Ecrit Épistolaire (26) : Les Eaux Du Fleuve Changées En Sang
Les eaux du Nil changées en sang furent la plaie d'Egypte qui fut peut-être à la fois la plus symbolique et la plus psychanalytique. En considérant les deux rives du Nil comme des jambes et le fleuve lui-même devenu écarlate comme les menstruations chez la femme, on peut affirmer sans obliger à l’admettre une subtile métaphore de la féminité. En ce sens, ce temps d'évacuation sanguine qui indispose sexuellement la femme et qui peut être ce temps qui précède une fausse couche préfigurent en réalité la mort du fils de pharaon comme de tous les premiers nés d'Egypte. En effet, dès que les eaux du Nil se changèrent en sang toute vie s'éteignit (1). Il en était de même de l’eau contenu dans les vases de bois et de pierre (1). Sous un certain regard la scène évoque avant l’heure les noces de Cana (2). Jésus qui ayant appelé sa mère « femme » après que celle-ci lui ait annoncé qu’il n’y avait plus de vin, transformera l’eau contenu dans les jarres de pierre en vin. Si ce n’est la correspondance entre les vases et les jarres, le sang et le vin, les noces de Cana soulignent également l’importance de la femme puis de la mère dans ce que l’on peut appeler le miracle de Cana. En effet, si la Vierge est indissociable de l’événement, elle est en réalité le contenant du Christ, et qui comme la jarre contiendra tour à tour de l’eau et du sang, et qui depuis les apparitions de la Salette en 1846, essentiellement visible sur les statues de la Vierge et du Christ, portera le nom de lacrimation. En réalité, en détournant C.G Jung (6), la Vierge est le vase bien-venue de la révélation, qui fait d’elle une réceptivité spirituelle, une mère-esprit (Esprit-Saint) contrairement à une mère-utérus exprimé dans les troubles menstruels et les difficultés dans la conception de l’enfant.
Le Christ, qui sur la croix s’était vidé de son sang, laissa échappé de l’eau lorsque le centurion Longin (3) lui perça le côté droit. Ici l’eau succède au sang pour matérialiser la purification par le nouveau baptême. Concernant l’épisode du Nil, les vases n'en sont pas moins des images vaginales souillées qui rappellent bien évidemment la faute originelle. La traduction psychanalytique se poursuit avec la verge d'Aaron qui frappa les eaux du fleuve pour que celles-ci se changent en sang. « Verge » est le mot employé dans la bible, ce même mot a pour autre acception le membre viril de l'homme. C'est à la demande explicite de l'Eternel qu'Aaron frappa les eaux, on peut raisonnablement y voir là l'inclination naturelle de la procréation. De plus comme la verge fut initialement transformée en serpent (4) dans le palais de pharaon, la scène dégage une violence érotique traduite par le sang lors du contact de la verge avec l’eau du Nil. Le problème n’est pas si difficile à résoudre, Dieu parle par énigme à pharaon comme il l’avait déjà fait avec son prédécesseur lorsque celui-ci eu un songe avec sept vaches maigres qui dévorèrent sept vaches grasses. Le jeune Joseph, fils de Jacob, traduisit le rêve pour pharaon (5). Si on prolonge l’observation, le Nil étant une image de la femme, de la femme féconde, quand celui-ci offre à la fille de Pharaon le nouveau-né Moïse, c’est évidemment la représentation de la naissance, le Nil accouche dans les bras de la servante qui elle-même joue le rôle de la sage-femme. La situation est symbolique, le père, Dieu, ayant ensemencé le Nil, la femme, par la verge d’Aaron, au sens profond, au sens supérieur c’est la signification spirituelle de l’acte sexuel. C’est principalement l’expression du droit de Dieu sur la vie comme sur la mort. Ainsi, la naissance comme la mort d’un enfant est toujours perçu inconsciemment comme le fait de la volonté divine, de sa providence dans le premier cas et de sa justice dans le second cas.
Antoine Carlier Montanari
- Exode 7 :14-24
- Jean, Chap.2
- Marc 15 :39
- Exode 7 :9
- Genèse 41 :15
- C.G Jung, les racines de la conscience