Un Livre Que J'ai Lu (55) : L'inspiration Occitane (Simone Weil)
Il y a eu l’épopée d’Homère avec l’Iliade, La chanson de la croisade contre les albigeois en est une autre toute aussi glorieuse mais méconnue dont Simone Weil va s’inspirer pour évoquer une certaine renaissance spirituelle, au XIIème siècle, en occident (p12). Le siège de Toulouse sera la Troie française et toute l’alchimie héroïque d’Homère se retrouvera dans ce pays d’Oc où va sévir en quelque sorte une autre église que l’église catholique et que l’on nommera catharisme. L’origine du terme semble remonter au grec et qui signifie « pur ». Simone Weil y voit là une forme platonicienne du christianisme dont les valeurs strictes mettent d’avantage en scène l’homme dépouillé tout comme le Christ le fût en son temps. Simone Weil entend l’imitation au Fils de Dieu inspiré de la source grecque dépouillée de la force et de la puissance, lesquelles, très présentes, à ses yeux, dans le catholicisme apostolique romain. Tout comme les Hébreux, cet attachement à la puissance éloignerait de la notion du bien et du mal. « Toi, Romain, occupe-toi de dominer souverainement les peuples. », avait écrit Virgile à propos de l’empire césarien, mais le vers est en quelque sorte prophétique, Rome deviendra effectivement le centre chrétien et spirituel du monde.
Simone Weil ne l’entend pas ainsi, elle espère d’avantage dans l’esprit cathare. En effet, au XIIème siècle, c’était la promesse d’un christianisme purifié de la volonté de puissance. La chanson de la croisade contre les albigeois met la ville de Toulouse au centre de cette résistance civilisationnelle chevaleresque. Cette société fut un exemple incomparable d’ordre, de liberté et d’union des classes (p40), et qui, au passage, et c'est là fort intéressant, a également véhiculé un sentiment d'obéissance bien compris, qui, nous dit l'auteur, était semblable à celui qu'a connu Thomas Edward Lawrence, en Arabie, en 1917 (toujours p40). Aussi, elle fut peut-être transmise par les Maures en Espagne. Effectivement, la conception espagnole qui lie le serviteur au maître, a pu permettre une cohésion sociale jamais vue ailleurs. En effet, le serviteur était rendu égal au maître par une fidélité volontaire (p40). Ce sentiment commun élevé s’étendra dans tout le pays d’Oc, pour lequel le mot langage remplacera le mot patrie, d’où Languedoc.
Indéniablement, pour Simone Weil, c’était ça le progrès et non la conception scientifique du monde. L’idée authentique et platonicienne du progrès est basée sur un postulat qui dit que l’imparfait ne peut pas produire du parfait (p51). Il est donc nécessaire que le modèle qui nous élève ait également pour modèle une valeur philosophique authentiquement supérieure. Le Christ est ce modèle d'élévation dont la représentation sur la croix est la forme parfaite de l'amour accompli. Aussi ce facteur de perfectionnement avait été correctement compris et fixé à travers le pays d’Oc, au XIIème siècle. L’esprit grec se ralluma mais le meurtre de cette renaissance n’en fut pas moins désastreux pour toute la chrétienté. Le XVIIIème siècle et sa révolution puis la bête sociale de l’ère industrielle avilirent l’amour courtois et l’amour platonique. Ces malheurs repoussèrent la grâce et renvoyèrent l’homme dans la célèbre caverne où il retrouva sa condition naturelle (p70).
Antoine Carlier Montanari