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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

11 Jul

Un Livre Que J'ai Lu (203) : Le Conflit (Georg Simmel)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Georg Simmel

 

 

 Selon Georg Simmel, le conflit est l'une des formes de socialisation les plus actives. Il est une voie qui mène à l'unité ou à la concorde. En effet, une communauté d'individus qui entre en conflit avec une autre communauté d'individus, obtient le renforcement de sa propre communauté en jouant sur le fait que l'autre communauté veut l'anéantir. Pour survivre il faut donc lutter. L'instinct de survie commande un rapprochement des forces. Dans une société pacifiée, le sport représente le rapport de force contrôlé. L'affrontement sportif est un point de focalisation des énergies individuelles.  C'est cette opposition frontale qui fait déplacer les foules. L'entité qui a gagnée se renforce, elle fédère derrière elle toute une communauté qui jubile d'être la meilleure. La victoire apporte de la satisfaction, du soulagement et surtout de la reconnaissance. Elle est sociologiquement productive en ce sens qu'elle entretient un idéal. Il y a donc des unités inférieures et une unité supérieure. Cette dernière est la somme des unités inféreures qui ont acceptées de jouer le jeu. Le sport permet l'affrontement sans danger des énergies individuelles tout en offrant une place aux communautés et une position sociale aux sportifs. 

 

 Ainsi, dans la vie courante, quand la confrontation permet d'obtenir des succès notables, elle devient un moyen relationnel indispensable. On peut parler de commerce humain (p27). La gradation extrêmement variée de sympathies, de compassions, d'attirances, d'inimitiés, d'indifférences, d'aversions et de répulsions engendrent soit du rapprochement soit de la distance et du rejet. Cette gradation multiplie les possibilités d'union ou de désunion. L'une comme l'autre participent à la socialisation du groupe. Nous ne sommes pas là dans une unité complète, l'unité évoquée est une unité relationnelle et fonctionnelle. L'unité suprême, c'est à dire l'unité historique et mystique (p28), dépasse l'alchimie formelle relationnelle.  L'antagonisme, c'est à dire l'opposition entre des personnes, participe au processus de socialisation. En effet, dans un parlement, par exemple, on y voit s'exprimer des oppositions, des rivalités et des critiques. C'est le lieu de toutes les représentations politiques du moment. Cette arène est le point de focalisation des tendances psycho-politiques du peuple. Elle maintient entre ses murs les divergences afin que celles-ci ne se matérialisent pas à l'extérieur. C'est le lieu fermé où sont autorisées à s'exprimer les conflictualités idéologiques. C'est le lieu d'une unité de contradictions. 

 

 Il faut rappeler que l'hostilité entre les hommes est naturelle (p38). Et d'après les faits d'expérience, l'homme est un pur et simple égoïste. De plus, l'antipathie et l'esprit de contradiction sont fixés à notre nature aussi solidement que la détestation, la haine et la jalousie. Autrement dit, nous sommes habités par un instinct d'opposition qui survient aussi sûrement qu'un réflexe. Tous les affects négatifs surgissent vis à vis de l'autre (p40). L'autre est a priori une menace. Dans l'ensemble, nous dit Georg Simmel, les hommes se haïssent facilement. C'est un besoin tout à fait primaire d'hostilité. L'homme préjuge négativement et c'est révélateur de l'instinct fondamental qui nous remue. On peut parler de disposition naturelle ou d'énergie humaine primaire (p42)

 

 Mais il y a aussi dans l'âme, nous dit Georg Simmel, un besoin d'aimer. L'âme prend d'elle-même n'importe quel objet propre à satisfaire ce besoin (p42). Et il en est de même pour le sentiment opposé, à savoir la haine. C'est également, comme on vient de le voir, un besoin enraciné qui transfert dans des personnes ou des choses des raisons de haïr ou de détester. L'instinct d'aimer est inversement proportionnel à l'instinct de haïr. Et la guerre est la concrétisation de l'instinct d'opposition. Il existe donc un rapport conflictuel qui nourrit un rapport d'existence particulier. Prenez par exemple l'antagonisme des Français et des Algériens et celui des Israéliens et des Palestiniens. Ces deux axes conflictuels engendrent une sorte d'interdépendance, ils deviennent importants les uns pour les autres. Le combat créait donc une coexistance de principe, où l'instinct de survie exacerbe la guerre ou du moins la confrontation. Cet état a tendance à renforcer l'unité de chacune des deux parties. Les tensions guerrières excitent l'instinct de survie du groupe tandis que l'état de paix a tendance à affaiblir l'unité parce que les individus privilégient le confort individuel à la survie du groupe. Dans le premier cas l'individu est au service du collectif et dans le second cas, le collectif est au service de l'individu. 

 

 La concurrence qui est une lutte indirecte, est une forme savante du conflit. Bien souvent le but ou l'objectif doit être atteint sans employer la force contre l'adversaire (p73).  L'ambition est un moteur de la concurrence et la plupart du temps, elle augmente la valeur créative. C'est un immense effet de socialisation qui se produit parce que la concurrence pousse les énergies individuelles à se dépasser pour exister. Les tensions antagonistes que génère la concurrence a un effet de combat de tous contre tous et en même temps le combat de tous pour tous (p77).  La concurrence est donc un phénomène complexe qui bien que sélectif, multiplie les intéractions entre les individus. Ces interactions forment un maillage invisible qui dynamise la société toute entière. La concurrence est une alchimie étrange qui fabrique la différenciation par la comparaison. Cette différenciation est nécessaire afin de selectionner les forces les plus utiles à la société. Ce mouvement collectif entraine inévitablement le mérite du meilleur et l'insuffisance du perdant (p97). Ainsi les énergies individuelles sont encouragées à donner le meilleur de soi pour le bien de tous. C'est une dynamique sociale qui permet à la société de révéler les meilleurs pour pouvoir profiter pleinement de leurs talents et de leurs compétences.

 

 La guerre est peut-être le moyen le plus efficace de renforcer l'unité. En effet, la guerre extérieure ressoude la société autour de son armée qui est le corps constitué le plus centralisé (p110). Les terroristes du Hamas qui ont sévi le 07 octobre 2023 ont ressoudé le peuple d'Israël qui était plus que fragmenté politiquement.  En état de guerre, tout tend donc vers la centralisation et la rigueur. Les énergies individuelles sont comprimées afin qu'elles ne se désolidarisent pas de l'instance centrale qu'est le pouvoir politique. En effet, l'instance centrale est contrainte d'être plus ferme pour faire appliquer ses directives, il en va de sa survie. Georg Simmel fait également remarqué que l'état de guerre qui est un état d'urgence est moins tolérant envers les forces contestataires. Parce que tout élément porté à la compromission et à la médiation affaibli l'unité (p119). La guerre est donc liée à la vie des nations. Elle est un fait historique de grande importance parce qu'elle met les patries devant leurs responsabilités. C'est ainsi qu'au regard de l'histoire, les grandes nations ont été fondées par la guerre elle-même. La France doit son existence à l'action guerrière de Clovis et de Jeanne d'Arc. La guerre d'Indépendance est devenu le repère historique fondamentale des Etats-Unis. On pourrait parler de l'Etat d'Israël qui depuis sa fondation en 1948 ne cesse d'être en guerre. La guerre est un socle historique glorieux à partir duquel une nation se ressource. Plus une nation a de repères historiques guerriers, plus elle est admirée et crainte. En ce sens, les guerres couronnent une nation et font d'elle, paradoxalement, un témoin de la vitalité collective. 

 

 L'instinct de conservation et la défense de l'existence matérielle sont si puissants qu'ils nous poussent à concentrer toutes nos forces en cas de nécessité absolue. En effet l'être humain est voué à sauvegarder sa vie et ses biens jusqu'au conflit. On a donc tort de considérer l'état de paix comme un état premier constituant la nature humaine. La confrontation est plus qu'une option, elle est souvent privilégiée pour survivre. Elle est un fond de programmation qui stimule rapidement notre prédation. Mais pour augmenter ses chances de survie, l'individu doit faire le choix de se renforcer, c'est pourquoi il cherche à se joindre à d'autres individus ayant les mêmes dispositions que lui. Ce rapprochement est essentiel dans sa quête de survie. La famille, qui constitue la plus petite communauté mais aussi la plus fiable, est le point de départ d'une communauté plus élargie. La famille permet de faire l'expérience de la vie en commun. La famille est un point de départ d'une socialisation plus élargie. Les individus se rapprochent grâce à des intérêts communs de survie sociale. Ainsi, chacun à sa place contribue au bon fonctionnement de la société toute entière. Et forte de cette addition d'individus, la société, parce que ayant attribué aux individus les plus forts, la permission de la violence, sera  en mesure de tenir tête aux communautés qui la menace. 

 

Antoine Carlier Montanari

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