Un Livre Que J'ai Lu (81) : L'Ascension Du Mont Ventoux (Pétrarque)

 En l'année 1336, Pétrarque et son frère cadet Gherardo décident de gravir ce fameux mont situé près des alpes françaises en région provençale. Empruntant un sentier encore sauvage, ils serpentent alors ce lieu situé non loin du monde dont la géographie abrupte, escarpée et parfois rebutante rappelle en creux le chemin qui mènent (mena) Dante et Virgile aux enfers. Aux pages 18 et 19, Pétrarque nous plonge à sa manière dans le Tartare, 

" A peine avions-nous quitté ce col qu'oublieux de mes premiers égarements, me voici entraîné de nouveau vers un niveau inférieur et, après encore avoir parcouru des vallées à la recherche de chemins longs et faciles, je tombai sur un passage long et difficile."

 Aussi Pétrarque est devenu comme Dante, le chemin qu'il emprunte le mènera également au Ciel. Cette progression terrestre a pour but de l'élever en pureté d'âme, aussi, lors d'une courte pause, assis, se reposant de sa longue marche, à lui même, il se dit,

"Ce que nous appelons la béatitude est, selon moi, situé dans un endroit élevé. C'est un chemin tortueux qui y mène, dit-on. Beaucoup de cols aussi viennent s'interposer et il faut glorieusement progresser de vertu en vertu. Sur la cime est le fin de tout, le terme de la route vers lequel notre voyage est fixé. Tous veulent y parvenir mais, comme le dit Ovide : "Vouloir est peu de chose ; il faut désirer pour atteindre son but." ... Toutefois, lorsque tu auras longtemps été dans l'errance, il faudra soit au prix de la peine que tu as tord différée tu montes jusqu'au sommet de la béatitude, soit que tu te vautres paresseusement dans les vallées de tes péchés et, si là - ce que je crains de te prédire - les ténèbres et l'ombre de la mort viennent te trouver, tu devras vivre une nuit sans fin dans de perpétuelles souffrances. "

 L'allusion à l'oeuvre de Dante n'est toutefois pas si fortuite, en effet le père de Pétrarque a été banni de Florence en 1302 par les guelfes noirs en raison de ses liens politiques avec Dante. Ce dernier fut condamné et chassé de Florence la même année. Tout naturellement Pétrarque s'inscrit dans cet exil florentin où son récit de l'ascension du mont Ventoux symbolise en quelque sorte le voyage de Dante vers la félicité à travers la Divine comédie. Aussi la mélancolie qu'éprouve Pétrarque à propos de sa terre natale en terre de France, à la page 24, traduit ce même exil dantesque,

" Je soupirai, je l'avoue, après le ciel d'Italie qui se manifestait à mon cœur plus qu'à mes yeux, et une ardeur inexprimable m'envahit de revoir mon ami et ma patrie. "

 On peut  également ajouter, pour la petite histoire, ce que fut la jeune Laure de Noves pour Pétrarque. Elle fut ce que Béatrice fut pour Dante, un amour de jeunesse dont il ne cessa comme Dante envers Béatrice de l'exalter et de l'honorer. Chacune d'elles fut parés des mots les plus nobles et les plus élevés où leur beauté et leur bonté furent tour à tour exaltées comme pour magnifier le Ciel déposé en elles.

Antoine Carlier Montanari