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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

29 Apr

Le Dessous Des Toiles : Luttes Sociales ( 6 Films)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Le Dessous Des Toiles

 

 Violence des échanges en milieu tempéré en 2004 et De bon matin en 2011 du même Jean-Marc Moutout, La loi du marché de Stéphane Brizé en 2015, Carole Matthieu de Louis-Julien Petit en 2016, Corporate de Nicolas Silhol en 2016. Ces cinq films français sont autant de démonstrations mathématiques de ce que Marx appelait l’aliénation (1). On peut féliciter chacun des réalisateurs dont la volonté était d’échapper aux conclusions positivistes pour garder intact le dogme naturaliste initié par Zola. L’écrasante machine économique est montrée sans rapport de complaisance avec une ironie qui frise souvent celle du militantisme syndicale. Le dilemme moral est au cœur de ces histoires, l’impératif économique doit il l’emporter sur la justice ? L’expression de Marx, les eaux glacées du calcul égoïstes et celle de Hobbes (2), la guerre de tous contre tous, sont soulignées ici de manière insistante avec la certitude que jamais rien ne changera. Le drame c’est la mort, le suicide, le chômage, et qui incontestablement sont mis à l’honneur afin de faire ressortir toute la responsabilité de l’homo oeconomicus. Autant le soldat développe des séquelles invisibles dues au combat, autant le salarié qui assiste à la violation des codes moraux développe des troubles psychiques comme la honte et la culpabilité et qui se développent à la suite d’actes que l’on n’a pas fait et que l’on aurait dû faire. Le manquement à la morale est d’autant plus ressentit qu'aucune solution spirituelle, dans ce monde laïc, est évoquée. Dans De bon matin, Jean-Marc Moutout aborde très légèrement la question en nous montrant un Jean-Pierre Darroussin allant prier à l’église. Mais rien n’y fera, le véritable danger, selon Primo Levi, vient des hommes ordinaires (3). C’est pourquoi, sans la rigueur d’une morale supérieure, que ce soit les décideurs ou ceux qui obéissent, ils finissent par réaliser ce que saint Augustin dénonçait : "A force de tout voir on finit par tout supporter... A force de tout supporter on finit par tout tolérer... A force de tout tolérer on finit par tout accepter... A force de tout accepter on finit par tout approuver !"

 Ainsi coordonner ces cinq films-là, post crise 2008, permet réellement de se rendre compte de la situation malsaine du monde de l’entreprise. Le narratif dépouillé des effets grandiloquents qui appartiennent au cinéma outre atlantique, est suffisamment clinique pour comprendre que ce n’est pas vraiment du cinéma. Aucun jeu d’acteur n’est visible, parfois on frôle même le grand reportage tant les situations semblent réelles. Ce cinéma français-là se fait zolaien, il n’est jamais aussi performant que quand il se fait naturaliste. Ainsi plongé dans ce cœur des ténèbres, la logorrhée hyper libérale du capitalisme échangiste a trouvé les moyens de s’approprier les effets de la morale pour enfler ses gains. Les discours évangélisateurs des manageurs constituent désormais un catalogue complet de la réplique. Leur méthode fonctionne, surtout depuis que leur poulain a été élu au suffrage universel direct pour diriger la France. L’ironie est grande, elle révèle surtout ce malaise que Zemmour a qualifié de suicide (5). Une scène du film de Jean-Marc Moutout est assez spécifique pour illustrer cette situation. Le réalisateur choisi en effet de construire ce naufrage social en plaçant Serge et Adji, deux amis, sur un banc de sable au milieu de la Seine. La scène est surréaliste, les deux amis dont la situation est assez précaire, se partage une cigarette au bord de l’eau. Adji, en voyant Serge se rapprocher dangereusement de l’eau, lui dit : Tu vas te suicider-là ? Ils rigolent, le réalisateur choisi alors de les filmer en plan éloigné du quai du fleuve. On s’aperçoit qu’ils sont au centre de la Seine, isolés sur un banc de sable. C’est alors que Serge avance sur une zone plus immergée. Les pieds dans l’eau il sautille et revient auprès de son ami. Cette scène est une manière de formuler l’état dans lequel se trouve cette partie de la population dîtes la plus défavorisée, elle n’est pas loin de se noyer. On pourrait traduire autrement la chose, peut-être à la manière de Jean de La Fontaine, qui, dans sa fable les animaux malades de la peste, disait :

  Selon que vous serez puissant ou misérable,

  Les jugements de la Cour vous rendront blanc ou noir.

 En attendant d’aller voir le prochain film (6) de Stéphane Brizé, déjà réalisateur de La loi du marché, la blague du salarié dans le film de Jean-Marc Moutout est excellente. Je ne peux m’empêcher de la noter ici pour conclure notre affaire :

L’histoire de Blanche neige et du petit chaperon rouge ;

C’est l’histoire du chaperon rouge qui croise Blanche neige dans la forêt avec ses nains. Seulement ils ne sont plus que cinq et en plus ils chialent tous. Alors il y a le chaperon rouge qui demande à Blanche neige qu’est ce qui s’est passé ? Alors là, il y a Blanche neige qui lui répond : on a eu un audit McGregor, Simplet et Dormant ont été virés !

Antoine Carlier Montanari

 

 

PS : De cette suite de films j’ai en quelque sorte créé un mot à partir de leur titre respectif, dans l’ordre chronologique. Ce terme me servira à synthétiser puis à illustrer le Capital en action : viobonloicarporatenguerre

Viobonloicarporatenguerre : définition, nom masculin qui désigne la révolte d’un salarié  ou d'une salariée, conscient de son statut d’aliéné. Ce terme désigne également  l’état mental de l’homme lorsqu’il est dans l’incapacité d’échapper à son statut de salarié, qui n’est autre qu’une soumission obligé du Capital au monde.

Exemple : cet homme est un viobonloicarporatenguerre, il s’est mis en grève avec ses collègues pour protester contre les abus d’autorité.

 

 

 

1.  Karl Marx, les manuscrits de 1844

 2. Thomas Hobbes, Bellum omnium contra omnes, cite dans les manuscrits de 1844 de Marx

 3. Le Figaro, 22/02/2018, interview du psychiatre Daniel Zagury

 4. Violence des échanges en milieu tempéré, à 1h26min

 5.  Le suicide français, Eric Zemmour

  6. En guerre, Stéphen Brizé, 2017

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S
Je n’ai regardé aucun de ces films. Je suis ravie de les découvrir sur ton blog et je pense opter pour « Corporate » comme divertissement pour ce weekend. Je te remercie pour cette petite sélection.
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