Histoire De Monstre (5)
Car l' espoir de voir mon cauchemar s'en allé s'est défait à mesure que cette horreur qui ne portait pas de nom en appellait à la haine. Une rage qui se dessinait dans ses traits et qui la bouleversait jusqu'à la rendre méconnaissable. Aucune nature connue ne pouvait s'identifier de la sorte et si l'on m'avait dit que l'enfer en était autant pourvu je n'aurais jamais remis en cause l'amour que l'on attribue à son contraire. Il se peut que dans ce qu'il me restait de conscience je puisse trouver suffisamment de lucidité pour demander l'aide du ciel. Mais cela fut compromis par un manque indéniable de foi, mesure que j'avais souvent mise de côté par peur de reconnaître mes pêches. Maintenant que ce monstre rampant se préparait à me vaincre, je me voyais dépourvu de l'essentiel, ma seule issue étant de m'en remettre à mes seules forces. N'y avait t'il pas là la résultante d'un comportement insouciant, qui de manière extraordinaire se voit confondu. Elle se tenait courbé, me toisant d'un feu que l'imagination ne peut qu'effleurer et que l'esprit s'y résout par force de constatation. Le regard ne peut porter à la conscience les faits dans leur entière réalité, une dénomination d'ordre intemporelle pourvoyait à cette entité une existence bien plus présente qu'elle n'y paraissait. Car à ce que je ressentais s'attacha la conviction qu'une puissance néfaste était a l'œuvre. Ma volonté se vit offrir les effets de la peur, je m'engageais à chercher la consistance de ce qui me troublais. Bien plus qu'une créature que l'on pouvait rencontrer au détour de certains livres pesants, une entité qui vous saignait l'âme et non la chair et qui rendait ce qu'elle convoitait propice au désespoir. Un terme d'apparente banalité qui m'infligea son expression de la manière que je pensais ne pas pouvoir lui attribuer. Ce que je croyais du désespoir s'effrita à cette réalité qui en corrigea lourdement le sens. S'il infligea à la chair les tourments de l'âme, il rendit insipide le goût de Dieu, emportant quiconque place en sa demeure de la valeur à ce qui n' en a pas. Indéniablement cette force réduisait à néant les capacités qui sont les miennes, je m'en remis donc à la cause qui m'a toujours valu de l'amour. L'éducation qui fut alors achevée par une mère débordante de foi ne pouvait ne pas m'adjoindre, au moment de L'épreuve, les grâces que Dieu lui avait promise. C'est en cela que je m'en remettais désormais, voulant honorer celle qui m'a mis au monde, ne concédant ainsi aucune soumission à celui qui voulut m'en retirer. Braver la bête de sorte d'atteindre ce pourquoi cette mère si aimante avait tant prier. Il n'y avait pas là de doute de ce qui pour moi devenait un combat intérieur, car la forme, aussi funeste que sa nature le permettait, venait d'extraire de sa gueule une consistance verbale, qui, si je n'avais pas été en soutient de grâce, m'aurait corrompu. Ses pattes aux poils cramoisis, crochues en extrémité, venaient griffer le sol pour y libérer une malédiction aigue. Un supplice qui suggéra à ma conscience toute l'étendue de sa volonté. C'est en ceci, réalisant ce qui pousse certains hommes à s'enticher de telles forces et qui allègrement comptent sur cet appui pour dominer les autres. Une frayeur sans doute utile, dans la mesure où ce que je prenais comme de la méchanceté, provenait de circonstances hautement plus sournoises que l'esprit humain pouvait en contenir. J'avais bien perçu le rôle de la grâce dans ces moments-là et je ne pouvais attendre plus longtemps que le diable n'emboîta sa mesure. Qu'il se tienne sous l'apparence qui exacerbent mes peurs, tentant de réduire à néant les mots de mon coeur. Ceux -là même ils les exécraient, j'entendais bien lui imposer la parole qui ordonne à ceux de sa race, de s'en retourner maudirent les leurs. Il se figea, roulant sa gueule autour d'un cou bardé de cloques et de verrues, lâchant sa langue dans un mouvement inverse. Quelle étrange vision qui détourne la raison de son propre cycle, lançant à l'esprit une redoutable énigme. J'étais contraint de fermer les yeux, joignant les pensées les plus lumineuses pour ne pas donner à l'esprit des raisons de mourir. Subir une telle horreur, qui brutalise les sens et afflige l'âme, ne peut qu'emporter l'esprit qui se voudrait curieux. Je n'avais point l'envie d'endurer plus longtemps les tourments de cette créature, car si mon âme ne pu tolérer autant de haine, mon corps lui subissait les tourments de la chaleur. Redoutant a tout moment de me voir extraire de ce qui me sert de temple, la force qui rodait autour de moi psalmodia en langue obscure. Cruelle situation et s'il m'était venu la faiblesse d'ouvrir les yeux, je n'aurais été aujourd'hui en mesure de témoigner de tant d'horreur. Qu'il puisse exister au delà de nos conceptions naturelles, un ensemble ordonné qui tente de briser le socle humain, établit à celui qui veut l'entendre les bases d'une compréhension nouvelle. Leur pouvoir abjecte, s'est forgé dans la rébellion, qui depuis des milliers d'années cristallise la haine de celui qui les a crée. Race déchue qui s'était vu revétir les dons les plus extraordinaires, des princes que le soleil avait couronné. Cette engeance de fils maudits, s'est voilé des éternels bienfaits, attachant à l'existence le plus profond mépris. Ainsi l'énergumène poilu qui me fait face, fouillant dans ses orifices cachés une semence des plus infecte, m'invita à y goûter. J'entends encore ses mots dans une mesure que l'oreille humaine à peine a associer, parsemant à la raison des sons brisés et défigurés et qui y introduit la folie. Une déchéance pleine de dégoût, blasphémant les croyances qui m'ont élevées et louant son seigneur d'un hurlement maudit. Je ne peux joindre à ma pensée la suite des évènements, la mémoire m'étant ôté je remercie la grâce divine de s'être posée sur moi. Certains diront que ce qui fut une douleur à mes sens, ne se configure qu'au cycle des cauchemars ou des traumatismes et qui par les tours de l'esprit ont conjugué certaines illusions entre elles. Je ne veux contredire celui qui fait sienne cette affirmation, je n'aurais à ses yeux que le rôle du fou. Il m'est impossible par les mots de convaincre ce qui fut pour moi une révélation par le vécu et je comprends très bien que les sceptiques ne peuvent s'en satisfaire mais il appartient à chacun de rechercher la vérité.
Antoine Carlier Montanari