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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

17 Jul

Un Livre Que J'ai Lu (174) : René Girard (Christine Orsini)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #René Girard, #Un Livre Que J'ai Lu

 Dans l'excellente introduction de notre auteur, à savoir Christine Orsini qui est agrégée de philosophie avant d'être secrétaire générale de l'Association Recherches mimétiques, est reprise l'idée selon laquelle le moi n'a pas de maison. Selon Freud (ici),

"le moi n'est pas maître dans sa propre maison."

 

 Cette formule insinue l'idée que nous sommes en bordure de notre être et que nous laissons les clés de la maison à d'autres que nous, c'est à dire que nous laissons entrer en nous des modèles que nous invitons à devenir maîtres pour qu'ils participent directement à la construction de notre être. En d'autres termes notre être est la somme des êtres que nous admirons. Notre être n'est pas authentique, il ne se suffit pas à lui même, il emprunte sans cesse aux autres des manières d'êtres. Ces manières d'être que nous imitons, pousse notre être à devenir ce que nous aimons. En somme nous cherchons chez les autres une forme de grandeur pour masquer la partie médiocre de notre être. De ce point de vue, le regard de Christine Orsini (ici, à gauche) sur René Girard (ici, à droite) va nous être profitable. Pour rappel, ce dernier à qui l'on doit un bon nombre d'ouvrages fondamentaux sur les mécanismes comportementaux, a longuement travaillé sur les effets concentrationnaires de l'imitation. 

 

 L'intuition du désir mimétique a donc poussé René Girard sur le chemin de la conversion et parallèlement le mécanisme victimaire l'a mené intellectuellement au pied de la croix par la compréhension scientifique de l'exigence sacrificielle qui met fin au désordre en réconciliant les hommes (p21). L'épisode de la passion du Christ est fondamental, pour René Girard le Christ est la pierre angulaire de cette recherche parce qu'il révèle ce mécanisme qui apaise la communauté tout en dévoilant l'inconscience du bourreau qui ne sait pas qu'il tue un innocent (p28). Cet aveuglement est encore très présent à notre époque. Les sociétés démocratiques modernes, pour se débarrasser de cet aveuglement, ont aboli, au risque de tuer un innocent, la peine de mort. Toutefois, en s'étant écarté volontairement du christianisme, elles ont replongées dans cet aveuglement en condamnant à mort les plus innocents d'entre nous, à savoir les enfants à naître. Le fait de légaliser l'avortement les place dans une situation morale inconsciente intenable, elles sont contaminés par le mal qu'elles prétendent enrayer (p65) parce qu'en accusant l'enfant à naître, c'est à dire en l'accusant de nuire à la liberté de la mère, elles engendrent elles-mêmes la violence en le sacrifiant. C'est pourquoi la violence demeure parce que le vrai coupable n'est pas trouvé. L'enfant à naître ne peut pas être coupable, c'est un coupable de substitution qui permet aux pro avortements de cacher le mal qui réside en eux, à savoir la volonté de tuer l'innocent. L'enfant à naître est le bouc émissaire, ce qui signifie qu'il prend pour les autres (p72). La méconnaissance du mal avec un grand "M" entraine une confusion qui fait que ceux qui en sont atteints, pensent faire le bien en faisant le mal. Et dans cette histoire, le corps médical, qui est censé préserver la vie, sert de bourreau et de sacrificateur, afin d'empêcher la collectivité de sombrer dans la culpabilité. C'est un sacrifice sanitaire donc "propre" entre guillemets. 

 

Un article du journal "PRESENT" (ici) met en relief cet aspect en révélant que les sociétés modernes tendent vers la légalisation de l'avortement jusqu'à neuf mois, d'où le titre de l'article " L'INFANTICIDE A VISAGE HUMAIN ". Les choses se font petit à petit, on limite d'abord l'avortement à quelques semaines puis progressivement ont augmente le nombre de semaines afin d'arriver à neuf mois. Cette méthode facilite l'adhésion de la collectivité qui a fini par oublier que c'est un être humain en formation qui est éliminé.  On en revient à cette inconscience du bourreau qui ne sait pas que c'est un innocent qui est sacrifié. Les défenseurs de l'avortement sont en réalité mus par un besoin sacrificiel puissant. Ce massacre des innocents opéré par des hérodes et des Caïn du quotidien, reprimitive la société et l'entraine dans le néant des âges passés parce que ces hérodes et ces Caïns sont des opposants au Christ, c'est à dire qu'ils ne tolèrent pas l'innocence, il ne tolèrent pas le bien, ils participent activement à ce que Jean-Paul II avait nommé la culture de mort. Beaucoup de ceux qui approuvent l'avortement ne mesurent pas l'horreur qu'il représente. Ils se cachent derrière un droit civique idéalisé qui veille à ne jamais se montrer tel qu'il est, c'est à dire en ne dévoilant pas le corps sans vie de l'enfant à naître. Mais si c'était le cas, ces images, pour des personnes normalement constituées, provoqueraient dégout, remise en question et rejet. Mais comme ce sacrifice sanglant est soigneusement caché, il ne peut donc y avoir irruption de la vérité. C'est cette chair du réel qui est absente de tout débat sur l'avortement. Le sujet est restreint au seul droit civique. 

 

L'épisode de la Passion du Christ, à travers les Evangiles, révèle la violence institutionnelle. Le Christ sur la croix, à la vue de tous puis abondamment relayé en occident à travers les calvaires, a fait jaillir la vérité, ouvrant ainsi la voie à la compréhension de la violence humaine, trop humaine (p21). Le Christ a ainsi exposé le mécanisme sacrificiel en vue de priver la violence de ses ressources sacrificielles, c'est à dire que la violence est privé de l'acte sacrificiel, elle est nue, elle n'a plus de justification anthropologique puisque le sacrifice a été aboli. Sans le sacrifice la violence apparait inutile et mauvaise. Macérées dans une expérience d'être chrétienne et encore prisonnières dans une grande mesure de l'attitude chrétienne qui refuse le châtiment sacrificiel, nos sociétés modernes laïques et athées ont malgré tout du mal a refouler ces états psychologiques très particuliers qui les poussent inconsciemment et consciemment à ne pas devenir bourreau. En somme, les restes du christianisme agissent encore. Comprenez bien le mécanisme, le Christ a été élevé et l'empire romain s'est effondré. C'est pourquoi toutes nos sociétés modernes laïques et athées font tout pour ne pas apparaître violentes, sous peine de disparaître. La manière d'être du Christ est la clé de compréhension, la croix est une entreprise de connaissance car elle mène à connaître la signification cachée de la souffrance. On peut évoquer Marcel Proust qui remercie la maladie qui, comme un rude directeur de conscience, l'a fait mourir au monde (p59). En effet, il faut mourir pour renaître, il faut que le moi narcissique que structure les mensonges de l'orgueil et qui est la partie médiocre de l'être, subisse une totale déstructuration afin que l'être se réapproprie la vérité, c'est à dire qu'il désire le bien avec un grand "B". Seule la croix qui symbolise l'épreuve, la souffrance, la maladie, la mort, est en mesure de métamorphoser l'être pour l'éloigner du mensonge qui lui fait désirer l'orgueil de soi. Lequel est l'expression d'un "moi" dévolu aux idoles du monde. Plus le "moi" est narcissiquement développée, plus l'idolâtrie est exprimée. Celle-ci fait croire au "moi" narcissique que derrière l'idole adoré se cache un sens profond voire une grande vérité. L'idolâtrie c'est la fournaise des passions des hommes à l'opposé de la passion du Christ qui est l'abandon total de ces mêmes passions. 

 

 Mais dans les sociétés modernes de plus en plus désacralisées, la souffrance n'a plus lieu d'être, le sacrifice des personnes qui souffre est préconisé à travers ce que l'on nomme l'euthanasie. C'est le retour de la crise sacrificielle, la violence est institutionnalisée pour faire disparaître la souffrance, c'est à dire la croix. La méconnaissance de leur propre violence entraine donc les sociétés modernes a accuser ceux qui dénoncent l'euthanasie (p99), elle les accuse d'être violent et intolérant envers la souffrance des autres et il en est de même pour l'avortement, les pro avortement qualifient les anti avortement de fasciste. Cette inversion accusatoire provient de la logique de la violence, celle-ci combat la logique de l'amour qui est celle de la souffrance. C'est pourquoi Satan est prince et principe de ce monde, ce à quoi le Christ rétorqua que son royaume n'est pas de ce monde. Dans le premier cas, la logique de la violence est le seul mécanisme d'expulsion de la violence et dans le second cas la logique de l'amour neutralise la violence en mettant fin au cycle de la revanche (p109). Dans le premier cas, la violence est à la fois le poison et le remède, finalement Satan est source d'ordre, il s'expulse lui même (p110). En somme Satan propose une paix de boucs émissaires, le sacrifice des uns apaise l'esprit des autres, alors que la paix du Christ n'est pas de ce monde, sa paix à lui surpasse l'entendement, ses propos en atteste (ici),

"Je ne suis pas venu apporter la paix mais la guerre, je suis venu séparer le fils du père, la fille de la mère,..." (Matthieu, 10,34)

 

 Cette phrase aussi étonnante que mystérieuse, révèle le principe du monde, en réalité le Christ montre que la violence est inhérente au monde. Les hommes cherchent la seule paix qu'ils connaissent, à savoir celle du monde, et celle-ci exige la guerre. La locution latine (ici) "Si vis pacem, para bellum", c'est à dire "Si tu veux la paix, prépare la guerre", prouve que la paix et la guerre s'alimentent, c'est en ce sens que Satan est source d'ordre. Autrement dit, c'est toujours la violence qui maintient la violence en respect (p113). Si le Christ avait cherché la paix du monde il aurait évité la croix en se réconciliant avec le monde. Le monde exige pour avoir la paix, d'aller dans le même sens que lui, sinon il vous fait la guerre pour que vous n'ayez jamais sa paix. Il n'y a donc pas de limite à la manifestation de la violence, la paix que recherchent les hommes exigent la guerre. L'officier et théoricien militaire prussien Carl Von Clausewitz a souligné cet aspect, le conquérant comme le défenseur font la guerre pour avoir la paix (p114). C'est une loi anthropologique que le Christ met à jour sur sa croix, l'épitre de Paul parle de triomphe de la croix qui, à la face du monde, a donné en spectacle la violence institutionnalisée (p116). Dès lors la croix est devenu le symbole sacrée de la victime innocente et le christianisme l'avocat des victimes. Cette nouvelle orientation de la conscience s'est implanté de nos jours, dans tous les aspects de la vie sociale, politique, culturelle et économique. Au point, parfois que la défense des victimes offre le prétexte à la fabrication voire à l'élimination d'autres victimes. C'est une manière pour le mal de se parer de vertu, en considérant certaines victimes il en créait d'autres. Une victime choisi masque bien souvent une autre victime sans que jamais cette dernière n'apparaisse comme telle. Voyez l'avortement, la mère apparait comme une victime tandis que l'enfant à naître est absolument inconsidéré. 

 

 L'enfant à naître a donc été désigné coupable, il n'a pas son mot à dire. Il faut que quelqu'un prenne, qu'un responsable soit désigné pour qu'il porte la faute et l'entraine loin du groupe qui la désigné ainsi. Les démocraties modernes qui légifèrent en faveur de l'avortement, sont comme l'empire romain, elles institutionnalisent un sacrifice. Bien entendu, ces démocraties modernes ne considèrent pas l'avortement comme un crime, l'enfant à naître est de leur point de vue qu'un morceau de chair en formation. Il n'y a pas de solution immédiate contre cette violence commise à l'encontre des enfants à naître parce que ces démocraties modernes sont contaminées par le mal qu'elle prétendent enrayer. L'esprit de confusion est si profondément installé qu'il a fondé le mal comme un bien. Cette volonté de condamner et de punir est fortement ancré dans notre nature, elle résulte d'un instinct puissant de projeter la faute hors de nous pour l'attribuer à autrui. Souvenez vous,  "le moi n'est pas maître dans sa propre maison", c'est à dire que le moi est toujours dehors, il est les autres, il est la foule. Dans l'épisode de la femme adultère, qu'une foule veut lyncher avec des pierres, le Christ réussi à épargner cette femme en séparant chacun des individus qui composent cette foule de l'esprit de la foule (p117). Il prononce une parole qui va alors pousser à l'introspection. Cette parole, "Que celui qui n'a jamais péché lui lance la première pierre." provoque un retournement de situation. Elle pousse le moi à quitter l'esprit de la foule, à rentrer dans sa maison. Le Christ produit une conversion collective, chacun des individus abandonne l'idée de lapider la femme adultère. La faute n'est plus projeté sur la femme adultère, le moi prend alors conscience de sa propre faute. Le Christ a transféré la faute, il a révélé le moi fautif qui cache sa propre faute en désignant celle de l'autre. 

Antoine Carlier Montanari

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