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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

10 Nov

Un Livre Que J'ai Lu (67) : Le Notre Père (Simone Weil)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Simone Weil

 Ce cinquième ouvrage de Simone Weil porte témoignage de toute sa pensée. C'est en quelque sorte la synthèse de l'esprit weillien dont le lecteur pourra véritablement apprécier qu'après avoir lu son oeuvre. En effet, au regard de cette conclusion chrétienne, le profane côtoiera le sacré avec le regard singulier d'une jeune femme juive philosophe dont la source grecque platonicienne fut l'archétype inspirateur.

 La longue préface recentre la source grecque et l'idéal chrétien où l'Iliade d'Homère forme en quelque sorte, avant l'heure, la charnière évangélique à travers le sentiment de la misère humaine. En effet, la ville troyenne est cette fracture qui va enfanter ce sentiment de détresse sur lequel Antigone se greffera en devenant le symbole de l'innocente persécutée (p16). Déjà, dans son texte, la personne et le sacré, Simone Weil évoque le personnage pour évoquer celui du Christ. En effet l'amour absurde d'Antigone est ce même amour qui a poussé le Christ sur la Croix (p16 à nouveau). Ainsi, le Notre Père est la prière d'un fils à son père qui porte en elle une mystique révolutionnaire qui intronise la paternité de Dieu sur tous les hommes.Récitons donc maintenant la prière afin d'en prendre conscience:

                                                 Notre Père celui qui est dans les cieux

                                                 Soit sanctifié ton Nom

                                                 Vienne ton Règne

                                                 Soit accomplie ta Volonté

                                                 Pareillement au ciel et sur terre

                                                 Notre pain,

                                                 Celui qui est surnaturel,

                                                 Donne-le-nous aujourd'hui

                                                 Et remets-nous nos dettes,

                                                 De même que nous aussi

                                                 Avons remis à nos débiteurs

                                                 Et ne nous jette pas dans l'épreuve,

                                                 Mais protège-nous du mal.

                                                 Amen

 Le mot "cieux" représente cette défenestration de l'âme où au lieu de plonger, l'âme se dirige alors uniquement vers ce lieu nommé cieux. Cette affirmation du Christ oriente l'être afin que soit désiré le règne, ici bas, de Dieu lui-même. Cette seconde demande, dans l'ordre de la prière, intronise la troisième demande où le Christ aspire en toute chose à l'obéissance inconditionnelle, en effet, que "soit accomplie Ta volonté" est l'expression du désir absolu et parfait. Tout naturellement, ce désir de la volonté de Dieu, doit particulièrement s'accomplir ici bas, sur terre. Aussi, il est important d'ajouter ce commentaire de Simone Weil, "Il faut penser, dit-elle, à la vie éternelle comme on pense à l'eau quand on meurt de soif" (p38). L'eau renvoie au pain de la demande suivante où l'association évoque paradoxalement la pénitence à travers le jeûne. Le carême est alors discrètement évoqué afin de suggérer le grand désir de l'âme qui est le renoncement aux désirs médiocres que sont, dans l'ordre weillien, l'argent, la considération, les décorations, la célébrité, le pouvoir et les êtres aimés (p42). Aussi, si nous apprenons à renoncer à ces attachements, nous apprenons à désirer un bien absolu pour combler le vide laissé par ces mêmes attachements, lesquels alimentent nos actes de manière à produire des circonstances purement médiocres. Ces méfaits nous gouvernent et produisent en nous, par l’intermédiaire de la partie médiocre, une provision de mal qui si elle n'est pas détruite régulièrement, pénètre assez profondément en nous jusqu'à prendre racine. C'est là que demeure alors une puissante force d'annihilation dont l'imprégnation s'accapare notre partie charnelle afin d'étouffer la partie spirituelle. Tout naturellement nous revient alors les paroles de saint Paul Apôtre aux Romains (8,1-11) :

 En effet sous l'emprise de la chair on tend vers ce qui est charnel; sous l'emprise de l'Esprit, on tend vers ce qui est spirituel; et la chair tend vers la mort, mais l'Esprit tend vers la vie et la paix. Car la chair tend  à se révolter contre Dieu, elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle n'en est même pas capable. Sous l'emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu. Or vous, vous n'êtes pas sous l'emprise de la chair, vous êtes sous l'emprise de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous.

 C'est pourquoi la dernière demande du Christ à son Père qui est Dieu, contient cette demande de protection contre le mal. La prière s'achève paradoxalement sur une verticalité descendante puisque son début nous invite à regarder Dieu qui est dans les cieux et sa fin nous entraîne à reconnaître notre néant à travers le mal qui nous provient des enfers. C'est dans cette mesure que Simone Weil nous rappelle que notre néant c'est notre "moi" dépouillé de Dieu et plein du diable. Aussi, notre auteur entend bien les paroles du Christ à son Père, et nous informe, dans sa conclusion, de l'importance à accorder à ces mots célestes directement inspirés par Dieu à son Fils qui est sur terre et dont nous devons nous approprier afin de rendre possible cette unité d'avant la chute. 

Antoine Carlier Montanari

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