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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

26 Jul

Un Livre Que J'ai Lu (94) : Croquis Breton (Octave Mirbeau)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #OCTAVE MIRBEAU

 Les cinq nouvelles qui composent ce livre n’ont rien d’extraordinaire, elles ne susciteront pas plus de sentimentalisme que de plaisir à leur lecture. L’ironie, est le matériau dans lequel l’auteur a taillé son style, il va en user subtilement afin de railler l'hypocrisie humaine.

 Les cinq nouvelles tournent essentiellement autour de deux thèmes, à savoir la religion et la mort. La Bretagne est la terre qu’a choisie l’auteur pour installer sa toile dont les couleurs seront aussi ternes que celles de Van Gogh quand il peignit ces portraits de paysan de Nuenen. L’auteur, Octave Mirbeau, ne peut s’empêcher d'évoquer le folklore chrétien affilié à cette région de France dont la sainte patronne n'est autre que Saint-Anne (p26). A ce propos le vocabulaire usité par l'auteur évoque sensiblement cet univers si catholique dont il n'aurait certainement pas eu peine à employer s'il n'avait pas été résolument athée, anarchiste, antireligieux et anticlérical. 

 Si la première nouvelle, "croquis bretons", s'achève comme la nouvelle de Flaubert "Ivre et mort", dans la seconde nouvelle, "la vache tachetée", un pauvre prisonnier est condamné à mort pour un crime absurde. Nous verrons, à ce propos, et à la fin de cette fiche de lecture, quelle sens peut-on donner à cette nouvelle au titre interrogateur. Dans la troisième nouvelle, "Les bouches inutiles", un pauvre vieillard, le père François, finit au cimetière pour cause de maltraitance alimentaire. Sa femme n'y est pas pour peu de chose dans cette histoire-là, cette mégère est aussi garce qu'avare et la morale, si tenté qu'il y en est une, nous confie qu'il faut ne pas épouser de femme beaucoup plus jeune. La quatrième nouvelle, "En viager", raconte comment un pharmacien honorable, selon la république et les institutions, usa de son savoir et de sa malice pour abréger la vie d'un brave homme. Ce pharmacien, pour Octave Mirbeau, en précisant bien cela au lecteur, est l'incarnation même de ce qu’exècre notre auteur. En effet sa situation et ses titres, aux pages 55 et 56, sont à mettre en relation avec cet autre ouvrage de Octave Mirbeau "La grève des électeurs" (ici), où l'auteur qualifie ce genre de personnage d'étrange farceur. Dans la dernière nouvelle, "Les âmes simples", Octave Mirbeau met en scène la mort de M. Rouvin qui avant de mourir prit soin de faire savoir, par courrier, au curé du coin, qu'il ne souhaitait aucun rituel chrétien et religieux à l'occasion de son enterrement. Certainement que ce M. Rouvin fut en quelque sorte notre auteur lui-même, la courte lettre adressée au curé, aux pages 73 et 74, est révélatrice de ce que furent les convictions de Octave Mirbeau. 

 Pour finir nous allons donc nous attarder comme convenu, sur la nouvelle au titre curieux, "La vache tachetée". En effet, Octave Mirbeau fait une subtile allusion à la caverne de Platon. Voici l'extrait concerné,

" Le dix-septième jour de la seconde année de sa prévention, Jacques Errant fut extrait de son cachot et conduit entre deux gendarmes dans une grande salle où la lumière l'éblouit au point qu'il manqua défaillir... Cet incident fut déplorable, et le malheureux entendit vaguement quelques personnes murmurer:

- Ce doit-être un bien grand criminel!...

- Encore un qui aura proclamé une vérité!..."

 Il faut également dire que Octave Mirbeau souligne à plusieurs reprises l'ignorance de Jacques Errant (p30 et p31). Pour Platon, les étranges prisonniers qui demeurent dans la caverne symbolisent les hommes aveugles et la caverne, l'obscurantisme par opposition à la vérité représenté par le soleil et son éblouissante clarté. Pour Platon l'homme dans la caverne croit que la vérité est dans la caverne, ignorant qu'elle se trouve en dehors de la caverne. Octave Mirbeau rappelle le caractère aveuglant de la vérité dont la présence a pour effet de tétaniser. Son prisonnier en la personne de Jacques Errant , est aveuglé et manque de vaciller. Il est possible, que le nom du prisonnier, Jacques Errant, fasse référence indirectement à Saint-Jacques de Compostelle et à son pèlerinage. En effet "Errant", le nom du prisonnier, induit l'errance, la randonnée, la promenade et le voyage, et tout autant, paradoxalement, à l'errance au sens de l'égarement, de la confusion et de l'aveuglement. Ceux qui le juge et le condamne sont apparentés à des cardinaux de l'église catholique et l'auteur le rappelle ostensiblement par un immense Christ tout sanglant positionné devant eux (p35). Ce qui peut nous laisser supposer que l'auteur condamne l'obscurantisme religieux mais il est possible aussi, que le prisonnier représente en quelque sorte l'église pauvre, l'église franciscaine face à une église vaticane et bourgeoise. Dans tous les cas la nouvelle devrait avoir pour sentence cette parole de Jérémie,

" Ils ont des yeux et ne voient point " (Jérémie 5.21)

 Nous verrons donc, dans la prochaine fiche de lecture (ici), "La grèves des électeurs", quelles étaient les idées politiques de l'auteur. Nous analyserons plus longuement à travers des articles parus dans le Figaro et écrits par ses soins, le regard plus qu'acerbe qui fut le sien sur la question de la démocratie et plus largement sur l'autorité des hommes. Nous verrons alors comment son style et sa prose soutiennent brillamment son esprit très critique.

Antoine Carlier Montanari

 

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