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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

26 Jan

Un Livre Que J'ai Lu (216) : La Mort Des Cathédrales (Marcel Proust)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Marcel Proust

 

 Comment pourrait-on se passer des écrits de Marcel Proust ? Celui-ci est un trésor national qui a su donner à la France un chef d'oeuvre littéraire dont la dimension symbolique est encore en pleine ascension. Ce qu'on appelle aujourd'hui littérature, ne peut prétendre en être quand on a lu ce maître-là. Il n'y a rien de plus athlétique et de plus éveillé que le style de Marcel Proust. En effet, son style est un véritable esthétisme qui offre à l'esprit une énergie intellectuelle extraordinaire. On peut parler de montée en apogée permanente. C'est certainement le plus admirable écrivain français tant sa plume, à part peut-être celle de ce satané Chateaubriand, fait danser la langue française avec un art de la tournure qui en peinture peut être comparé à ce fameux sfumato élaboré par le grand maître italien de la Renaissance.

 

 L'éditeur a eu la très bonne idée de faire paraître en livre un article du Figaro écrit par notre cher écrivain. Cet article publié le 16 août 1904, nous compte une affaire qui aujourd'hui prend encore plus de sens au regard de ce qui est advenu à la grande Dame qui trône en plein coeur de Paris. Mais avant tout, nous devons réaliser quelle gloire nous domine, nous français dont les ancêtres, bien avant l'édification de la basilique du Sacré-Coeur, pas très loin de celle dont on vient de parler, élevèrent sur un rocher prit dans les sables, une abbaye en l'honneur du grand Archange. De plus, il nous fut donné du Ciel une jeune bergère pour nous rappeler que la patrie, chez-nous, est née du coeur d'une femme. Tout cela a mis la France dans une position idéale.

 

 Les cathédrales françaises, monuments à la gloire du Dieu Trinitaire, sont, nous dit Marcel Proust les plus parfaites réalisations gothiques. Rien ne les égales, elles sont, ajoute-t-il, probablement la plus haute mais indiscutablement la plus originale expression du génie de la France. La cathédrale est un carrefour de beautés où règnent des oeuvres dans un ensemble achevé qui est au-dessus de ce qu'aucun artiste a jamais rêvé. Seul Wagner, écrit Proust, avec son Parsifal, s'en est approché. Il faut vraiment être habité de l'âme d'autrefois pour contempler comme il se doit l'oeuvre tout entière, c'est à dire le plus grand ensemble artistique qui se puisse concevoir. La pierre qui fait ces édifices est l'image vivante de tout ce peuple qui tous les dimanches répondait à la voix du prêtre, se courbait à genoux quand la cloche annonçait la grande élévation. La cathédrale est l'offrande de la France à son Dieu. La sainte messe a donc trouvé dans cet écrin fait presque de mains de Dieu, son plus haut pied d'éstale. 

 

 Et c'est grâce à la persistance de l'Eglise catholique, que ce peuple français, fidèle à son baptème, a bénéficié, au sein de ces édifices tournés vers le Ciel, des mêmes rites qui amènent l'esprit à faire corps avec la chair de Dieu. Or la rupture du gouvernement français avec Rome, écrit Proust, à cause de l'adoption probable d'un projet de séparation, videra les églises et l'état les transformera en tout ce qui lui plaira. Proust se réfère au projet Briand qui aboutira à la fameuse loi du 09 décembre 1905. Celle-ci pose comme principe la séparation des Eglises et de l'Etat. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Elle met fin aux accords passés entre Bonaparte et le Pape Pie VII en 1801. 

 

 Si donc la vie se retire de ces édifices, écrit Proust, alors ils finiront par ne plus parler au coeur des français et agoniseront avant d'être désacralisés pour être transformés en demeure profane. Que n'avait-il pas prophétisé-là ! Plus d'un siècle plus tard, certaines églises, certaines chapelles et certains monastères de France sont transformés en lieux de loisir, en entreprises du numériques et pire, dans de très rares cas, en mosquées, à cause des socialistes qui ont une bienveillance particulière pour la religion de Mahomet. Ce qui compte pour les socialistes et autres républicains zélés, c'est qu'on n'y célèbre plus la messe. L'anticléricalisme, écrit Proust, inspire de grandes sottises. Les socialistes n'ont cessé de combattre l'âme catholique de la France, leur projet est un déracinement intégral.

 

 Il faut rappeler que le rituel de l'eucharistie fait corps avec la cathédrale. Le moindre geste du prêtre, le moindre objet liturgique, la moindre parole, la moindre prière épousent l'immensité de la cathédrale. L'ensemble embrase le coeur du croyant et le rattache à ce que l'on nomme la communion des saints. Tout ce spectacle, nous dit Proust, ne peut trouver rival parmi les oeuvres profanes. Et même parmi les plus mondaines comme les cours du Collège de France qui sont de froides dissections ou encore les représentations théâtrales que Proust qualifie de besoins littéraires bien mesquins. Le poète et peintre John Ruskin, le philosophe et historien Ernest Renan et le grand Flaubert, cités par Proust, ne disent pas autre chose. Baudelaire est également de la partie. Proust emprunte au poète une de ses expressions pour l'accorder à la cathédrale. L'ajout est particulièrement bien choisi, Proust compare le grand édifice chrétien à une forêt de symboles. Pour ma part, je dirai et en paraphrasant une certaine Emily Dickinson, que la cathédrale est l'expression des choses infinies où règne une insaisissable atmosphère, faite d'un matériau mystérieux, ininflammable. 

 

Peut-être faut-il conclure cette fiche de lecture avec un article du Journal du Dimanche publié le 10 décembre 2023 (ici). La journaliste, Aziliz Le Corre traite d'un ouvrage de Maurice Barrès intitulé "La colline inspirée". Maurice Barrès est un écrivain influent dans la France de la Belle-Epoque et il fut l'un des maîtres à penser de la droite nationaliste entre les deux guerres. Dans cet article on apprend que l'ouvrage en question a été publié en 1913. Il s'inscrit, nous dit la journaliste, dans un contexte politique lié à la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Barrès estime que les défenseurs de la séparation commettent une grave erreur. Il différencie précisément la question intime de l'adhésion à la foi, du rôle joué par l'institution ecclésiale, considérant que l'Eglise permet de composer l'équilibre général de l'individu comme de la collectivité. Dans son ouvrage "La colline inspirée", Maurice Barrès fait dire à la chapelle (ici),

" - Je suis la règle, l'autorité, le lien ; je suis un corps de pensées fixes et la cité ordonnée des âmes."

 

 

Antoine Carlier Montanari

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