Starwars I (BO)
Une bande originale qui cause bien l’ardeur et guide instantanément vers les grandes évocations lyriques, si tenté que votre pensée sache remonter jusqu’aux tranches du passé les plus nobles. Que dire d’une telle composition si ce n’est qu’elle exerce une fascination pour l’âme, un fruit bien juteux pour la bouche et si elle pouvait être adoré comme une divinité on la personnifierait dans sa demeure comme une statue d’une grande figure de l’antiquité. Cet avis ne sera pas unanime, faute de trouver chez beaucoup l’oreille toute entière tournée vers la beauté, fort bien pénétré de ce bon genre qu’est la grande musique. Possédé de cet art, on se rendra compte que cette forme remplacera vite les images du film par d’autres moins transformées et toutes aussi redoutables. Il faut l’étudier dans ce sens, elle nous raconte bien autre chose, de ces évocations que l’âme bien nourrie aime à mâcher.
On écoute la septième, formée en deux parties, la première plutôt stable, presque horizontale, la deuxième, solidement structurée qui immédiatement rappelle les grandes solennités romaines. Cette septième est incontestablement le cœur de la partition, celle qui donne à l’ensemble sa part la plus réjouissante et qui fait profiter pleinement l’oreille d’un enchantement musical. C’est à la moitié du morceau que le cœur tressaille comme après avoir bu un grand vin dans son âge le plus généreux. La bouche bien imbibée et le sang bien chaud, le courage monte et aisément l’ivresse nous emporte. Certes, elle est toute puissante sur moi, c’est par elle que je peux enlacer mes mots d’une grande passion et faire intervenir pour vos oreilles toute l’inspiration qu’elle me procure. Et si je pouvais la comparer autrement, seulement pour vous donner l’envie de l’écouter, je vous conduirais à cet immense fleuve orné de mille rochers qui dans leur demeure agitent ses eaux jusqu’à son front où elles tombent en cascade dans un tumulte aussi fracassant que le courroux d’un dieu en colère. Me diriez qu’elle fut forgée aux enclumes de vulcain, qu’Hadès ou Zeus en aurait inspiré le fond puis la forme et offerte à Achille afin qu’il les honore parmi les hommes. Là, comme cela, elle ébranlerait les mortels comme la terre, avancerait et briserait les charnières de la poitrine et s’en irait la conquérir comme un amant. Puissiez-vous l’écouter de cette manière, c’est cela que je vous souhaite, la vigueur des trompettes est ici cause d’un grand bonheur et bien plus si au plus fort du thème vous sentez le déchaînement prendre le pas. Ainsi, sans rompre l'envoûtement, la cinquième bien plus alerte, au rythme triomphale, avance avec ardeur, si grande ardeur d’ailleurs qu’elle semble de jeunesse. Cette irréprochable partie qui irriterait certainement certains chefs, dissimule une éclatante construction qui calibre le thème dans des proportions insolentes pour un orchestre. En effet les trompettes et les tambours donnent à la composition une grande vivacité, outrageusement vagabonde, hyperactive, qui donne à la tête l’envie de se détacher. Ardente structure, qui jamais n’épuise les sens et encore moins le désir et c’est là la plus grande réussite du compositeur qui sait habilement prendre aux instruments leurs plus vifs instincts. Insensé celui qui écoute sans voir les notes mitrailler la partition, couchées en rafales et qui nourrissent l’air de vibrations si bien juxtaposées qu’on croirait la guerre faîte pour elle. Peut-être un peu brève, deux minutes et trente secondes, qui certainement feraient sourire celui qui s'enchaine à Mahler mais diriger cette partition, juste et dans le ton de accordé par les étoiles, le spectateur n’évitera point le bonheur d’être ici. Ici retentit l’excitation, empourprant le cœur comme après une longue course et qui dans la joie fait demeurer l’écoute. Si pareille composition agite bien les sens, son contraire, la seizième, peut tout autant les inspirer. En effet, bien plus douce, plus lasse, semblable à la poussière qui se dépose doucement, recouvrant comme un linceul ces domaines endormis, le cœur sombre, elle tombe le voile et entonne avec noblesse un somptueux requiem, Qui-gon’s est mort. Plût aux dieux qu’un tel chant vienne les honorer, si rare en ces temps et qui pour tous, procure à l’âme, ici et maintenant, une image de Dieu. Plaira à qui voudra que je dise cela, mais tant pis, cette image agace bien celui qui trône en dessous et qui jadis, lorsqu’il était prince, savait composer de la sorte, d’ailleurs chez lui personne ne sait plus chanter. La deuxième, bien plus traditionnelle, montre toute l’exemplarité des chœurs qui n’est pas là sans rappeler l’énorme introduction du Carmina Burana de Orff. Hurlent t’ils, ces derniers, comme des rameurs en plein effort, les poumons dilatés, la rage aux lèvres et le cœur essoufflé, la fureur à son triomphe, c’est là la manière d’embraser la musique. Semblable composition trace les grands destins, joue avec les dieux et renverse à coup de serpes les rois et les princes. Écoutez ! Le cœur bondit, coupe la lande et fonce comme le cerf entre les arbres, évite les ronces et les branches épineuses, habilement gravit les roches et file enveloppé de lumière vers le Parnasse. Songez à tout le talent du compositeur, sans doute que nul en ce même temps bâtit aussi habilement des thèmes. Pour moi c’est plutôt une triste affaire, Dieu se fait rare chez les hommes, permis de constater que le monde devient apostat et c’est là le drame, le monde s’enlaidit, il veut la guerre. Alors la quatorzième, debout et souveraine souffle dans ses trompettes, car c’est avec elles qu’elle élève au mieux l’orgueil. « -Allez donc au combat ! », leur crie t’elle, «- Pieds rapides et mains fermes, allez combattre l’ennemi avec rage et honneur ! » Elle brûle de ses plus belles flammes, porte son thème comme un étendard et promptement survole le champ de bataille sans autre désir que de pousser le cœur à l’allégresse. Certes, elle ne cache point ses formes et ses envies, presse le mouvement et inspirée d’une grande force avance ainsi jusqu’à sa conclusion. Là est la demeure d’un grand duel, n’aurait-il pas mieux valu pour Hektôr que Patrokle reste en vie? Le chevelu n’en fit qu’à sa tête, suffisamment irrité pour en vouloir à la terre entière. La colère, la haine puis la vengeance, le tout pour un empire, celui d’Agamemnon. Noble est la quatorzième, aussi noble que cette histoire dont la mesure principale est la force, inutile de dire qu’ici elles s’entendraient parfaitement ! Comprenez-bien, entendre ainsi souffler les trompettes, qu’on soulève suffisamment pour dominer les tambours et les cordes, influence considérablement l’image que l’on se fait de la force. En un instant, l’âme cède volontiers et avec raison à cette structure si bien organisée qu’elle pourrait être comparée à une légion en ordre de bataille. C’est le temps de la guerre, aussi n’est-il pas en son pouvoir de réclamer autant d’honneur, assurément au prix de cette fureur, John Williams donne le meilleur. Progressivement les notes conditionnent le son et partitionnent en élan chaque mouvement d’instrument, le tout en des degrés diverses qui ne sont pas entièrement moulés afin que la forme générale, très théâtrale, prennent toute sa consistance. L’infanterie, la cavalerie, l’artillerie agissent alors, triomphantes et furieuses ou tout au moins bruyantes. C’est là, donc, comme cela que la partition enracine l’image, sous une forme bien élogieuse et use des nobles instruments pour rendre compte à l’imaginaire des racines de l’histoire. Une telle musique fertilise l'esprit et de sa main vigoureuse peut aisément faire basculer l'âme, une bien belle fortune donc pour les hommes et qui peut en dedans construire une bien belle demeure.
Antoine Carlier Montanari