Un Livre Que J'ai Lu (185) : Le Club Du Suicide (Robert Louis Stevenson)
Robert Louis Stevenson, qui nous a fait voir le diable dans cette petite histoire bien ficelée (ici), est né en 1850, la même année qu'un certain Guy de Maupassant qui avait un penchant certain pour le suicide. Bien qu'agnostique, l'auteur écossais semble particulièrement enflammer par la figure du diable. En effet, dans cette nouvelle que nous allons commenter, Robert Louis Stevenson s'en réfère régulièrement et de manière presque naturelle. Il faut dire qu'en ce temps, en littérature, le diable était un personnage agréable à mettre en scène. Dans cette histoire macabre, Robert Louis Stevenson nous fait pénétrer dans une petite société très secrète qui pratique une discipline qui selon l'Eglise, entraîne dangereusement les âmes au bord du grand précipice. " Je connais la porte secrète de la mort", dit Godall à ses deux nouveaux amis, avant de les conduire dans cette petite société très secrète, qui pratique le suicide. Pour les intimes, cette petite société très secrète se nomme "Le Club du suicide". Guy de Maupassant, dans "L'Endormeuse", a nommé la chose, Oeuvre de la mort volontaire. On peut préciser que dans notre histoire, l'un des personnages porte le nom de Malthus, en référence à Thomas Malthus qui au XVIIIème siècle, théorisa une politique active de contrôle de la natalité pour maîtriser la croissance de la population. Et ce Malthus, membre de ce fameux club qui propose la mort assisté, va être désigné, par le sort des cartes, comme suicidé officiel.
Cette histoire, politique par sa nature, est divisée en trois parties où la seconde partie et la troisième partie amènent, par des destins différents, à la centralité narrative développée dans la première partie. Tout se relie dans le dénouement de la troisième partie. En effet, dans la seconde partie, un jeune américain bien fortuné, en voyage à Paris, va se faire piéger. L'aide que lui apportera un certain docteur nommé Noël, le rapprochera d'un certain prince qui au début de cette nouvelle, fut mené à connaître ce club très particulier. Ce rapprochement, fortuit, aura pour conséquence de nous mener à comprendre quel horrible personnage est le président de ce fameux club. Lequel, dans la troisième et dernière partie, jouera sa vie dans un duel à l'épée proposé par le prince en question. Pareille architecture narrative peut déboussoler le lecteur mais Robert Louis Stevenson est comme ce cuisinier expérimenté, qui par sa manière de faire, travaille séparément chaque ingrédient afin de les disposer soigneusement dans l'assiette de sorte qu'aucun n'empiète sur les autres et qu'ensemble, dans une habile combinaison, offre aux convives, l'image d'un plat savant voire indéfinissable, et qui à chaque bouchée, devient à la fois plus intelligible et plus mystérieux.
Robert Louis Stevenson nous conte en réalité la fascination qu'exerce la mort sur les hommes. Elle est, dit-il, une porte de sortie à cette vie qui n'est qu'un théâtre où les hommes jouent les bouffons aussi longtemps que ce rôle les amuse. Ironie qui peut nous faire penser à celle que Dante magnifia dans son tryptique poétique sur l'au delà. Bien entendu l'euthanasie, qui est le vocable usité de nos jours pour parler de mort provoquée, est la légalisation du club du suicide. Stevenson ironise sur le sort accordé à ceux qui adhèrent à ce club, puisque un fumoir introduit ces pauvres diables en quête d'anéantissement. Et fort judicieux de la part de l'auteur concernant le président de ce fameux club, puisqu'il finira par valider la sentence du Christ sur l'épée.
Antoine Carlier Montanari