Stéphanie Raphael : Technique Mixte
Là, j’ai vu le ciel se retirer, enlever l’air par un grand vent de mer, ce qui se passa alors fût immense. Je voudrais tant faire sentir par les mots cette transformation, mais peut-être faudrait-il mieux être gagné par l’ambiance et parvenir comme le dit simplement son auteur : ressentir du bien-être ! Non, non, n’y allez pas, vous dirais-je si en ce moment j’étais plus soucieux artistiquement, mais je crois que parfois il faut faire preuve de désobéissance et se laisser aller à cette contemplation facile de l’existence. Simplement et sans faire rechigner l’être, abandonner ses positions sérieuses et retrouver l’innocence. Je ne voudrais pas dire de mal, non plus mettre à mal cet art abstrait, trop souvent irradié et maltraité par leurs auteurs, alors, parfois, comme en ce moment, je me retrouve dénué de toute révolte. C’est cela je pense se retrouver plein de bien-être, en plein air, sur le sable avec une quantité immense de lumière. Oui ça fait du bien, à l’endroit puis à l’envers de la peau, la conscience bercée, comme emportée par la mescaline, en somme tout me parait admirable ! Exaltation alors, abandon peut-être, là j’ai su de moi-même que remuait la vie, la mienne, à n’en plus finir d’ailleurs, que dedans, toute destinée à mourir, elle désirait s’échapper pour s’enfuir là-bas, au-devant, vers le centre de cette lumière. Stéphanie Raphael, si rapidement je sens, si volontairement aussi, tourne son pinceau, revient et repart en une trace si prononcée qu’elle parait fourmiller d’une infinité de lignes. Un ratissage complet de la toile, sauf dans le milieu, dans la médiane, lumineuse, toute aussi abstraite que le reste et qui donne à l’œil une croûte traversée en son centre par une faille. Cette forme séduit et l’on regarde dedans, d’un regard fixe, la fraicheur de la nuit, l’aube naissante, lentement et patiemment, on est presque gêné, gêné de se trouver là, si facilement. J’aime donc cette peinture abstraite, il me plait de voir le monde de cette manière, l’infini, en petit format sur une toile. Réfléchir, ouvrir soigneusement l’esprit et prendre en pleine tronche toute l’impression suggérée, n’est-ce pas là une raison d’éduquer le regard. Je rappellerai bien « Débris » de Valérie Favre, car il y a quelque chose de précieux dans cette abstraction, si dessinée, si imbibée, qu’on aperçoit la trace du réel. Cet ensemble indéfini, vient et va follement comme la marée, se brise sur quelques esprits et en imbibe d’autres, si bien qu’en mouvement elle finit par devenir envahissante. Cette rebelle ne se limite point, éruptive, exubérante, cannibale, elle se joint en tout, se métamorphose en tout, elle enfourche la pensée contre toute obstruction !
Antoine Carlier Montanari