Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

12 Dec

Un Livre Que J'ai Lu (137) : Le Livre De Noël (Selma Lagerlöf)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 

 Qui est cet auteur peu connu dont le narratif éblouira le lecteur friand de contes et de nouvelles et bien habitués aux traditionnelles histoires qui ont enchantées notre enfance ? Selma Lagerlöf (ici) est un écrivain suédois qui reçut en 1909 le prix Nobel de littérature. Elle fut la première femme à recevoir cette fameuse distinction et elle est surtout bien connu dans les milieux littéraires pour son ouvrage "Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la suède". Chacun des 8 récits qui composent le livre de Noël est un enchantement empruntant à une tradition toute chrétienne des amplitudes que l’on a peu l’habitude d'apprécier dans ce genre de récits. 

 Dans le premier récit, à savoir « Le livre de Noël », l’auteur nous convie à la table de Noël au moment de la distribution des cadeaux. La petite fille qui est la narratrice et par la même occasion Selma Lagerlöf elle-même quand elle fut jeune, pétille d’impatience à recevoir le cadeau qu’elle a expressément commandé. Ce cadeau dont nous ne dirons mot et bien qu'il demeure encore pour un certain nombre d’enfants qui ont reçu de leurs parents une solide éducation et un goût pour les belles lettres - un trésor de bénéfice, ne serait pas du tout du goût de la jeunesse d’aujourd’hui, qui ne trouve plus matière au plaisir que dans d’hypnotisant gadgets, au dam des parents qui ne savent plus comment faire pour les en libérer. Quoiqu’il en soit notre jeune demoiselle, fut chagrinée après avoir découvert son cadeau qui se différenciait quelque peu de celui qu'elle avait imaginé, mais comme une petite fille bien éduquée, elle saisit toute la qualité de ce cadeau dont le contenu a pour tâche l’édification. Dans une optique spécifiquement sociale, ce cadeau incarne pour Selma Lagerlöf  l’émancipation de la femme – et non pas à la manière des féministes d’aujourd’hui qui ont remplacé la bienséance par la vulgarité. En effet, la jeune demoiselle, avant de recevoir son fameux cadeau, a reçu de chacun des membres de sa famille une multitude d’ustensiles se référant à la couture. Selma Lagerlöf relie donc d'abord la femme à la couture, à cette fonction pratique qui traditionnellement lui ait attribué, comme la chasse pour l'homme, pour la mener ensuite à désirer une autre orientation sociale que Selma Lagerlöf traduit à travers ce fameux cadeau qui est justement l'expression de cette émancipation. Selma Lagerlöf étant devenu elle-même écrivain, incarne cette émancipation de la femme, non pas cette émancipation qu'offre le statut de bourgeois, bien que Selma Lagerlöf le soit, mais l'émancipation en question est celle de l'esprit, la femme qui pense indépendamment de son statut naturel, désirant offrir au monde autre chose que ce que sa chair lui commande de faire. 

 Dans le second récit, Selma Lagerlöf, nous conte l’histoire d’une demoiselle fort bien éduquée, nommée Lucia, qui fut choisi pour épouser un seigneur dont la femme rendit l’âme après s’être acquitté de son devoir conjugal en mettant au monde huit enfants. Bien que la demoiselle accepta le contrat en ignorant la perfidie qui se cachait derrière cette union, elle se comporta envers sa nouvelle famille aussi dignement que possible, comme le lui avait appris les sœurs du couvent. Si une femme fut bien vertueuse, Lucia le fut comme la sainte qui porte le même nom. La vénération qu’elle portait à cette sainte lui offrait en échange des biens spirituels et une protection du ciel, et qui, au regard des autres et de manière insaisissable, car ces choses ne sont pas courantes, la rendait rayonnante comme si elle fut éclairé de l’intérieur. Cette puissante protection divine lui permit d’échapper à la vilénie d’une parente aussi vipère que mégère et qui avare et calculatrice était comparable à la vilaine marâtre de Cendrillon. Dans le cadre d’une analyse psychanalytique, ce récit pose deux images fondamentales de la femme, à savoir la femme charnelle et la femme spirituelle, à travers respectivement la première épouse du seigneur qui meurt après avoir donné naissance à huit enfants et la seconde épouse, Lucia, dont la relation avec son époux est strictement platonique. Ce passage d’une femme à l’autre, c’est-à-dire de la femme chair à la femme esprit, permet une signification cathartique puissante puisque le seigneur, à la toute fin du récit, choisi la vérité au mensonge, le pardon à la rancune et l’amour de sa famille au prestige du pouvoir. C’est donc par l’attitude de la seconde épouse, par ses vertus morales que se dévoile lentement dans le regard du seigneur l’image de la sainteté. Cette élévation spirituelle du seigneur n’a pu se faire que parce qu’il a vu dans sa femme non pas sa part charnelle mais bel et bien sa part spirituelle. Comme on l'a vu précédemment, l'auteur, Selma Lagerlöf, affectionne l'idée de la spiritualité féminine et fait de ce thème un thème central qui s'enveloppe dans ses écrits avec une délicatesse toute chrétienne, et qui se remarque particulièrement et admirablement dans le cinquième récit où Jésus enfant, sous le regard de sa mère, donne vie à des oiseaux de terre. 

 Je ne m’attarderais pas sur le troisième récit ni sur le septième que le lecteur découvrira par lui-même, n’y voyant, pour ma part, rien de plus, dans le premier cas, qu’une toute petite histoire de princesse dont la morale n’est pas à écarter et dans le second cas, l’histoire d’un crâne perforé par une balle qui témoigna étrangement de la bienveillance de Dieu. Si je ne puis dire plus que cela concernant cette histoire, il faudra tout de même rappeler que le Christ mourut sur une croix plantée sur le mont Golgotha, nommé aussi « Lieu du crâne ». Je préfère donc concentrer mes mots sur le quatrième récit dont le narratif est bien plus consistant. En effet Selma Lagerlöf développe l’idée, dans ce récit et non sans ironie, que ce monde n’est qu’un piège à rats à l’instar de Louis Ferdinand Céline qui qualifia ce même monde d’immense entreprise à se foutre du monde. Mais l’auteur n’en reste pas là, c’est encore à travers une femme que Selma Lagerlöf, véhicule les vertus chrétiennes. En effet la femme en question, une demoiselle plus précisément, pénétrée de charité chrétienne fut bienveillante en cette veillée de Noël avec un homme qui vendait des pièges à rats et qui n’ayant plus le sous malgré qu’il eut volé la bourse d’un vieil homme qui lui avait offert le gite, retrouva le chemin de la grâce comme un certain Jean Valjean qui dans le roman de Victor Hugo, passa définitivement du côté du bien après que l’évêque Myriel le sauva de la condamnation pour lui avoir volé son argenterie. La disposition charitable de la fameuse demoiselle fut à l’origine de ce changement moral, en ce sens, Selma Lagerlöf nous dit que le monde n’a rien à offrir qui puisse sortir l’individu de sa misère morale, le chrétien est donc celui qui témoigne dans le monde de cette lumière qui luit dans les ténèbres au moment même où les ténèbres, au solstice d’hiver sont les plus longues de l’année. 

 Dans le récit suivant, à Nazareth, l’auteur met directement les pieds dans le plat. Cette petite histoire narre un court moment de l’enfance du Christ. Il a cinq ans et bien adroit avec ses mains il se plait à  façonner d'admirables petits rossignols en terre glaise qu’il émerveilla de couleurs prisent au soleil qui se miroitait dans de petites flaques d’eau. Mais Judas, qui avait à peu près le même âge que Jésus, non loin de là, agacé par tant de talent, réduisit à néant la plupart des petits rossignols que Jésus avait faits avec tant d'amour. Bien malheureux d’une telle vilénie, Jésus que les larmes envahissaient, donna vie aux derniers de ses rossignols avant que les pieds du petit Juda ne sévissent une nouvelle fois. Marie, que le mérite de l’obéissance fait trôner au ciel comme reine, en sachant qu’elle mit au monde le Fils de Dieu, est devenue à la toute fin de l’histoire et grâce à la délicate plume de Selma Lagerlöf, une bien belle illustration de cette qualité que les catholiques ont assigné à Marie sous le vocable Co-rédemptrice. 

 Dans le sixième récit, Selma Lagerlöf ne quitte pas des yeux les oiseaux en contant l’histoire du rouge gorge qui n’étant pas auréolé de la couleur que porte son nom, épuisa bien des possibilités que la vertu exigeait pour l’obtenir. C’est finalement le crucifié qui voyant ce petit oiseau lui ôter une épine du front pour amoindrir sa souffrance, lui obtint en récompense de ce bienfait, ce fameux rouge qui fait l’honneur de son espèce. Ainsi c'est sur la croix que le rouge aies mis et c'est sur cette même croix qu'il fut pris et qui dans une coupe devenu graal, demeurera invariablement rouge. 

 Que dire donc du huitième et dernier récit où la nature sous la forme d’une nymphe qui de taille se comparait aux hauts pins de la montagne, venait compter vie et mort sur les bêtes et les troupeaux et tout ce qui compte comme tel devant la création ? Dans ce récit, Selma Lagerlöf, réinstalle le sacré dans la nature tout en ironisant sur le pharisianisme d'un prêtre qui dans cette histoire n’a pas su interpréter, à travers le merveilleux, les convenances naturelles. Pour certains ce récit évoquera les animaux malades de la peste de Jean de la Fontaine qui porte à l’ironie la confusion qui ôte à l’individu le discernement.

 Pour conclure, bien des lecteurs se perdent dans de niaises lectures et tout en abandonnant leurs enfants à d’autres niaises lectures, ils se font le relais d’une piètre culture que les éditeurs s’empressent de satisfaire en remplissant les étagères des librairies d’ouvrages sans grand relief. La romancière Edith Wharton avait abordé le sujet dans son petit livre « Le vice de la lecture » (ici), et nous avait signalé ce travers du piètre lecteur qui par ses achats encourageaient les mauvais auteurs. Je dirai donc, pour clore cette fiche de lecture, que tout bon lecteur qui aurait à cœur de revitaliser son esprit de Noël, trouvera dans le recueil de Selma Lagerlöf le moyen sûr d'honorer son esprit et bien plus s’il pense avoir une âme. 

Antoine Carlier Montanari
 

Commenter cet article

Archives

À propos

" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin