L'Architecture Du Diable (7)
L'Exorciste par Friedking, de 1973, avait en quelque sorte initié le genre possession maléfique, en faisant intervenir non seulement le diable mais également le prêtre dont la figure combative apparaît ici comme puissance tutélaire. Hitchcock, en 1960, avait déjà évoqué l’emprise du mal dans son film Psychose. Le choix du réalisateur se cloisonnera à une toute autre forme de la démence, qui se rapprochera bien évidemment des conclusions freudiennes dont le rôle a été d'effacer le diable de tous les troubles psychologiques. Bien que le film se révèle de très haute facture, la chute ne révèle rien de plus qu'un trouble dissociatif de l'identité. Ce n'est pas rien pour autant, l'ambiguïté du tueur est suffisamment angoissante pour daigner accorder quelques sueurs froides. Toutefois, si Hitchcock sacrifie au modèle psychologique, le film ne reste pas encré sur ses positions, la part accordée au mal est peut-être symbolisée par l’étrange maison sur la colline près du motel. C'est là que réside la mère du tueur, cette vielle dame, conserve, et on le verra à la fin du film, tous les traits de la mort. L'approche est subtile, Hitchcock identifie la présence maléfique à l'intérieur de la maison, sans découdre toute l'intrigue, la maison est presque hantée. Depuis, cette bâtisse en est devenu un archétype, l'imaginaire collectif l'a presque rendu vivante. C'est devenu le corpus emblématique d'une possession diabolique. A partir de là, Stuart Rosenberg, réalise en 1979, Amityville, la maison du diable. La possession diabolique est ici affaire entendu, le catholicisme aussi, il n'y a pas de doute quant à la nature des forces en présence. Le cycle chrétien est en marche, la dialectique catholique est désormais bien enracinée à Hollywood. En 2011, Anthony Hopkins, en prêtre exorciste, va souffler à nouveau sur les braises. Le père Lucas, en bon professeur va initier le jeune loup blanc au plus difficile des rites catholiques. Le film va rappeler la bête à ses devoirs, on assiste à un échantillon des plus intéressants de ses activités, à ce niveau d'intensité la préparation est plus qu'évidente, l'art de la guerre est obligatoire et le manuel indispensable fournit les seules prières ecclésiastiques efficaces. L'opération est menée de main de maître, le prêtre est définitivement le personnage adouber par Dieu. Dans cette affaire, la chasse au diable à quelque ’inconvénients majeurs, c’est là la leçon de l’histoire. Mikael Håfström, le réalisateur, nous mène jusqu’aux entrailles de la possession, le film s’inspire directement du documentaire de Matt Baglio, The Rite: The Making of a Modern Exorcist. Le livre de Gabriel Amorth, Confessions, fait également office de référence dans le genre. Ainsi, la chute du film est révélatrice du charme que peut opérer le diable. Le roman de Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan, évoque également cet aspect méconnu, le diable a de l’affection à séduire celles, des âmes, qui sont les plus proches de Dieu. L'adaptation du roman de Bernanos par Maurice Pialat, en 1987, retrace avec justesse cette subtile influence. L'extrême agilité avec laquelle le diable entreprend la domestication de l’abbé Donissan (Gérard Depardieu), est un modèle exemplaire du procédé luciférien.
Antoine Carlier Montanari