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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

05 May

Le Dessous Des Toiles : The Terror (Edward Berger)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Le Dessous Des Toiles

 Prenez. Mangez, ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés.… Ainsi, dit le Christ à ses disciples, avant que ne vienne son arrestation, sa condamnation puis sa mort. Cet extrait de Matthieu vient en réalité illustrer tout l’épisode 9. Le cannibalisme sert ici de métaphore christique. Paradoxe qui rejoint la fameuse sentence du Christ sur la vie, Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouveraQuoi qu’il en soit, si manger l’autre devient vital, il le devient tout naturellement sous le prisme christique dont l’eucharistie est ici clairement révélée afin de sauver l’âme. Les paroles du lieutenant George Hodgson, pas moins limpides limpides : J’ai accepté l’Hostie sur ma langue et j’ai bu dans le calice. Je me suis senti purifié grâce au corps et au sang du Christ qui étaient en moi. Je me sentais comme pardonné du moindre péché, de médiocrité, de lâcheté et d’égoïsme que j’avais au fond de moi. Ce fut un moment tellement parfait dans une vie pourtant tellement imparfaite, font écho à celles de James Fitzjames : Non, je ne suis pas le Christ, mon corps, prenez mon corps, et servez-vous en. Donnez-leur à manger, Dieu veut que vous viviez, Il veut que vous viviez.

 La scène qui suit est une subtile représentation de l’apocalypse de saint Jean où Cornélius Hickey, le méchant de l’histoire, sodomite à l’occasion, est debout en croix sur la barque. C’est l’image du faux prophète à la tête de l’église, la barque étant l’église. Il se coupe ensuite la langue pour la donner à manger à la bête qui arrive. Il parodie l’eucharistie dont la langue fait écho à l’hostie posée dessus par le prêtre. La bête, qui n’a que faire de la langue coupée qui lui est proposé, avale tout cru le bras droit de Cornélius Hickey. Celui-ci se voit coupé en deux par cette même bête dont l’affreux spectacle rappelle étrangement le Saturne dévorant l’un de ses fils de Goya. La scène est si proche de la peinture du maître espagnol qu’on peut se demander à quelle fin est vouée cette identification. Pour ma part, le cannibalisme est à l’origine de cette inspiration, en effet Saturne qui mange sa propre chair en dévorant son enfant montre à quel point l’imagination de l’homme peut aller loin. Aussi toute l’horreur qu’inspire l’œuvre de Goya est la manifestation d’une peur Oedipienne. Sans trop s’attarder sur la psychologie qu’évoque cette image, et tout en rappelant la scène du Terror qui s’en inspire, l’aspect le plus effrayant est le fait que l’homme s’apparente parfois à une bête, cette métamorphose nietzschéenne n’est pas sans rappeler les créatures du docteur Moreau (1). L’anthropomorphisme est donc au cœur du problème, l’identification à l’animal est parfois avouée comme une identité dont la manifestation la plus évidente est le tatouage, les signes astrologiques ont aussi un fort potentiel d’identification. Le dernier film de Night Shyamalan, Split, est assez démonstratif des ressorts psychologique d’autosuggestion. Il est vrai que l’instinct nutritionnel retourne assez facilement l’être, il en a peu qui peuvent, comme le Christ, jeûner 40 jours dans le désert, les mots de Conrad (1) à ce sujet sont sans équivoques, la faim a ce caractère diabolique et ténébreux où aucun dégoût ne tient devant-elle, c’est pourquoi le Christ, au bout de ces quarante jours, rencontre le diable lui-même. A ce sujet, les similitudes avec le Cœur des ténèbres de Joseph Conrad sont assez évidentes, en effet la quête du Terror s’apparente à celle de Marlow (2). Les rapports sont nombreux notamment la description de cette créature à mi-chemin de l’homme et de la bête, qui, dans le roman de Conrad, se dirige à quatre pattes vers le fleuve pour boire. Le caractère dantesque des deux récits est une porte ouverte sur les ténèbres du cœur humain. Outre les abominations de la bête, traverser cet enfer blanc c’est remonter  jusqu’au tout début du monde, du monde primitif où une réalité plus mystique s’y trouve dissimulée. Le retour dans ces premiers âges est donc la révélation d’un univers intact et étrangement pur qui indéniablement nous ramène à ce que nous avons de plus naturels, à savoir les instincts.

Antoine Carlier Montanari

 

1. L’île du docteur Moreau, H.G Welles, 1896

2.  Le Cœur des Ténèbres, Joseph Conrad, 1899

3.  Marlow, le capitaine du Nellie dans Le cœur des ténèbres

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M
Salut, <br /> <br /> J’aime tous les films de ce réalisateur allemand. Par contre, je trouve que ces longs-métrages contiennent des intrigues trop sombres, cela plonge le cinéphile dans une angoisse terrible. N’empêche, c’est son style et je n’y peux rien !
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