14). 

 Conrad nous plonge donc au coeur d'un monde primitif où le ténébreux anime en toute légalité toutes les formes qui y vivent. Cette terre noire a dans son centre une beauté blanche que convoite une autre forme non moins ténébreuse et qui de son continent blanc l'extrait comme une richesse toute aussi précieuse que l'or. Marlow a alors la tâche de retrouver, pour le compte d'une compagnie, un dénommé Kurtz dont le besoin d'émancipation a rendu aussi libre que le plus sauvage des sauvages.

 Le grand fleuve Congo répand ses eaux aux lèvres d'une terre hérissée furieusement perverse où Kurtz avait élu domicile comme un puissant démon dans un corps. Il crachait alors de l'ivoire pour son propre compte, là-bas, au tout début du monde comme si ce là-bas était sa véritable demeure. Marlow savait qu'il avait à faire à un "génie universel" (p77) qui dans cette profondeur avait trouvé une vérité toute aussi universelle. Marlow remonte alors le fleuve où le spectacle monstre de la verdure est resté pur comme aux premiers âges. Le dieu démoniaque du fleuve est un boucher qui a le talent de conserver cette extrémité du monde dans des essences de la même nature que ces infections lovecraftiennes qui ont initiées le diabolique dans des contrées impénétrables. Ces démons du monde avaient daigné servir Kurtz et ses cannibales, cette razzia sur l'ivoire, selon les méthodes du bon Capital, avaient ôté à la région en question tout son or. De là, la concurrence très louable de Kurtz ravi aux autres blancs restés sur le continent, d'amères maux de têtes dont les verres de scotchs ne suffisaient pas à calmer. Ces cols blancs semblaient souffrir d'un mal de dent peu commun aux gens ordinaires. Dans ce lointain territoire noir, un blanc avait  alors embrasé l'épaisse ténèbres pour y prendre l'ivoire que le soleil n'avait jamais pu illuminer.

 Et pourtant Marlow n’ira pas jusqu’au bout, Kurtz est allé trop loin. Marlow est ce commun des mortels pour qui la vérité ne mérite pas de voyage, il n'a jamais ressenti, aussi fortement que Kurtz, l'idée odieuse que révèle la vie. Il faut pourvoir admettre que la mort est la seule affaire qui compte, la grande affaire disait Bossuet, le reste n'est que fanfaronnade. En fin de compte Kurtz est ce surhomme nietzschéen qui s'est promené dans un coin du monde comme Virgile en son enfer. Le fleuve Congo fut son Achéron et il s'y plongea avec toute la rage d'une âme surchauffée. 

Antoine Carlier Montanari

 

* successivement page 175, 186, 174, 166 du livre

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