Tarte Coeur Infiniment Jasmin : Pierre Hermé

 On comprendra que la forme en cœur, qui donne tant de force à cette période amoureuse, est ici parfaitement symétrique. Dans ce parfait accord, Pierre Hermé n'a formé qu'un cœur pour deux âmes. La pâte sablée et la crème blanche, souverainement posée, prêchent une intraduisible tendresse dont  les lèvres n'aspirent qu'à s'y précipiter. En effet cette peau lactée, sans aucune trace, vient embaumer une riche mousse toute aussi onctueuse dont le parfum jasmin suggère quelques notes de miel au thym. Qui ne voudrait pas tendre un baiser sur cette douceur crémeuse où le nacré rappelle l'odalisque suave d'Ingres dont l'esclave émeut par  sa musique. Cet appât voluptueux, tout voilé d'innocence sur un rempart arrondi, s'élève comme un lieu saint que trois fleurs blanches, pareilles aux nymphéas peintes de Giverny, viennent épouser avec soin et dont la légèreté semble recouvrir de son immensité. En bouche, quel souffle parfumé! Le forfait est grand, on s'y accoutume, on accuse d'abord le maître de ne pas y avoir été de main molle, mais doucement vient la chair moelleuse de l'épaisse ganache avec sa générosité nuptiale. Puis l'abrupte enceinte sablée sacre ce temple dont le biscuit également imbibé de jasmin vient mollement et imperceptiblement apaiser. On s'abandonne à cet idéal olfactif qui sensiblement nourrit presque d'avantage que le gâteau lui-même. 

Antoine Carlier Montanari