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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

18 Mar

Un Livre Que J'ai Lu (48) Les Groseilliers (Anton Tchékhov)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Tchékhov

 Maria, dans la première nouvelle, à l'instar des deux Anna qui ont chamarrées dans respectivement La dame au petit chien et dans Au royaume des femmes, est cet idéal de femme dont Tchekhov sait exalter. En effet, le portrait de Maria est plus qu'éloquent, cette femme jeune, belle, distinguée (p14), fait partie de ces portraits enracinés et biens nés que Tchékhov met en scène avec une admiration aussi palpable que lisible. En effet Maria est la démonstration du mariage de raison. Elle accepte de se marier non par amour mais par lucidité et pragmatisme, ce qui fait tout naturellement le bonheur de son futur mari qui lui en est amoureux fou (p23). Cette Maria dont la splendide chevelure éveille la volupté, est en réalité amoureuse du narrateur, le meilleur ami de son mari. Tchékhov satisfait à la morale, la fin de son histoire est révélatrice de ses convictions chrétiennes, lesquelles, dans la seconde nouvelle, enracinent le jeune étudiant. En effet, ce jeune étudiant pense que les êtres doivent se tourner vers les vérités essentielles. On retrouve-là un thème cher à l'auteur dont on a pu remarquer précédemment lorsqu'il harangue avec fougue l'obscurité humaine. Il faut alors absolument se remémorer cet apophtegme sentencieux, Des affaires inutiles et des conversations toujours sur les mêmes sujets dévorent la meilleur part du temps, les meilleurs forces, et, à la fin des fins, il ne reste plus qu'une vie étriquée, rampante, on ne sait quelle calembredaine qu'on ne peut ni quitter ni fuir, comme si l'on était enfermé dans une maison de fou ou une prison! Aussi, dans La peur, nous dit l'auteur, à la page 21, "nous gaspillons nos forces à des bêtises." Effectivement le regard au ciel absolutise l'existence, pour l'auteur il est indéniable que l'élévation de l'âme est une affaire sérieuse, au regard de son enracinement chrétien on comprend très vite sa lucidité existentielle.

 Ainsi et tout naturellement, dans L'étudiant, Tchekhov verticalise son regard. L’épisode du jardin des Oliviers constitue donc, dans ce récit, un court chef d’œuvre de la pensée humaine, il est plein d’une haute signification. Ce jardin justement, renvoie à cet autre jardin dans la nouvelle suivante, Les groseilliers. Outre ses fabuleuses sentences sur l’existence, Tchekhov ne manque pas de piquant pour souligner le manque de lucidité de ses congénères. Les groseilliers symbolisent effectivement ces paradis artificiels baudelairiens dont la qualité gustative et visuelle fait dire au personnage de Pouchkine, "un leurre qui exalte est plus cher que mille vérités."(p60). A la page suivante, Tchekhov, toujours aussi caustique, ne manque pas de rappeler quelques notions essentielles, "mais nous ne voyons pas et n'entendons pas ceux qui souffrent, ... sans doute l'homme heureux ne se sent-il bien que parce que les malheureux portent leur fardeau en silence, car sans ce silence le bonheur serait impossible. C'est une anesthésie générale." Cette sentence rappelle cette autre sentence de l'admirable sermon sur la mort de Bossuet, "Ainsi chacun ne compte que soi, et, tenant tout le reste dans l'indifférence, on tâche de vivre à son aise dans une souveraine tranquillité des fléaux qui affligent le genre humain." Tchekhov est véritablement orienté vers le Golgotha.

 Dans la dernière nouvelle, Ionytch, Anton Tchekhov débute son histoire au printemps, le jour de la fête de l’Ascension (p70) tandis que dans L’étudiant, c’était la semaine Sainte (p38). Tchekhov, comme à son habitude, va dresser, à travers le personnage d’Ekatérina, un portrait  particulièrement séduisant de la femme, mais qui contrairement à Maria, dans la première nouvelle, refusera la main de Ionytch pour le succès et la gloire (p87). Outre la psychologie féminine libertaire, Tchekhov recentre le débat autour du maître mot "amour", en effet, pour l'auteur, la femme est uniquement faîte pour être aimée, c'est la récompense de Dieu à l'homme pour lui avoir demandé, au jardin d'Eden, une image de lui-même dans laquelle son Amour prendra parfaitement forme. 

Antoine Carlier Montanari

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