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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

20 Jan

Un Livre Que J'ai Lu (73) : Parler De La Mort (Françoise Dolto)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Françoise Dolto

 Dès la naissance, nous dit la psychanalyste Françoise Dolto, le nouveau-né fait l'expérience de la mort en se séparant de son placenta (p10). Cette partition engendre une perte aussi douloureuse que le fut le paradis pour Adam et Ève. C'est quitter un monde pour un autre,  le processus conduisant à passer d'un état à un autre nous apprend le sentiment de mourir. Ce sentiment est le réel en transformation, c'est la perte continuelle que le temps universel nous impose. Comme tout passe, tout meurt donc, aussi l'être, dans sa dimension psychologique est forcé de trouver une puissance symbolique qui garantit à la vie de ne pas finir, il l'a appelé l'éternité. La notion de projection temporelle est un préalable psychologique évident dont la fontaine de jouvence est la représentation et l'archétype universel. L'homme a besoin de jouer les prolongations et sa quête d'immortalité l'a conduit aujourd'hui à fabriquer elle-même cette fontaine grâce à la biotechnologie. En effet l'entreprise GOOGLE a pour projet, à travers sa société CALICO, fondée en 2013, de tuer la mort. Ce projet n'est que le révélateur des aspirations profondes de l'homme, car nous dit l'auteur, il n'y a pas de mort pour l'inconscient (p11). De même le phénix et la créature du docteur Frankenstein, par exemples, sont d'autres archétypes imaginés par l'homme pour contourner la toute puissance de la mort. Il est indéniable que la mort est un non-sens pour l'homme, son besoin de projection temporelle est si grand qu'il éprouve une grande confusion, s'il n'est pas croyant, devant elle. Sa volonté de vivre le pousse dans les bras de la volonté de survivre à la mort.
 

 Aussi, le mot "naissance", en français, s'oppose aux mots "non-sens", il y a là une révélation sémiotique dont la prononciation orale réajuste en réalité tout le sens du mot "naissance", ainsi le véritable non-sens est la non naissance, c'est le rien et personne ne peut imaginer le rien puisque ce mot nous n'en n'avons conscience que par son contraire. La difficulté de la compréhension de la mort est liée à ce rien qui ne peut-être conscientisé (p11). Si le vide est la notion qui se rapproche le plus de celle du rien, on sait que le vide est en attente du tout, il est lié au tout et meurt à son  contact. Quant au rien que la mort est supposé apporter aux athées, ce rien est tout naturellement l'état de la conscience éteinte. C'est une définition subjective du mot, car même si le rien selon eux est la fin de la conscientisation, et admettons un instant, que l'on conçoive le néant par l'expérience du sommeil profond, alors ce néant n'est pas un néant puisque les choses existent tout de même en dehors de celui qui dort. Le sommeil est donc relié symboliquement et mystérieusement à la mort. Et comme nous avons conscience de ne pas avoir été conscient avant notre naissance, il est raisonnable de penser que la mort est comme cette avant naissance. Le néant est ce mot qui convient pour définir l'avant et l'après vie. A partir de ce postulat, la vie après la mort est la vie symbolique, c'est pour cela que beaucoup disent, à propos d'un défunt, qu'il est parti (p29). Inconsciemment on produit une temporalité après la mort, indéniablement l'imaginaire cherche une continuité et enfante autant de fantasmes autour de cette inconnue. Toutes les civilisations ont imaginé, à travers les arts et sous différentes formes, l'au delà comme un autre monde. 
 

  La mort devient alors une étape comme la vie, Françoise Dolto insiste sur ce fait en soulignant le caractère transitoire de la vie. De même que la vie débute, elle s'achève quand commence le mort (p38). Cela l'enfant le comprend très bien, pour lui la mort devient la prochaine étape, il ne conscientise pas la mort comme la fin de tout mais comme l'étape suivante, un peu comme le serait le dessert dans un repas, il est le tout dernier plat. Inconsciemment il conscientise la mort comme le début de quelque chose dont il ignore encore la teneur. Il a l'intime conviction que l'on ne meurt pas vraiment, le mot "mort" est un mot adulte et est aussi abstrait et mystérieux que le mot "vie".
 

 L'homme fait également l'expérience de la mort à travers d'autres états. Le coma, l'hypnose (p15) sont autant de consciences éteintes et de morts apparentes autant que de riens en suspends. Ce sont des états intermédiaires qui symbolisent la mort et qui en apparence imitent la mort. Dès l'enfance nous apprenons la mort à travers les animaux (p12), ils ne bougent plus, il sont donc morts. Aussi, par l'intermédiaire des autres nous sommes reliés soit aux vivants, soit aux morts, ce lien est comme un cordon ombilical symbolique assez vivifiant pour nous faire sentir la vie ou la mort (p42). Le squelette plus que le cadavre nous fait voir ce qu'est la mort charnelle, c'est une image de la mort, comme le fantôme qui apparaît au détour d'un couloir d'un très vieux manoir, l'entité survivante est la trace spirituelle d'un corps décomposé dont l'observation furtive correspond à l'intuition que nous survivons d'une manière ou d'une autre à la mort. 
 

 Pour conclure judicieusement, en 1950, Sacha Guitry réalise le film de sa propre pièce de théâtre créée en 1949, "Tu m'as sauvé la vie". L'extrait d'un dialogue entre le baron et la marquise illustre avec humour ce dont nous avons parlé,


La marquise: -Au revoir.
Le Baron: -Au revoir ou adieu?
La marquise: -Qu'est-ce que vous préférez?
Le baron: -Moi je préfère adieu, c'est plus prudent.

 

Antoine Carlier Montanari

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