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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

28 Mar

Un Livre Que J'ai Lu (186) : La Crise Commence Où Finit Le Langage (Eric Chauvier)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Eric Chauvier

 

 

 L'auteur, Eric Chauvier, anthropologue français (ici), a écrit un certain nombre d'ouvrage qui abordent des aspects de la vie quotidienne. Le livre que nous allons commenté, dont le titre est plutôt inapproprié, du moins, selon son acceptation immédiate, est traversé par la pensée du sociologue et philosophe allemand Georg Simmel. L'analyse contenue dans ce petit livre, qui est une pensée épistolaire, effleure un pénomène précis que l'auteur a rendu, pour ma part, confus, voire insaisissable. Son compte-rendu se perd dans une pensée écrite de spécialiste qui jamais n'atteint le point d'observation idéal. Extraire une conclusion à son affaire n'est pas sans difficulté.

 

 Toutefois nous pouvons extirper quelques points de réflexions qui peuvent nous être profitables. L'être ordinaire, nous dit l'auteur, se confine dans les bras du divertissement afin d'échapper à l'angoisse engendrée par les crises du monde moderne. Le temps libre n'a pas permi aux citoyens de s'armer intellectuellement. Bien au contraire, ils ont dégénéré dans les loisirs. La journaliste Eugénie Bastié, dans un article paru dans le Figaro (ici), pose la question de savoir si la société de loisirs n'est pas en train de fabriquer des crétins. Le loisir, dit-elle, a remplacé l'effort au point que les individus sont en train de devenir passager de leur vie. La société de l'avoir a remplacé la société de l'être. Au final, dit Eric Chauvier, s'en sortir relèverait d'un presque impossible défi. René Guénon, dans son ouvrage "La crise du monde moderne" (ici), a écrit qu'il n'est plus possible de s'en sortir que par un cataclysme. A propos de cataclysme, Eric Chauvier rappelle l'importance du spectacle hollywodien. En effet, celui-ci n'est pas avare concernant la mise en scène hypothétique de la fin du monde. Hollywood et son optimisme à toutes épreuves, habitue les spectateurs à vivre la crise terminale bien installés dans leur canapé. La lucidité baudelairienne aurait dû préparer ces mêmes spectateurs à sonder plus profondément les marécages nauséeux de leur impuissance formés par le spectacle et son relais le plus efficace, à savoir le divertissement numérique. Le spectacle s'est donc introduit dans la sphère personnelle des individus pour en composer entièrement l'horizon. 

 

 Toute conversation s'inspire des narratifs fabriqué par Hollywood. Nous finissons toujours par adopter le langage du spectacle et du système. Nous sommes la cible d'invisibles personnes qui définissent des locutions que nous reprenons indistinctement et avec beaucoup de spontanéité pour répondre comme il se doit aux sollicitations sociales. En déterminant les solutions aux crises paralèlles, Hollywood conforte les spectateurs dans l'idée que les hommes sont raisonnables et qu'ils trouveront toujours une solution à la crise. C'est une thérapie de groupe subventionnée par la finance. Mais plus on parle de crise, plus le mot se dévitalise. Finalement, nous dit l'auteur, la crise existe comme les monstres sous les lits des enfants. Elle est là, mais on ne la voit jamais éclater à l'échelle mondiale. Le mot crise est donc devenu un terme d'oppression mentale. Il s'installe dans les esprits pour entretenir l'idée que la crise est une normalité permanente. Son rôle est de culpabiliser les individus pour qu'ils ne descendent pas dans la rue. Autrement dit, c'est la fatalité, personne n'est responsable. 

 

 L'auteur pose alors une question pertinente, comment ne pas considérer que la crise économique se meut alors en économie de la crise? La crise de 2008, répond-il, est charnière. En effet, l'éclosion des réseaux sociaux, durant cette crise, entraîne des milliards d'individus à communiquer autrement. Dès lors, ce nouveau mode de communication va encourager l'expression simpliste, voire rudimentaire, de ses joies et de ses peines. La réussite de cette communication humaine informatisé, est appelé par le monde numérique "shifters" qui vient du verbe "déplacer" et qui pour les jeunes signifie se transporter dans une autre réalité juste par la force de la pensée. On est quelque part entre l'autohypnose et l'enchantement pour ne pas dire ensorcellement. La crise du langage s'est alors rapidement développé, contaminant la très grande majorité des utilisateurs des réseaux sociaux. De plus, cette dégradation du langage est amplifié par une multitude de symboles nommés "émoji" censés remplacer des expressions ou des êtats d'être. Cette transformation du verbe en logo coloré, au moment où la consommation de mangas et de bandes dessinées augmente, atrophie considérablement la qualité de la communication interhumaine. 

 

 La crise de 2008, a pour ainsi dire créé Facebook et Twitter, nous dit l'auteur. Ces sociétés ont réussies à modifier la manière de communiquer. Celle-ci, en effet, détériore, via les utilisateurs, le langage courant. C'est le règne de l'hyperfamiliarité et de l'effronterie. Cet appauvrissement du parlé entraine une réduction de la réflexion et une augmentation de la confusion. La fatuité est en bonne forme, être "cool" signifie être débauché, idiot, stupide, arrogant ou encore impertinent. Et tous ces désordres moraux sont à la mode, de telle sorte que la nouvelle norme d'identification est celle du comique ou du bouffon. Le "moi" est en compétition constante pour apparaître le plus niais et le plus futile possible. Il faut faire de sa vie une publicité vivante de l'absurdité. Cette masse d'inintelligence sociale peut surprendre mais au rythme où vont les choses, nous ne mesurons pas, nous dit l'auteur, les effets sur le devenir de l'intelligence humaine.  Il est vrai que l'on est plus très loin de la communication animale. Quoi qu'il en soit, la dimension fétichiste des réseaux sociaux s'apparente à de la superstition. Leurs utilisateurs finissent par adopter l'idée qu'ils s'élèvent vers un monde parallèle et supérieur. Cela créé une sorte de verticalité du Net qui tend à enfermer l'humanité dans une urbanité numérique. 

 

Antoine Carlier Montanari

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