Le Dessous Des Toiles : Nouveau Départ (Cameron Crow)
Pour Matt Damon et ses enfants, la guérison est indéniablement difficile à résoudre. Au-delà du deuil que doit traverser la famille, en réalité, l'événement masque une lecture biblique. Étant donné le vide religieux et spirituel qui anime les personnages, il faut exercer une observation attentive des faits et en tirer quelques indices soigneusement précis. Ce qui me frappa tout d'abord l'esprit, c'est le dialogue entre Matt Damon et son rédacteur en chef. Parmi tous les sujets possibles pour un journaliste, Matt Damon choisi le thème de l'apocalypse, ce qui bien entendu provoque chez son chef, un refus immédiat. Dans ce genre de dialogue, depuis Noé, personne n'écoute. Du coup Matt Damon démissionne, sortir ainsi du rang social c'est en quelque sorte quitter le "monde". Dans ce sens, c'est également l'expression de l'exode ou de la sortie d'Egypte vers la terre promise. Par la suite l'achat du zoo confortera cette idée. Quoi qu'il en soit pour Matt Damon et ses enfants l'époque n'est pas un temps de réjouissance, sauf pour ses voisins qui le soir même s'amusent allègrement en les empêchant de dormir. Comme au temps de Noé, les hommes festoient tout autant, cette attitude semble obligatoire pour la plupart de l'humanité, établissant d'ailleurs un idéal en soi consistant principalement à tenir tout le reste dans l'indifférence. Pour autant la question de la fin du monde ne se pose pas ici, il est plutôt question de le fuir pour souligner son caractère alienatoire. De fait, Matt Damon accompagné de son fils et de sa petite fille finit par acheter un zoo en pleine campagne. Le zoo constituera de facto l'image biblique de l'arche. Du reste, sa rénovation correspond de manière analogue à la fabrication de cette dernière. Ce détournement involontaire constitue un écho moderne du texte de l'ancien testament, à l'instar des nombreux films catastrophes comme "2012", de Roland Emmerich, dont la référence à l'arche est entièrement assumée, ici l'allusion est plutôt involontaire, on peut parler de plagiat inconscient. Ce patrimoine religieux de la mémoire universelle constitue pour chacun un modèle de référence, le film de Darren Aronofsky, en 2014, "Noé", permet une immersion très réaliste dans ce qui fut pour l'imaginaire collectif plus un mythe qu'un événement historique. Nos trois protagonistes vont donc petit à petit se reconstruire au sein de cette économie animale en contribuant tant bien que mal à l'édification d'une petite communauté constituée par les employés du zoo. Une fois celui-ci sauvé, l’ouverture est empêché par des pluies qui s’annoncent abondantes, il n’échappera à personne la corrélation biblique du déluge. Ainsi et après avoir constaté qu’un arbre s’était couché sur la route à cause des fortes pluies, empêchant par-là les visiteurs d’accéder au parc animalier, la scène est on ne plus explicite, l’arbre est l’image de l’arche en bois qui s’est échouée après le déluge. Les visiteurs sont invités à passer l’obstacle que forme l’arbre couché sur la route, cette image est une sorte d’invitation du peuple élu à bord de l’arche, image de la terre promise.
Antoine Carlier Montanari