Une Fable: Comment l'Apathie aida le serpent dans le jardin d'Eden
Satan, encore fumant, les ailes chaudes, prit pied au paradis. Là, près d’une végétation abondante et luxuriante, il se livra à une grande investigation du regard. Il y eu, là-haut, subitement, des personnes divines, des anges pensa-t-il, Raphael et ses sujets surement, qui rapidement transfigurèrent à la lumière et descendirent tout de scintillement vers lui. Satan, agacé, se changea en pierre, du moins l’artifice le ferait croire à tout œil. Il attendit un long moment, ce qu’il détestait particulièrement, avant de reprendre sa forme initiale. Puis, lorsque plus rien ne le menaça, il pénétra dans le bosquet où Adam et Eve résidaient. - Troublante scène, voilà ce qui est à l’origine de tous mes malheurs, l’homme. Une nausée subite irrita sa gorge, plus violente que d’habitude et plus profonde, la fièvre montait et un nœud de maux se forma en dedans de lui, Satan trembla et changea de couleur. – Je dois toujours me tenir sur mes gardes, Raphael veille et je connais sa rigueur en la matière. S’il me faut vaincre l’homme et sa descendance je dois choisir autre apparence, pour cela je dois prospecter chez les animaux de la terre et trouver celui qui me sied le plus. Mon état de faiblesse ne me permettra pas longtemps de résider ici, il me faut vite m’incarner. Satan s’éloigna et observa quelques-uns des animaux qui étaient là, prit mesure de chacun et trouva que le serpent, c’est comme cela qu’il le nomma, était le plus adéquat pour initier son projet. Il s’avança dans cette beauté nouvelle, hâtant sa progression entre les pierres et l’herbe fraiche. Mais au travers de cette forme il se dit : – Il me faut en arriver là, à moi qui fut lumière ! Le visage ainsi collé au sol, je ne colle peut-être plus à la divine création et l’incroyable force qui m’habite devrait me soustraire à cette infamie ! Ah l’homme, je le ferai ramper ainsi et plus encore ! Puis là, Satan vit un étrange animal, près d’un joli ruisseau. Il s’en rapprocha suffisamment pour lui parler. Intrigué, le petit animal, à l’apparence frêle, s’approcha également et se mit à renifler le serpent. Satan le regarda dans les yeux et vit avec délice une fraiche candeur, si profonde qu’il s’accorda la permission de lui parler. – O compagnon ! Vois comment le Seigneur m’a fait, incapable de courir ou de me mouvoir aisément comme la plupart des animaux de cette vaste terre. Parmi tous ceux que j’ai rencontrés, tu me parais être le plus agile ! Le petit animal recula d’un pas et dit : - Le Seigneur t’as fait comme cela, tu dois être comblé et le remercier pour t’avoir donné cette silhouette si fine et si gracieuse, qu’elle te permette de monter à l’arbre ou à la roche et de te faufiler dans les endroits les plus petits pour y admirer des trésors que les autres ne peuvent voir ! N’est-ce pas déjà largement suffisant? Satan s’accorda un temps de réflexion et dit : - Certainement, mais il m’est pénible qu’il en soit ainsi et j’aurais préféré, s’il m’avait été donné le choix, d’être comme toi. Le petit animal sourit et dit : - De même, il m’arrive de songer à être autre, mais je ne le veux plus quand je sais qu’il est bon que je sois ainsi, ainsi est grand celui qui fait la volonté du Seigneur. C’est alors que Satan trouva astuce par son intelligence. – Ta parole est sage ! Si donc Dieu a convenu pour nous de cette vie, Il désire aussi que nous soyons les uns pour les autres des amis, n’est-ce pas ? Le petit animal hocha la tête, Satan continua : - Si moi, qui rampe sur le sol peut m’élever grâce aux arbres et aux rochers, je peux tout aussi bien grimper sur ton dos pour profiter de la plaine et de ses hautes herbes ? Le petit animal hocha encore la tête. – Alors tu ne verras pas d’inconvénient à ce que tu me portes sur ton dos pour me mener là où je ne puis aller? Le petit animal hocha de nouveau la tête, Satan en profita et pris place sur son dos. Ainsi élevé, siégeant comme un roi sur son trône, il dirigea avec malice sa monture en lui sifflotant en langage subtile ses désirs, d’ailleurs ce dernier se sentit bien heureux qu’il en soit ainsi. Lorsque Satan fût satisfait il quitta alors le dos de sa monture et dit : - Comme tu fus pour moi d’un grand secours, dorénavant, pour sceller notre amitié, je te nommerais Apathie.
Antoine Carlier Montanari