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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

17 Nov

Synthèse de Lectures (1) : Simone Weil

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Simone Weil

 

 

 Une synthèse s'impose, en effet les cinq ouvrages de Simone Weil, que nous venons de voir, offriront au lecteur une pensée charnière dont la vigueur sera véritablement salutaire. Pour comprendre Simone Weil il faut comprendre son caractère trempé et exceptionnellement véloce, beaucoup, ont compris, un peu tardivement, l'esprit herculéen qui fut le sien.

 Dans la très courte biographie exposée au tout début de l'ouvrage "Pensées sans ordre concernant l'amour de Dieu", on apprend que Simone Weil convainc ses parents d'héberger le révolutionnaire russe Trotski. Simone Weil quitte alors, en 1934, son confortable poste de professeur pour la condition ouvrière. En effet elle part travailler chez Alstom puis chez Renault afin de comprendre cette réalité que Marx avait qualifié d'aliénatoire. A vrai dire, le travail à la chaîne est si proche de l'horreur qu'il rend presque héroïque le comportement de Simone Weil. Dans cette histoire, Simone Weil montre que l'on peut associer le travail manuel et le travail intellectuel. C'est pourquoi et outre ses souffrances chroniques, l'expérience de l'usine l'a considérablement rapproché du Christ croix. Qui peut témoigner de cette même expérience comprendra les mots de Simone Weil quand elle parle de la misère ouvrière. Si l'usine peut emprisonner le mal, il est vrai que les ouvriers prennent parfois en haine leur usine. Au contact de cette souffrance, si le Christ est présent, peut alors être renversé, par mimétisme, cette même souffrance. L'opération surnaturelle de l'obéissance dans la souffrance opère une transformation des effets négatifs du mal en effets salutaires par l'intermédiaire de la grâce. Simone Weil a bien compris ce processus chrétien à travers la croix du Christ dont les quatre points cardinaux neutralisent les effets négatifs de la souffrance. L'éclairage divin sur le quotidien offre alors une finalité à la condition humaine puis sociale. Aussi, le point de croisement des branches de la croix est le point d'intersection qui enracine la totalité de l'humanité. Si bien qu'à la manière de l'homme de Vitruve de Léonard de Vinci inscrit dans un cercle parfait et un carré parfait, le Christ vient épouser divinement de sa présence crucifiée les dimensions humaines. L'amour du Christ survient alors au centre même de l'homme en son nombril situé absolument au centre de ce même cercle, tout en devenant le nouveau cordon ombilical invisible relié à son Père qui est Dieu dans les cieux.

 La connaissance du malheur est la clé du christianisme, nous dit Simone Weil et aussi longtemps qu'intervient lucidement cette connaissance, l'homme est assuré d'être relié à Dieu de manière spirituelle et charnelle. On ne peut donc aimer Dieu qu'en regardant la croix, nous dit à nouveau Simone Weil. Il en résulte qu'en dehors de cette perspective, le mensonge s'installe au cœur même de l'âme. Il est vrai que le monde offre bien des parti-pris qui éloignent l'âme de la lumière intérieure de l'évidence, le mécanisme du parti-pris est donc véritablement un moyen diabolique dont les hommes ont du mal à se défaire s'ils en ignore l'oscillation.

 Aussi, nous dit Simone Weil dans La personne et le sacré, une erreur de vocabulaire entraîne une erreur de la pensée. L'importance des mots, la précision qu'offre la langue permet une connaissance plus fine et plus exacte des choses et des faits qui nous environnent. La souffrance muette est inévitable quand l'être est dans l'incapacité d'affirmer sa pensée faute d'un vocabulaire conséquent. D'où la nécessité absolue de s'exprimer avec toutes les possibilités que nous offre le langage, ainsi l'éducation offre le moyen de défendre la vérité face au mensonge. Mais le langage, aussi précis soit-il, a également la possibilité d'enfermer l'esprit dans l'opinion. Il a ce pouvoir d'enfermement si l'esprit n'a pas cette qualité intuitive de saisir des pensées inexprimables et presque intraduisibles par le langage. Or la personne, aussi bien attentionnée soit-elle, si elle place la notion de droit avant la notion de vérité, elle rend impossible l'expression de la vérité. C'est pourquoi si la démocratie offre le droit à l'expression elle sait que le parti-pris prendra position en défaveur de la vérité, ainsi la vérité n'arrive jamais au pouvoir. Les mots qu'emploient la démocratie sont toujours des mots qui supposent la vérité afin que les personnes qui se disent démocrates pensent qu'ils sont du côté du bien. Mais ce bien s'écrit avec un petit "b" puisque le bien avec un grand "b" n'a que faire des opinions, il est invariablement présent. Inévitablement le châtiment pour cet aveuglement est la confusion et l'âme est alors dans l'incapacité d'entrevoir un bien réel et parfaitement pur. 

 Assurément, La personne et le sacré, est un ouvrage lumineux qui recadre l'esprit sur les notions convenues du génie et du talent. On ne peut être qu'ébloui par les analyses de Simone Weil, effectivement ses propos sur la vérité reformulent la perception qu'on a de la vérité. Le degré de fixation à l'opinion du "moi" est cette muraille invisible qui nous sépare de la vérité, la vérité, nous dit Simone Weil, est autre chose que l'opinion d'où la nécessité de s'éloigner de l'opinion et du parti-pris. Aussi pour atteindre cette vérité il faut avoir la volonté de dépasser sa propre personne et sa propre condition, c'est là le point d'ancrage de sa dialectique, Un idiot de village est aussi proche de la vérité qu'un enfant prodige. Le facteur d'élévation spirituel est avant tout lié à la quête de l'indicible, à vrai dire l'esprit le plus brute et l'esprit le plus savant peuvent renoncer à chercher la vérité tout comme ils peuvent s'ouvrir à la vérité. Les saints catholiques sont autant d'exemples de miséreux, de mendiants, de princes, de fortunés et de savants qui ont témoignés en corps et en esprit de cette quête de la vérité. Si Mère Teresa est certainement l'exemple le plus élogieux du siècle dernier, elle illustre parfaitement l'ouvrage de Simone Weil sur la question.

 On apprend, dans les éléments biographiques, placés à la toute fin de l'ouvrage, L'inspiration occitane, qu'à 17 ans, elle a lu Platon, Descartes, Spinoza et Kant. Ces lectures vont être déterminantes pour Simone Weil, notamment Platon qu'elle cite régulièrement en vue de faire connaitre cet amour platonicien qui se trouvera fantasmé dans l'amour absurde d'Antigone et qui trouvera sa possibilité, sa pureté et sa réalité dans celui inconditionnel du Christ. Aussi, martèle-t'elle, que la lecture de Platon est indispensable à la recherche de la vérité, cette vérité qui mène en dehors de cette caverne, symbole d'obscurité qui constitue pour Platon les réelles conditions naturelles de l'homme. Ce postulat, pour Simone Weil, doit pousser l'homme à la lumière, non pas celle des Lumières humaines mais celle de la grâce, laquelle trouve sa source dans la prière du Notre Père où le Christ demande à son Père qui est dans les cieux, de libérer les hommes de leur caverne.

Antoine Carlier Montanari

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