Pensée (2): La Souffrance
Ce désespoir qui nous appelle au milieu de nous sans manquer de prendre chacune de nos parties et de convenir pour l'ensemble de la conduite à tenir, devient aisément si l'on n'y prend garde, le maître en son domaine. Et je dis prendre garde, pas de la manière la plus convenu et qui consiste à prendre en valeur la réflexion qui instruit d'une méthode vil et plus ravageuse, à savoir entendre raison de la vengeance et de la haine d'autrui. Je dis cela, car cette discipline, qui devient vite pour le coeur une maîtresse, apporte à autrui le même mal que celui que l'on traverse. La règle qui prédomine ignore bien le bien de l’autre et plutôt que de poser à son regard la faiblesse de celui qui nous a maltraité, on use de la même faiblesse sans se rendre compte que l’acte inverse l’instruirait d’une autre manière de voir. Il est nécessaire de convaincre l'esprit de cette direction, bien plus difficile à emprunter, mais qui adjoint au coeur des bénéfices que l'âme est seule capable d'entendre. C'est pour cela que je m'attache, bien avant vous d'ailleurs, à m'en convaincre, puisque cette pensée qui est si digne d'intérêt doit être vérifiée avant d'en exposer toute la richesse. Il faut considérer la valeur de Dieu comme le bien suprême, sans cela, rien d'autre ne pourrait justifier l'acceptation de la souffrance ou du sacrifice, car rien d'autre ne requiert autant de considération et d'estime qui pousse la nature a se dépasser. Ce point de départ ne peut être évacué ou ligoté sans rendre inerte la suite de ces propos, il viendra à certain d'entendre cette voix de la raison qui instruit des bénéfices lies a l'héroïsme, sans complexe ils le mettront sur le même plan. L'on voit bien ici et je dois bien dire que cette notion si particulière aux hommes de bonne volonté ne saurait joindre à leur acte, si noble soit il, la source du plus bel amour, qui donne sans condition tout ce qu'il a. Cette raison vaut toutes les autres de par sa nature qui entend donner sans recevoir, par l'exemple du Christ et qui revient encore aujourd'hui sans que réellement l'on comprenne de quel mouvement il est animé, ce mystère entretient l'idée même du don parfait. Son imitation, bouleverse en dedans tout, des reins jusqu’au cœur, comme si le ciel tout entier venait y prendre demeure. Cette notion bouleverse bien les grands penseurs, et ceux à même d'en apercevoir toute la hauteur se plient volontiers et les autres, de mauvaise foi, ne pouvant la justifier, deviennent de ardents ennemis par crainte de se voir confus. L'âme prenant ainsi exemple sur ce socle, devient un tout avec elle, plus encore, il justifie sa souffrance dans un acte parfait, qui rend toute sa personne conforme à Dieu lui-même. Il est ainsi du croyant qui prend sur lui sa misère pour en faire don afin de sauver son âme et celle de ses ennemis, la formule étant parfaite puisqu'elle donne un résultat totalement bénéfique, le mauvais devient bon. Cette équation particulière et unique, trouve en dedans d'elle une donnée invariable qui lui garantit le meilleur des résultats. Mais s'il est donné à l'homme un tel pouvoir, il lui est aussi demandé la plus grande humilité, à celle-ci s'accompagne de grandes tensions qui viennent frapper l'âme d'une redoutable cacophonie. C'est a cette occasion que l'âme est disposée à faire usage des éléments de la perversité, à cette mauvaise cause, les raisons de haïr et même de maudire conduisent à effacer le sens de la miséricorde. C'est pourquoi, prendre vie de sur l'autre rive est bien plus ardu, car de la manière qui est exigée, la souffrance devient non plus une adversaire mais une compagne qui mène a bien des délices. Ces propos ne doivent cependant pas être amalgamer a cette sournoiserie qui consiste à jouir de la souffrance, perverse attitude qui s'accompli dans des rituels odieux et sataniques, propice à l'autodestruction. C'est pourquoi la souffrance acceptée dans l'humilité en exemple glorieux cité plus haut, devient bénéfique, puisqu'elle accorde à l'âme un bien, bien plus grand que toutes les richesses qui forment le monde. La raison qui entend cela, saura taire les querelles et l'envie, et déposera en son sein le plus précieux des dons, à savoir la patiente. Les éléments conduisant à une telle stature, arrachent les hommes du péché mais l’on doit garder à l’esprit la volonté de celui qui trône tout en bas. L’ignorer peut empêcher l’âme de s’émanciper, c’est aussi se rendre aveugle de la vérité, car ce malfaiteur prendra l’aspect de l’ange pour tromper, parfois bien plus pour amener l’âme à douter de Dieu et c’est en cela qu’il est redoutable car c’est de lui seul que viennent ces maux et ne pas les lui attribuer revient à les rendre à Dieu lui-même. C’est pourquoi prendre acte de cette vérité fait craindre au cœur les supplices liés à cet énergumène, une crainte bien précieuse qui garantit à l’âme de revenir toujours dans le droit chemin.
Ce petit âne de Robert Bresson en illustre bien toute la profondeur et plus même si l'on prend a sa condition une imitation parfaite du Christ. Tout ici résonne comme une ode a la passion et l'âne incarne avec majesté le plus parfait des rôles. L'on peut concevoir ainsi, qu'au cheminement qui est le nôtre, savoir porter sa croix entraîne inévitablement une très grande souffrance, mais c'est à ce prix la que l'on ruine les effets du malin. Cette occasion qui émancipe l'âme des affres de la vie, prend au temps ses mérites et même plus encore puisqu'elle l'accompagne par sa propre liberté, chose que le temps ignore. Il n'y aurait pas de bénéfice sans cette volonté de l'âme, qui en mesurant sa condition de cette façon conçoit que le bien qui lui ait le plus nécessaire s'obtient en acceptant les conditions du temps. Les afflictions de toutes sortes liées aux changements d'humeur, aux avis divergents, aux catastrophes naturelles, aux désirs provoqués par les richesses du monde, à la peur de la maladie et de la mort , toute cela s'incrémente dans ce dogme naturel qu'est le temps et qui n'a pour seul objectif que d'encrer l'homme dans l'absolu. Cette accroche si particulière définit la condition humaine comme une réalité physique, si tangible que l'homme n'explique son existence que par les effets de celui-ci. Sans pour autant en comprendre toute l'étendue, qu'il dessine par le mot infini ou éternité, il entend ainsi évoquer l'idée de Dieu. Ce mystère trouve ses mécanismes dans la révélation et si Jésus Christ en demeure le centre, sa présence n'est toujours pas l'objet principal des consciences, l'homme reste donc entièrement libre. De là, au contraire, celui qui en accepte toute la charpente s'enrichi d'une raison supérieure capable de le faire se dépasser et d'atteindre des sphères bien plus rayonnantes. L'une d'elles, celle qui est l'objet de toute mon argumentation, pourvoit à l'âme l'exemplarité de l'obéissance, acceptant même les tourments qui mènent à la mort, cette imitation conduit à ne faire plus qu'un avec la volonté de Dieu puisque plus rien ne devient cause de rébellion. Ce terme qui s'est édifie dans la cour même de Dieu, exaltant son orgueil à sa Face, perdit toute sa superbe ainsi que son rang, déchu il n'a cessé de combattre toute la Création. Se rebeller revient à lui obéir, le contraire revient à avoir confiance en Dieu.
Antoine Carlier Montanari