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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

14 Feb

Un Livre Que J'ai Lu (144) : Petit Eloge Du Catholicisme (Patrick Kéchichian)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 Marcel Proust a magnifié le catholicisme dans ses écrits épistolaires (ici), faisant alors transparaitre cette sensibilité dentelée qui se retrouve dans ces tissus brodés de lin ou de coton qui reposent sur les autels des églises comme des linceuls parfaitement blancs dont les plis ont été soigneusement définis afin de satisfaire le tiroir qui allait les contenir lorsque le temps liturgique imposait de les y ranger. Tout cet art finement tissé et amoureusement conservé est singulier à cette église universelle qui est considéré comme l'épouse mystique du Christ. Notre auteur, Patrick Kéchichian (ici) a travaillé au journal le Monde en tant que critique littéraire tout en publiant un certain nombre d'ouvrages sur la foi. Catholique convaincu, il professe ici en faveur de cette église qui de pierre et d'esprit joint l'horizontale à la verticale (p19). Le catholicisme est donc pour notre auteur un mot axe (p25) ou un mot échelle avec lequel il va faire l'expérience d'une identité du sacré qui depuis près de 2000 ans universalise le salut. Il faut préciser qu'en septembre 2010, dans la Revue des deux monde, il publie un article nommé "Le génie du catholicisme". L'Eglise catholique est une structuration de l'unité, la communauté ne  doit pas être scindée, elle ne doit pas être divisée. L'Eglise catholique n'éclate pas car l'éclaté ne peut pas fonctionner s'il demeure éclaté, le divisé ne peut pas resté du divisé. C'est pourquoi l'Eglise administre une synthèse supérieure qui réorganise le scindé et le divisé en une seule communauté organisée. L'Eglise catholique est donc ce fameux "status" qui fait que la société tient debout et c'est précisément cette forme organisationnelle supérieure qui maintient les hommes ou pourrait-on dire les âmes, dans une unité spirituelle. 

 Pour faire l’éloge du catholicisme et par extension celui du christianisme, l’auteur, Patrick Kéchichian, s’est appuyé sur un certain nombre de citations provenant de penseurs catholiques et chrétiens. Ces citations composent l'armature narrative de cette expérience d'être du religieux. Elles forment une sorte de fil d'Ariane qui conduit le lecteur à s'imprégner d'une pensée hiératique qui lui sera bien profitable. J’ai donc rassemblé dans ce tableau (ici), les citations en question et leurs auteurs. Ce tableau est composé de 4 colonnes et de 12 lignes. La première colonne nomme le penseur, la deuxième colonne précise son profil, c’est-à-dire le titre ou les titres intellectuels qui le déterminent, la troisième colonne énonce les citations du penseur en question et la quatrième colonne concerne les pages du livre de Patrick Kéchichian où sont référencées ces mêmes citations. 11 penseurs sont déployés dans ce tableau avec pas moins de 26 citations.

  • Les deux premières citations sont de Charles Du Bos, écrivain du XIXème siècle. La première citation, « Ma foi est le couronnement de tout ce que je pense sur tout, de tout ce que je sens sur tout, de tout ce que je veux sur tout » . La seconde citation« Le sentiment de l’indignité personnelle ayant chez moi le résultat, au lieu de me rendre Dieu plus sensible, de me rendre plus sensible la déchéance qui me retire le droit de croire en lui. »

 

  • La troisième citation est de Rémi Brague, philosophe du XXème et XXIème siècle. Cette troisième citation est en réalité une citation de saint Jean de la Croix.  « La rétribution de l’amour, c’est l’amour, et l’âme, tant qu’elle n’a pas atteint la perfection de l’amour, ne peut désirer autre chose que l’accroissement de son amour. »

 

  • La quatrième et la cinquième citation sont de Charles Péguy. La quatrième citation, « La foi marche toute seule. Pour croire, il n’y a qu’à se laisser aller, il n’y a qu’à regarder. Pour ne pas croire il faudrait se violenter, se torturer, se tourmenter, se contrarier. Se raidir. Se prendre à l’envers, se remonter. La foi est toute naturelle, toute allante, toute simple, toute venante. Toute bonne venante. Toute belle allante. » . La cinquième citation, « Il faut se sauver ensemble, il faut arriver ensemble chez le bon Dieu. »

 

  • La sixième citation est de Max Jacob. « Dieu ne cesse pas d’oublier ces oublieux, ces étourdis qui croulent et roulent de mal en pis, de sombre en noir. »

 

  • La septième citation est de Kierkegaard, écrivain et théologien danois du XIXème siècle. « Le salut marche invisible avec les affligés sur la route. Au fond, il en est toujours ainsi. Le bien suprême nous est plus proche que tout… »

 

  • La huitième, la neuvième et la dixième citation sont de Paul Claudel. La huitième citation, « Le grand livre qui m’était ouvert et où je fis mes classes, c’était l’Église. ". La neuvième citation, « C’est une vertu de bonne humeur. Se rendre compte de nos ridicules et de nos vanités, c’est amusant en même temps qu’attristant. Ce serait dommage que nous n’ayons pas constamment avec nous un observateur prêt à se moquer de nos grimaces. ». La dixième citation, « Le Christ sur la Croix. Mais le voilà le juste milieu !

 

  • La onzième, la douzième et la treizième citation sont de François Varillon, prêtre jésuite du XXème siècle. La onzième citation« La sainteté est mesurée par l’amour et la capacité de le répandre. Si l’Église se présentait société des « parfaits », son amour (celui qui construit l’unité) ne serait pas pur, et sa sainteté serait plus spectaculaire que libératrice. » . La douzième citation, « La catholicité est l’universalisme de l’amour qui n’exclut personne et ne connaît pas de frontière. Elle doit être comprise en profondeur plutôt qu’en extension, comme le pouvoir radical, intrinsèque, de rattacher au Christ toutes les diversités humaines. ». La treizième citation, "L’apostolicité est la fidélité au Christ à travers les vicissitudes de l’histoire, la continuité d’une autorité qui est un service, c’est-à-dire l’exercice même de l’amour. »

 

  • La quatorzième et la quinzième citation sont de Henri Lubac, jésuite du XXème siècle. La quatorzième citation, « Lorsque Dieu sera tout en tous, dans l’Église triomphante, dans la cité des élus, il n’y aura plus d’autre hiérarchie que celle de la charité, et sa raison d’être est l’éducation. Son exercice, entre les mains de ceux qui en détiennent une part, quelle qu’elle soit, doit être compris comme une pédagogie. ». La quinzième citation, « Le christianisme a fait de l’humilité peut-être plus qu’une vertu, son mode même et son rythme, son goût secret, son attitude extérieure et profonde, charnelle et spirituelle. »

 

  • La seizième citation est de Yves de Montcheuil, prêtre jésuite du XXème siècle. La seizième citation, « Le vrai catholique (…) répudie l’esprit de secte qui donne valeur absolue et universelle à des particularités (…). Il ne redoute rien tant que de fermer ou de rendre plus difficile à quelqu’un l’accès de l’Église pour lui avoir fait croire, par sa manière de parler ou d’agir, qu’il devait renoncer à des choses auxquelles il est légitimement attaché. »

 

  • La dix septième et la dix huitième citation sont de Bernanos, écrivain du XXème siècle. La dix septième citation« Voilà la vérité, je l’aime (l’Église) comme la douloureuse vie elle-même, je l’accepte telle quelle, telle quelle je tâche de l’accepter, et il me semble qu’au terme de cette acceptation, si du moins j’en étais jamais digne, je recevrais mon humble part dans l’immense effort de son ascension. ». La dix huitième citation« La colère des imbéciles remplit le monde. »

 

  • La dix neuvième citation est de Ernest Hello, écrivain du XIXème siècle, est celle-ci, « Homme consciencieux qui craint de faire le mal mais qui ne craint pas d’omettre le bien. »

 

  • La vingtième, la  vingt et unième, la vingt deuxième, la vingt troisième, la vingt quatrième, la vingt cinquième et la vingt sixième citation sont de François Cassingena-Trévedy, moine écrivain du XXème et XIXème siècle. La vingtième citation, « Le problème du mal n’est au fond qu’une généralité fictive, un impôt que nous avons imposé à Dieu pour nous exonérer de nous-mêmes. Il n’y a de réalité existante et consistante que mon péché… ». La  vingt et unième citation, « L’on ne fait pas oraison devant la surface du Christ, mais dans la profondeur du Christ. Les représentations du Christ ne sont que des supports et des portes : il faut pénétrer dans la Présence. ». La vingt deuxième citation, « L’homme ne tiendrait pas débout et perdrait l’équilibre s’il n’avait le gratte-ciel qu’est la liturgie. Encore faut-il qu’elle le demeure et que par mille arrangements, on n’abîme pas sa grâce et sa verticalité. ». La vingt troisième citation, « Jésus Christ n’est saisissable qu’en sa parole : tout le reste est imagination. Et sa parole n’est intelligible qu’en son Église : tout le reste est erreur. ». La vingt quatrième citation, « Chaque autrui qui se présente à nous est un cristal du Christ. ». La vingt cinquième citation, « Jésus ne nous exonère pas de l’ordinaire, il irradie du dedans. ». Et la vingt sixième citation, « Il y a de l’altérité en Dieu, il y a de l’Un et de l’Autre et de l’Autre encore ; il y a de l’amour, parce qu’il y a du jeu. »

 L'extraction de ces citations permet de mettre en évidence une subjectivité rationnelle de Dieu qui dessine succinctement une synthèse spirituelle et intellectuelle de la pensée chrétienne depuis le 18ème siècle. Ces penseurs choisis par notre auteur se tiennent debout spirituellement et ont construis, en parallèle de la sécularisation universelle, une conscience du christianisme paulinienne, c'est à dire littéraire et scolastique. Quiconque a lu les auteurs que l'on vient d'évoquer, aura perçu le socle paulinien que constitue les nombreuses lettres de celui qui fut nommé Saul. Cette nouvelle trajectoire historique, proprement française, qui s'appuie essentiellement sur Bernanos, Léon Bloy et Claudel et auxquels il faut ajouter Huismans, Péguy, Simone Weil et René Girard, réarme la spiritualité française qui depuis la fameuse loi de 1905 est scindée en deux. 

 On peut dire que toutes ces citations choisis par notre auteur témoignent de sa sensibilité intellectuelle. Ses axes d’analyses tournent essentiellement autour d’une certaine représentativité du christianisme que le catholicisme couronne avec sa liturgie. Le catéchisme y a sa part, vénérable précise l’auteur à la page 16, ainsi qu’à ce territoire, cette vieille terre richement rurale qui accueilli ses parents. La France est cette expérience du religieux, tout d’elle comme le signalait Michelet dans son portrait de Jeanne d’Arc (ici), respire la Vierge dont les entrailles portèrent le haut Amour. On est dans le pays de Bloy (p48), de celui dont la plume rappela ce lien qui unit la France et les français à cette Vierge qui plusieurs fois rendit visible ses larmes dont les premières furent accordés à son Fils qui sur la croix rendit son âme. C’est avec cette bannière que l’auteur nous rappelle quelle idiosyncrasie anime son être (p17). On comprend alors pourquoi, il cite Claudel, Péguy, Bernanos, Bloy et bien d’autres. En effet ces auteurs français qui ont défendu par le verbe et parfois avec la chair l’honneur de la France et de son Eglise, sont partis constituantes de ce que l’on nomme l’esprit français. Mais si Patrick Kéchichian emprunte à ces esprits brillants bien des contemplations, c’est à ce moine bénédictin nommé François Cassingena-Trévedy (ici), qu’il puise son inspiration. Le personnage qui enseigne à l’institut supérieur de liturgie a écrit un certain nombre d’ouvrage sur l’enracinement, et que l'on peut particulièrement apprécier dans sa traversée littéraire des paysages de l’Auvergne et qui étant parmi les plus beaux de France, sont habités par un peuple droit et entier qui a su préserver sa richesse intérieure empreint d’un christianisme authentique. François Cassingena-Trévedy est en quelque sorte un moine itinérant dont les voyages à pied l’ont mené à retrouver ses vielles empreintes chrétiennes qui ont nourri la France. De même, Patrick Kéchichian, en empruntant ces voies pleines de sagesse, rappelle au lecteur que le catholicisme est bien lié de manière particulière à la France. D’une manière qui plait à Dieu et d’une manière que Bernanos a superbement exposée dans son journal d’un curé de campagne (p116, p123)

 Pour conclure et pour que le lecteur comprenne mieux cette conversion au catholicisme de l'auteur, il faut rappeler l'importance de ces racines juives qui ont enfanté le christianisme. Et c'est là un point essentiel, Patrick Kéchichian, dans la droite lignée du philosophe français Claude Tresmontant, et même s'il ne le cite pas, rappelle cette vision chrétienne de la figure d'Israël que Léon Bloy et Paul Claudel ont magnifiquement évoqué dans le salut par les juifs en 1892 et dans la figure d'Israël en 1968 (p47). En effet le Christ, ce roi des juifs, versa un immense fleuve de sang hébreu que la croix sacralisa définitivement sur le mont Golgotha. C'est donc toute la souffrance d'un peuple qui fut exposée près des pierres de Jérusalem et bien que ce peuple, en partie, recracha et recrache encore sa propre semence, il demeure toujours cette lumière qui dans les ténèbres luit comme cette étoile du berger qui annonce la venue du Messie.  Et c'est par cette expression de transmission que notre auteur enracine son récit qu'il finalise avec le Magnificat, c'est à dire le cantique chanté par la Vierge Marie après l'annonciation. Tout naturellement l'Ave Maria rejoint cette intelligence intérieure du catholique qui quand il égraine son chapelet devient cette même créature entièrement obéissante à Dieu et qui dans son silence dirigé vers cette Mère œuvre humblement au salut de toute l'humanité. 

Antoine Carlier Montanari

 

 


 

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