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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

14 Jan

Un Livre Que J'ai Lu (37) : L'impensable, L'indicible, L'innommable (Michel Bounan)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 

 En complément de ce petit ouvrage de Michel Bounan sur le thème du suicide, la lecture du livre de Eric Zemmour, "Le suicide français" (ici), offrira une bonne argumentation lors de discussions animées sur le sujet. En effet derrière le confort et les progrès techniques de la société occidentale se dissimule une immense dégradation qui touche tous les aspects de la vie. L'homme est en danger, l'auteur va alors employer le mot "alexithymie" afin de mettre en évidence les troubles psychologiques qui mènent l'homme à l'autodestruction. 

 Le constat est clair, aux alentour des années 90 et en quinze ans le chiffre des suicides a doublé chez les plus jeunes français (p11). Cette augmentation est la démonstration, entre autres, d'une régression du sens. Le Capital ayant réduit la quête du sens à la consommation par l'intermédiaire du fétichisme de la marchandise, l'individu se voit alors dans l'obligation de satisfaire non pas à la recherche de la vérité mais au marché. Et si la marchandise ne joue plus son rôle compensatoire, l'individu se voit alors pris en charge par tout un tas d'opiacés sortis des laboratoires pharmaceutiques afin de soulager ses états de nervosités engendrés par la poursuite de l'avoir. Nous illustrerons un peu plus loin, à travers un article du Figaro (ici), le succès de l'une de ces drogues de synthèse. A cela s'ajoute les démons de la télévision qui vont alors entrer en scène pour dynamiser symboliquement la vie. Ainsi des politiciens, des journalistes, des artistes, des sportifs et autres animateurs sociaux (p14) vont conjuguer leurs efforts pour satisfaire à la morale unique en cours de réalisation. Cette nouvelle morale est celle du bien avoir pour un bien être. L'exhibition à l’échelle mondiale des loisirs va alors faire sortir les individus du sérieux de l'existence pour les faire entrer dans la jouissance de l'existence. Michel Bounan, à la page 17, illustre parfaitement la chose par cette sentence bien inspirée, 

"Mais jamais les soldats de plomb n'ont gagnées de vraies batailles et les poupées gonflables ne peuvent transmettre la vie qu'elles n'ont pas." 

 Michel Bounan compare alors ce transfert psychologique vers le spectacle à celui des romains qui pour échapper à l'effondrement de l'Empire, intronisèrent des nouveaux dieux pour conjurer le destin en marche (p19). L'écran de fumée qu'opère le sentiment écologique ne fait qu'effacer le problème initial, à savoir le péché originel. Simone Weil parle de l'ignorance de sa propre captivité. Cette ignorance est comparable à un biais cognitif de type amnésique, en terme psychologique c'est un symptôme psychosomatique qui se nomme l'alexithymie. En termes médical le système limbique, siège de l'émotion, a du mal à se connecter convenablement au néocortex qui lui est impliqué dans les fonctions cognitives dites supérieures comme la conscience et le langage. Autrement dit, la conscience ne peut plus saisir la souffrance, tout naturellement l'être est inapte a exprimer par les mots ses émotions. Michel Bounan va donc réaffirmer l'importance de la langue qui peut à elle seule mettre des mots sur des maux afin de conscientiser honnêtement le présent.

 Ainsi quand un peuple ne sait plus ni analyser, ni diagnostiquer les événements, il n'est plus en mesure de chercher les moyens adéquats pour se défendre. On peut raisonnablement affirmer que ce peuple est atteint d'alexithymie. Il faut ajouter à cela le "syndrome d'hyperactivité" qui affecte aujourd'hui un nombre non négligeable d'enfants et qui malheureusement perturbera leur scolarité tandis que les jeux vidéo et la télévision contribueront à les écarter du principe de réalité (p27). L'émergence des réseaux sociaux, les tablettes numériques et autres smartphones vont faciliter la désintégration du langage direct et réel tout en immergeant l'esprit dans une réalité modifié intégralement gérée par une intelligence artificielle dont les algorithmes transformeront profondément le rapport au monde. Cette connexion déconnexion zombifie donc plus qu'elle n'émancipe et ce piège à con a la faveur intégrale du Capital.

 A ce propos les SMS et le langage atrophié des banlieues étouffent considérablement la motricité mentale et les capacités d'analyse immédiate. La grande difficulté pour ces jeunes est de trouver les mots justes pour décrire leurs sentiments (p26), et à partir du moment qu'ils n'ont plus les moyens de se faire comprendre, ils s'inscrivent alors malgré eux dans une catégorie socialement reconnu par l'état et qui est considéré comme une catégorie à prendre en charge. S'ils ne saisissent plus correctement le vocabulaire ordinaire et qui usuellement sert à diagnostiquer les souffrances et les causes de ces mêmes souffrances, il en résulte une impuissance et un désarroi qui mène inévitablement à une rupture avec la société toute entière. Si le langage est un assimilateur au corpus social, qu'il développe les moyens d’échange et de compréhension entre les individus, il est également un facteur civilisationnel essentiel dont l'usage renforce considérablement les défenses immunitaires mentales. A ce propos il est intéressant de noter que le célèbre dictionnaire de la langue Française, plus communément appelé "le Littré" (p31), fut rédigé par un médecin qui traduisit les œuvres d'Hippocrate et conçu un dictionnaire de médecine, de chirurgie et de pharmacie. Emile Littré qui avant de se convertir au catholicisme aux tous derniers moments de sa vie, était un célèbre franc-maçon, est également la démonstration de ce lien entre la langue et la santé.

 Parler bien c'est penser bien et c'est donc vivre bien. La langue agit donc comme une force vivifiante. Outre les déficiences que l'on vient d'évoquer, s'ajoutent celles, involontaires qui surgissent aux cours de la croissance comme la dyslexie et le bégaiement (p35). L'écroulement linguistique est alors récupéré par les entreprises du numérique qui ont alors inventé tout un tas de symboles visuels appelés "smiley", "emoji" ou encore "émoticones" pour symboliser les différents états d'âmes. Ce nouvel alphabet a pour objectif de traduire immédiatement les humeurs des utilisateurs afin de leur épargner la pénibilité de traduire par écrit les sentiments qui les traverse. Se privant ainsi de l'usage des mots, ces mêmes utilisateurs finissent par remplacer le verbe par le symbole. Les nuances sont finalement sacrifiées sur l'autel de l'immédiateté tout en réduisant la pensée à une simple figuration. 

 Cette sémiotique éloigne donc de la presse écrite traditionnelle qui chronique le monde pour l'historiciser. A vrai dire à l'usage ces petits symboles dérégulent l'expression écrite comme l'expression orale tout en rendant ludique la communication avec l'autre. Si Michel Bounan souligne toutefois la collaboration de la presse avec le pouvoir marchand tout en dénonçant sa manière d'opérer et de prendre parti (p38), il faudra dire que l'utilisateur moyen, quand il use de ces symboles ne fait que collaborer à une codification proposée par le Capital à travers les géants du numérique. Il est vrai que cette compromission a tout de l'adoption dont la soumission à ces représentations illusoires diminue drastiquement le pouvoir d’autodétermination et l'esprit critique qui, nous dit l'auteur, commence par la critique des médias (p42). 

 Ainsi pour l'auteur l'alexithymie est donc un trouble psychologique qui abaisse les défenses immunitaires de l'esprit jusqu'à faire désirer le suicide tout en favorisant également la toxicomanie et la violence irrationnelle (p45). Nous avons vu que cette dégénérescence mentale influe sur la lucidité et les moyens de perception de la réalité, c'est pourquoi l'individu est dans l'impossibilité de ressentir positivement son être, de comprendre, d'aimer et de résister à l'impulsivité. C'est pourquoi, nous dit l'auteur à la page 46,

"Seule la conscience lucide d'une détresse permet en effet d'élaborer une stratégie, la conscience abusée ne le peut plus et le suicide est la solution finale individuelle."

 Ce vertige de la mort est souvent accompagné d'une autre tendance, la toxicomanie. La pharmacopée a donc élaborée toute une série de substances chimiques voué à déconnecter ses consommateurs de la réalité. Elles occultent les raisons de la souffrance et la souffrance elle-même, interdisant également la conscience du malheur (p46, p47). Ainsi la promotion et l'usage des drogues garantit, nous dit l'auteur, la paix sociale. Si l'auteur, en annexe propose une suite  d'extraits d'articles tirés de grands journaux qui relaient cette décadence moderne, nous allons, à notre tour nous attarder quelque peu sur un article pleine page du Figaro (ici) concernant une drogue dite de "synthèse" et nommée la MDMA. L'article en question écrit par le journaliste Louis Heidsieck, et daté du mardi 16 avril 2019, traite de la propagation de cette drogue de l'amour chez les jeunes adultes. L'article rejoint les propos de Michel Bounan sur la question suicidaire, en effet le journaliste termine son article sur le cas d'une jeune femme de 26 ans qui est décédée après avoir ingurgité une surdose de cette fameuse drogue. Certes on ne compte pas le nombre d'articles dans la presse qui ont traités de ce sujet et personne n'ignore, grâce notamment aux série policières, les ravages provoqués par les drogues, toutefois j'ai trouvé utile de prendre cet article pour souligner le caractère euphorisant et désinhibant de cette drogue plus communément appelé la "D" par les consommateurs. Le journaliste stipule que cette drogue de synthèse est en pleine croissance dans les milieux festifs, alternatifs et électro. La MDMA a donc la faculté de faire perdre la notion de réel, le journaliste précise que cette drogue rend capable de se mettre nus dans la neige ou de sauter d'une fenêtre. En ce sens elle vérifie les propos de Michel Bounan sur la dé-conscientisation du réel recherchée aujourd'hui par un certain nombre de jeunes.

 A propos de chiffre, le journaliste relève une augmentation de la consommation de la MDMA de 60% entre 2010 et 2014 et 6.9% des 18-25 ans l'ont déjà expérimenté. Ajoutez à ces chiffres ceux évoqués par Michel Bounan sur le suicide chez les jeunes dont le nombre a doublé en 15 ans (p11), on peut alors constater la tendance mortifère qui s'est installée dans la jeunesse. Dans les soirées étudiantes, il y a de la drogue partout, rapporte le journaliste dans le second article. Si les causes de ce désenchantement sont multiples, la crise du sens n'y est pas pour rien dans cette histoire, en effet la société ayant délaissé la foi dans le ciel, le nihilisme est donc devenu un principe fondamental. C'est donc ainsi que la société pour reconditionner la marchandise humaine a développé une profession paramédicale du nom d'ergothérapie, elle vise a réhabiliter le patient dans la société par la rééducation et la réadaptation (p51).

 Comme si cela ne suffisait pas, l'auteur aborde la question de la pollution alimentaire et chimique dont les taux régulés par les états, quand ils sont additionnés les uns aux autres dépassent les risques "acceptables". Cette addition de seuil minimum de toxicité (p57) est un phénomène de syncarcinogénèse ou autrement dit un phénomène qui provoque le cancer ou l'aggrave. On assiste donc bien, nous dit l'auteur à la page 58, à l'épuisement, à l'échelle mondiale, des défenses immunitaires. Les lymphocytes T qui sont responsables de l'immunité cellulaire et qui protègent l'organisme de multiples infections, s'effondrent à l'heure actuelles à cause de cette syncarcinogénèse que le Capital nourri grâce à ses moyens de production chimique. On ne s'étonnera donc pas, comme le relaye Michel Bounan, que cet effondrement des lymphocites T soit également provoqué par des bouleversements émotionnels (p59). En effet en 1976 L. Grinberg a constaté une défaillance des mécanismes immunitaires spécifiques sur des individus ayant perdu récemment leur conjoint.

 Ainsi la vie est abandonnée et délaissée de manière subtile comme on vient de le voir ou de manière organisée comme l'avortement et l'euthanasie. Ce que le pape Jean-Paul II avait nommé la culture de mort, offre désormais les conditions d'un désastre planétaire qui va faire disparaître une grande partie de l'humanité qui sous l'influence du bluff médiatique ne voit pas arriver la chose pour elle. On assiste donc bien à une conjugaison de l'affaiblissement des défenses morales, intellectuelles, spirituelles et biologiques de l'être. Ce massacre de masse qui ne dit pas son nom annonce pourtant l'effondrement prochain du monde, mais les nigauds, en masses, qui nient les conditions du désastre et le désastre lui même sont certainement atteint de ce dysfonctionnement cérébral appelé alexithymie. La connexion ne se fait plus convenablement entre la conscience et la vie devenue innommable, alors même que le naufrage a déjà été plus que commenté depuis le livre de l'apocalypse.

Pour achever cette fiche de lecture, nous allons donc récapituler les trois termes qui pour ma part sont essentiels pour comprendre les propos de Michel Bounan.

Le premier terme est "ALEXITHYMIE". Ce mot est usité de nombreuses fois par l'auteur pour désigner l'incapacité à comprendre les souffrances et les maux qui nous affectent. 

Le second terme est "SYNCARCINOGENÈSE". C'est la synergie de facteurs de risque qui isolés les uns des autres sont en dessous d'un seuil minimum de toxicité mais qui additionnés peuvent entraîner l'apparition d'un cancer.

Le troisième terme est "ERGOTHÉRAPIE". C'est une profession paramédicale visant à rééduquer et à réadapter les individus en vue de retrouver leur autonomie dans le cadre social.

 
Antoine Carlier Montanari


(1) Simone Weil, la personne et le sacré, éd.Allia, p47
(2) voir fiche de lecture du 03/12/2017

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