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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

30 Dec

Le Dessous Des Toiles : Mother ! (Darren Aronofsky)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Le Dessous Des Toiles


 Darren Aronofsky a réécrit en quelque sorte le perturbant Rosemary’s baby de Polansky. Ce fut en réalité une effrayante surprise, cette mixture est parfois déroutante, inquiétante, voire suffocante mais jamais sublime tant tout tend à la profanation. Le non-initié, le spectateur, est comme Jennifer Lawrence, les événements s’enchaînent sans pour autant obtenir  de réponses, du moins jusqu'à la chute finale où le seul niveau d'explication est contenu dans le rituel sacrificiel. Tout repose essentiellement sur l’ambiguïté du personnage joué par Javier Bardem. La performance est des plus remarquables, l’acteur au faciès si particulier est très énigmatique, il est presque impossible d’échapper au malaise de son jeu. L’homme est de feu, au sang chaud, très chaud, on s’en doute, il est une représentation du diable, un diable humain, mais le même diable qui réclame tout naturellement sa part d’âmes. Aussi le cristal qu’il tient soigneusement entre ses mains est l’allotrope du cœur de sa bien-aimée. Ce même cristal est l’image de l’âme qui jamais ne pourra  jouir de la lumière de ce Soleil divin qu’est Dieu. En effet, Jennifer Lawrence offre son amour au Diable comme le saint offre son âme à Dieu. Ce passage mystérieux ne peut être véritablement compris qu'à la lumière de l'oeuvre de Thérèse d'Avila, le château de l’âme ou le livre des demeures . La sainte explique que l’âme après un péché commis est recouverte d’un linge très noir qui ne laisse aucune lumière la traverser. Les cendres noires qu'ôte Javier Bardem du cristal sont justement l'expression de cette obscurité qui a recouverte l'âme. Une fois sur son socle, le cristal est comme piégé et parait luire désormais d’un mauvais éclat écarlate. Cette maisonnée est donc une représentation de l’enfer où tour à tour, comme les âmes damnées envoyés dans ce lieu, une multitude de personnes étrangères arrivent dans la maison de celui qu'on suppose être le Diable. A un certain moment du film, la foule est tellement dense qu'elle se comporte comme les damnés en leur enfer. La chose est très curieuse, Javier Bardem semble même très favorable à cet embrasement populaire. Le plus inquiétant c’est qu’il ne s’en offusque pas. Honoré, complimenté et idéalisé, il circule dans cette effervescence tout en apposant sur le front une marque noire. L’agitation est telle qu’elle encombre la totalité des plans du réalisateur, celui-ci ne fait aucune économie de ce bouillonnement humain, bousculades, cohues, bagarres, cacophonies, échauffourées, bousculements, chahuts, explosions, violences, blessures, hurlements et morts. Il suit ce mouvement comme s’il était à la place de Jennifer Lawrence. De ce point de vue, de notre point de vue donc, on est submergée en permanence par cette foule embrasée et folle qui semble accomplir  un office dont on devine qu’il n’est pas très catholique. Un homme répète le même geste ostentatoire de Javier Bardem en consacrant le front des personnes d’une marque noire. Ce baptême impie demeure très mystérieux mais la fin véritablement épouvantable dont le rituel orgiaque qui a sacrifié l’enfant nouveau-né du couple Bardem-Lawrence, clarifie la situation. Ce rite qui tue l’innocent puis le mange est un culte satanique. 
 Mais avant de poursuivre, il faut s'attarder un court instant sur la mèche incendiaire de l'histoire, l'événement pivot qui va enclencher l'escalade des événements. Le réalisateur met en effet en scène le meurtre du jeune frère par le fils aîné. Ce crime intervient à la suite d’une dispute avec son père à propos de l’héritage. La chose est entendue, le parallèle avec l’histoire d’Abel et Caïn est ici réalisé. Dieu ayant choisi Abel, Caïn jaloux et offensé finit par tuer ce dernier. Dieu dit alors : « Qu’as-tu fait ? Le sang de ton frère de la terre jusqu’à moi. Désormais, tu es maudit, chassé loin du sol qui s’est entrouvert pour boire le sang de ton frère versé par ta main. (1) Darren Aronofsky plagie entièrement la scène, le frère ainé, après son crime, sort en courant de la maison, la mare de sang s’est engouffrée dans le bois du plancher et en l’imbibant a provoqué une petite ouverture. Il est bon ici de rappeler que le précédent film du réalisateur, en 2014, fût Noé. Il semble donc poursuivre l’étude de la Genèse, laquelle est à nouveau rappelée à la 74ème minute sous la forme d’Adam et Ève dans le paradis perdu reconstitué. Javier Bardem fonde en quelque sorte, certes par la littérature, sa propre vision du jardin d’Eden, dans lequel la maison constituera son nouveau sanctuaire. Cette renaissance n’est toutefois pas fortuite, elle est le berceau de son futur enfant dont l’immolation constituera sa propre offrande. Le sang versé par le jeune frère va renouveler la faute originelle et marquer la maison d’une onction ineffaçable. Le sang appelant le sang, tout naturellement l’enfant nouveau-né constituera le sacrifice ultime puisqu’il personnifie, comme le jeune frère, le bouc émissaire. La tache de sang durement incrusté et qui semble vivante ne s’enlèvera pas. Jennifer Lawrence aura beau la nettoyer, elle y demeurera jusqu’à se propager jusqu’au plus profond de la maison, au sous-sol. Cette image thérésienne du château intérieur est soulignée par la scène de l’ampoule qui disjoncte. En effet quand Jennifer Lawrence appuie sur l’interrupteur, le sang qui a traversé le plafond coule le long de la lampe provoquant l’explosion de celle-ci. L’obscurité ayant envahi le sous-sol, sous-entend que l’âme est en état de péché mortel. C’est avoir du sang sur les mains, l’âme porte donc en elle cette trace indélébile qui ne peut-être que lavée que par un sang pur, celui de l’innocent, celui du bouc émissaire par excellence, celui du Christ. Les étranges visions de Jennifer Lawrence lorsqu’elle touche la paroi du mur supposent une présence paranormale. Le réalisateur fait le choix de pénétrer la cloison et de montrer un cœur qui bat comme si la maison elle-même était vivante. Cette image est quelque peu troublante, elle distille l’idée d’enfermement, d’emprisonnement, elle augmente la sensation de claustrophobie et nourrie un sentiment proche de l’oppression ou même de l’asphyxie.  Ce huit clos n’est donc pas fortuit, cette maisonnée n’est ni plus ni moins qu’une image de l’enfer, une prison où les hommes et les femmes qui y demeurent donnent corps à  cette fameuse expression, le séjour des morts.
L’innocence de Jennifer Lawrence, l’apparente crédulité de Javier Bardem sont exactement les mêmes traits de caractère que respectivement ceux de Mia Farrow et de John Cassavettes dans Rosemary’s Baby. L’écart d’âge dans le couple est également à noter. Si les deux films ont en commun cette résonance luciférienne, ils sont construits sur le même déroulé narratif dont la suggestion est privilégié à la démonstration. La révélation quant à elle se fait à la fin où le mal est formellement identifié. Tout naturellement ce dénouement appelle à une deuxième séance, le spectateur est invité à revoir soigneusement chaque scène, voire chaque plan, dont la mathématique d'Aronofsky a minutieusement agencé. Le crapaud, par exemple, dans le sous sol, fuyant la lumière de la lampe de poche que tient Jennifer Lawrence pour fuir dans les ténèbres, rappelle la deuxième plaie d'Egypte, la pluie de grenouilles. Dans l'ordre, celle-ci succède à la première qui fut celle des eaux du fleuve changées en sang. En étant attentif, avant que Jennifer Lawrence ne descende au sous sol où se trouve le fameux crapaud, elle a nettoyé la mare de sang sur le plancher et vidé dans la baignoire son sceau d'eau mélangé au sang, c'est l'évocation de cette première plaie d'Egypte. Tout en suivant ce raisonnement, la dixième plaie est la mort des premiers-nés, celle-ci ne s'accomplira qu'à la toute fin du film par la mort sacrificielle du fils de Javier Bardem et de Jennifer Lawrence. Cette allusion aux châtiments divins sur l'Egypte souligne subtilement que la maisonnée est le lieu de la désobéissance à Dieu. De ce point de vue et pour conclure, l'affirmation selon laquelle Javier Bardem est réellement le diable, outre que le feu ne le consume pas, tout ce qu'il touche finit par être anéanti. Cette renaissance figurée à la toute fin et conditionnée à un embrasement général, à la destruction par le feu, suggérant ainsi un cycle perpétuel qui balaye toute perspective de salut. Tout le contraire de ce qu'offre Dieu!

Antoine Carlier Montanari

 

(1) Genèse 4.10-11

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