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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

27 Oct

Un Livre Que J'ai Lu (161) : Le Confort Moderne (René Boylesve)

Publié par Alighieridante.over-blog.com

 

 Quel auteur que cet auteur français qui chevaucha le 19ème et 20ème siècle et qui fut qualifié de frivole et de régionaliste! Et pourtant il usa de sa plume comme un artiste dit académique de son pinceau. Il faut dire qu'en ce temps l'on respectait la langue française au point qu'un auteur, même insuffisant, avait cette éducation de la plume qui lui permettait d'écrire son insuffisance avec une telle élégance que l'élégance elle-même faisait de cette insuffisance, une admirable insuffisance. Dans cette nouvelle, qui fut publié, il faut le rappeler en 1903, René Tardiveau (ici), alias René Boylesve, aborde la modernité avec je ne sais quoi de baudelairien et qui se lit avec un peu de ce charme enivrant de la lucidité bloyenne. René Boylesve a vu juste quand il écrit que l'œil et le doigt sont les juges de la valeur, il parle de ces bambins de huit ans qui ne jurent que par les joujoux de la mécanique la plus récente. Cette mécanique justement, René Boylesve en extrait l'espèce de barbarie qui la met en mouvement et qui bien huilée devient impétueuse pour précipiter les hommes dans la frénésie. Herman Melville dut reconnaitre, bien avant René Boylesve, l'effet dévastateur de ces monstres d'acier qui hurlent et gueulent tout en vomissant de leurs poumons cette épaisse noirceur qu'on croirait sorti des narines de ce géant molochéen qui vit sur cette rive qui voit régulièrement la coque lugubre de Charon apporter de pauvres âmes qui ont commis la faute impardonnable de croire que leurs péchés étaient supérieurs à la miséricorde Divine. J'invite le lecteur à lire ce petit ouvrage de Melville (ici), qui ironise sur ce foutu monde qui appelle progrès ce qui facilite la mort. L'exhortation de Melville est aussi forte que celle de René Boylesve, le monde moderne n'est pas qu'une apostrophe temporelle, il humilie les mondes antique et rustique en admettant toutes les fautes de goût. Et les hommes, nous dit René Boylesve, s'inclinent volontiers dans le même sens que ce courant moderne qui emporte le monde. Il n'en est pas moins vrai que les artefacts de la modernité ont ce quelque chose d'envoutant qui piège l'instinct profond des êtres. Notre auteur qui semble éclairé sur la chose, illustre cette inclination à travers un jeune homme qui a expulsé de son orbite, comme le convenait un certain Emmanuel Kant, les forces spirituelles incarnées dans des matières sérieuses comme la métaphysique, la philosophie et la religion. Quant au père, un vieux lettré, qui aimait à cultiver son âme en vivant dans une petite chambre qu'on pourrait qualifier de caverne de Platon, ne voyait pas d'un très bon œil la bifurcation morale emprunté par son fils. Lequel, taillé comme un solipsiste enveloppé de sybaritisme, vouait un culte sans borne à tous les gadgets de la modernité de son temps et faisait perspective d'en concevoir par l'esprit supposé génial qui était le sien. Selon notre solipsiste, le progrès c'est l'amélioration de la vie pratique, chose que son père réfutait, considérant, comme les belles lettres l'enseignent, que le véritable progrès demeure dans ce qui solidifie l'âme. Souvenez-vous des mots de Melville sur le progrès, René Boylesve ne dit pas autre chose, quand il affirme que la matière inerte qui a été rendu presque vivante par les compétences des hommes mène l'humanité à pas incertains dans l'inconnu. Le progrès dont parle le père est un pas en avant stable et définitif et non pas un pas incertain et chancelant. Mais dans cette petite histoire, le fils fut assez étourdi pour céder à toutes ces créatures mécanisées animées par ce talisman qu'est la modernité. A leur bord peuvent briller du jour au lendemain, sans culture ou même sans éducation, bien des êtres superficiels. Et fort d'exercer une telle expression d'élégance, ils se sentent devenir ce même puissant point de mire que les êtres rendus exceptionnels par leur talent. En effet, ces créatures mécanisées qui offrent un encadrement magnifique à tout objet d'art qui n'en est pas un, font devenir objet de luxe en éveillant toutes les perfections. Ce prestige est tel un bonnet d'âne pour la Providence, l'éclat mystique que produit la modernité sur les êtres, les exhorte à ne pas quitter des yeux la terre. Cette puissance qui est là, nous dit René Boylesve, transforme et facilite la vie, mais transforme également l'homme qui à force d'être comblé par le confort moderne oublie qu'il a une âme à sauver. Il ne s'arrête même pas pour réfléchir une seule minute, sa vision est dans la réalisation de sa vie sur terre. Cet homme moderne, pour reprendre le poète allemand Heinrich Heine, a cessé de porter sa misère terrestre avec la patiente du christianisme et aspire à la félicité sur cette terre. Louis Ferdinand Céline disait de lui qu'il est implacable dans son désir de réussir sur la terre, et pas au ciel. Pour Charles Péguy et pour achever cette énumération, pour la première fois dans l'histoire du monde, l'homme moderne a fait de l'argent un maitre sans limitation ni mesure qui est seul devant Dieu. Le lecteur infatigable ne sera pas étonné de ces sentences, il sait que le confort moderne, bien que fort utile et agréable est aussi insidieux pour l'homme que le miel quand il sert à attraper des mouches.

Antoine Carlier Montanari

 

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