Un Livre Que J'ai Lu (109) : Pour Une Critique De La Violence (Walter Benjamin)
La violence est un moyen qui s’oppose au droit et à la justice. En effet elle a les moyens de défaire le droit et d’en imposer un autre. Aussi le droit ne peut s’appliquer sans l’aide de la force qui est mère de la violence et qui agit comme le bras armé de la justice. Sans l’aide de la force le droit et la justice sont illégitimes tant la nature humaine obéit à cette loi naturelle qui est la loi du plus fort. Si la guerre est maîtresse de toute les lois c’est parce qu’elle est, selon Napoléon, un état naturel et pour Jünger une loi naturelle. Aussi la guerre, qui est l’expression de la violence la plus radicale et la plus collective, est également la violence historiquement reconnue (p11). La violence est donc l’expression de la liberté absolu car celle-ci s’affranchi du droit et lui est supérieur. C’est pourquoi le criminel provoque quelque sympathie de la foule tant il incarne cette liberté absolue (p14).
Toutefois du point de vue de l’état de droit, la seule forme de violence reconnue est la grève (p15). En ce sens l’ouvrier exerce une force sur le droit et l’autorité du patron que le droit courant ne peut exercer. La grève fait alors office de contre mesure à une supériorité de droit incarnée par le patronat, elle est en mesure de modifier par le rapport de force, les droits du patronat. Aussi la grève devient une violence légitime, un abus toléré par l'état de droit, tout comme la répression de cette même grève (p18). Mais il faut dire que la violence est fondatrice de droit, la grève n’est jamais aussi forte que lorsque elle devient violente, c’est pourquoi l’état de droit la redoute (p20). Tout simplement parce que la grève peut contaminer la totalité des corps sociaux et les entraîner dans une grève générale qui deviendrait une révolution (p36), laquelle serait catastrophique pour l’état.
Le droit a donc pour origine la violence (p24), il n’est donc pas étonnant que l’état use légalement de la violence policière afin de châtier la violence urbaine qui menace l’ordre établi. Cette légalisation de la violence fonde la paix urbaine et éloigne la cité de l’anarchie. Cette mentalité officielle de la violence, souvent très critiqué dans les démocraties modernes, devient coercitive lorsque la violence policière dégénère au point de tuer ou d’invalider des individus. C’est pourtant cette sorte d’arbitrage que l’état va déployer pour protéger le droit des autres à vivre en paix.
L'alternative à la violence sont les moyens purs, c’est-à-dire des moyens dénués de violence nous dit Walter Benjamin à la page 30, et qui sont susceptibles de régler des conflits. La civilité cordiale et le dialogue forment par exemple un arsenal juridique et légal pour étouffer la violence fondatrice de nouveaux droits. Il est vrai aussi que la grève plane sur la concertation comme une épée de Damoclès. Si le dialogue veut éviter la violence, assurément la menace d’une grève influencera les pourparlers et deviendra alors un moyen de chantage, laquelle représentera une violence indirecte.
Le conflit armé, qui est la violence collective organisée et institutionnalisée, est, quant à lui, indispensable quand un ennemi extérieur à ses frontières vient menacer militairement le droit acquis dans ses propres frontières. La frontière demeure ainsi nécessaire nous dit Walter Benjamin à la page 45, tant elle protège un droit et tout en le faisant connaître à ceux qui en sont extérieurs. La frontière est une signalétique de droits spécifiques dont la réalité est préservé par des corps constitués entraînés à la violence par l'état de droit.
Si donc le droit permet toute cette violence sur les vivants, un droit supérieur s'est enraciné il y a plusieurs dizaines de sièclse sur le mont Sinaï avec les 10 commandements. En effet le Dieu des hébreux commande clairement de ne point tuer (p49), ce Dieu va donc définir un nouvel âge historique que le Christ validera définitivement en prônant à Pierre de ranger son épée. Seul donc le Messie finalise ce nouvel âge historique car il solutionne la question de la violence et de la rivalité mimétique. Chose amplement détaillée et décortiquée par l’anthropologue français René Girard. Walter Benjamin évoque donc l’idée, à la toute fin de l’ouvrage, du Messie et du messianisme afin de rendre compte au profane de cette alternative qui s’oppose vraiment à la tendance auto-destructive du monde.
Pour synthèse et pour clore cette fiche de lecture voici ce petit tableau (ici) dans lequel est listé les différents types de violence et leurs représentations respectives. Il est dénombré 7 types de violence. A ces différentes catégories est associé, dans une troisième colonne, le rapport qui existe entre la violence et le droit. J'ai colorisé en vert le mot "droit" et en rouge le mot "violence". Le petit tableau du bas servira de conclusion.
Le premier type de violence est la violence naturelle dont les représentations sont la guerre, la chasse, l'auto-défense produit par l'instinct de survie, le cannibalisme et le suicide.
Le second type de violence est...
Le troisième type de violence est...
Le quatrième type de violence est ...
Le cinquième type de violence est ...
Le sixième type de violence est ...
Le septième type de violence est ...
Type de violence | Représentations | Rapport |
Violence naturelle |
La guerre, la chasse, auto-défense produit par l'instinct de survie, cannibalisme & suicide | Le droit naturel engendre la violence |
Violence fondatrice de droit |
La grève & la révolution | La violence engendre le droit |
Violence conservatrice de droit |
Institution, état, empire, entreprise | Le droit engendre la violence |
Violence égoïste, narcissique |
La mafia & la délinquance, le meurtre | La violence engendre la violence |
Violence institutionnalisée |
Massacre de civils, l'esclavage, les camps de concentration, l'avortement & l'euthanasie | Le droit engendre la violence |
Violence primitive & religieuse |
Les rituels sacrificiels, le terrorisme islamique, les croisades | Le droit engendre la violence |
Violence divine |
L'Apocalypse, les plaies d'Egypte & le Déluge | Le droit engendre la violence |
On peut donc conclure que - le droit engendre 5 fois la violence et la violence engendre 1 fois le droit
- on recense 6 fois le mot droit et 8 fois le mot violence
Ainsi donc - la violence est bien une loi naturelle et un état naturel de l'homme
Conclusion |
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Antoine Carlier Montanari