Monsieur Zimmer
C’est en cette musique que l’on peut s’apercevoir du chemin parcouru depuis les grandes symphonies qui ont comblées les oreilles averties. Émergence d’une sinusoïdale moderne qui emprunte aux notes de Mahler les plus sombres caractéristiques. Ce que Hans Zimmer et James Newton Howard ont accompli sur « The Dark Night », donnent aux oreilles une partition qui trouve ses repères dans l’expression des troubles de l’esprit. Car il faut accompagner ce bouffon, brisé par la folie, qui règne en riant de ses élucubrations. Une tension qui suinte la nervosité, les violons, toujours à l’équilibre, ne franchissent jamais la limite d’un thème qui ne demande qu'à exploser. Là où excelle les perversités comportementales, quand apparaît les sentiments les plus douloureux, la musique presque planante, s’acharne à rendre palpable cet esprit dérangé. Il faudrait au regard de ce que l’art nous a donné une vision proche de Soutter, mais pour ceux qui ne connaissent pas ses œuvres il conviendra de s‘y pencher pour comprendre que des mots ne suffisent pas toujours pour combler les questions de l‘esprit. Mais prenant à pleine volonté le sujet du film, les deux compositeurs se complètent en imaginant une partition toujours retenue. L’ensemble se veut réguliers et linéaire mais dans le sens verticale, rejoignant un sommet Olympien par un final qui transpire la crispation. Le met le plus complet de la composition, qui puise sa force dans l’amélioration des sons, sculptant une conclusion qui ne cesse de s’élever en forgeant avec rigueur un espace où le thème préserve son éloquence. Il faut préparer le dénouement sans jamais dévoiler de quel côté le final balancera. Repoussant plus haut la nervosité du ton, les cuivres prennent placent dans des assauts conjugués pour suggérer au spectateur les luttes intérieurs. Les sonorités deviennent pionnières, déroulant une suite de notes qui touchent d’avantage au cœur qu’à la raison, l’orchestration se veut plus lyrique. L’on est mené à la fois aux doutes, aux inquiétudes et à la délivrance. La structure musicale ne cesse d’identifier le combat des deux hommes, cadençant aux comportements qui sont les leurs, des vagues musicales qui tour à tour prennent forme en ondulant nerveusement ou doucement. Un paradoxe utile à l’expression des choix qui nous habitent. La scène qui incrémente la victoire du fou, par delà sa propre déchéance démontre en sa valeur sa virtuosité à provoquer la chute du bien. Il fallait en cet instant libérer le thème en un fragment sombre et profond. Insinuer le désespoir et la redoutable capacité du mal à désespérer la nature humaine, le thème musical s’alourdit de vibrations sonores, presque latentes où l‘air bourdonne prête à exploser. Une confrontation sonore qui gène la paix intérieur dévoilant ainsi une nouvelle manière de rendre vivant les tensions existentielles. Le saccage du son devient manière de composer et l’enchevêtrement calculé de son architecture permet d’obtenir une musique plus grinçante et plus stressante. Hans Zimmer renforce son travail dans une direction qu’il parfait dans « Inception ». Monsieur Cobe s’emmêle dans des souvenirs qui le somme de fuir la réalité, gravant à son esprit des troubles qui le porte à la confusion. L’imbrication à différents degrés des couches de la mémoire impute à la raison des bouleversements qui ont pour ordre la perte des repères. La psychologie s’imprime dans une symphonie par une suite de notes imbibées des rouages de la modernité, un engrenage musicale, appuyé par la force des tambours qui sensiblement empêche le spectateur de rejoindre la réalité. Une sorte de transe qui soudoie l’esprit et l’enferme pour mieux l’entraîner là ou la composition illustre le mieux la manipulation mentale. L’orchestre prend à bras le corps les complexités psychologiques en exprimant ici une suite de semonces que l’on croirait sortit d’un champs de bataille. L’apogée sonore vient ici troubler les tympans, que l’on désignera par une note qui tend à se faire écho sans jamais baisser en intensité. Une répétition proche du tic tac temporel, qui rappelle à l’esprit sa soumission à cette mesure. L’épuisement est ici recherché afin de rendre l’écoute plus propice à oublier les volontés du silence. La proposition cadencée sature le rythme habituelle de la composition, dévoilant une structure plus théâtrale plus apte à capter l‘attention. La musique se fait plus brutale et plus massive, qui si elle accompagnait les scènes d’un opéra en changerait radicalement la nature.
L’on pourrait accorder à l’écoulement de la composition une énergie qui rappelle une certaine envergure classique dans la proportion qui définie l’élévation du drame, du moins une narration qui présume de l’affliction qui touche les protagonistes et qui souligne en majesté leur chute. Hans Zimmer excelle dans ce domaine et il récupère avec nervosité ce qu’il avait expérimenté sur « Gladiator ». Commode torturé par ses désirs et qui plonge péniblement vers la folie, ne souhaite qu’à rendre à sa nature les lauriers de la grandeur. La chute du personnage est intimement lié au rapport paternel, l’évocation musicale oblige à l’introspection en soulignant le silence, entraînant une réciprocité d’ordre affectif qui apparente sa confusion à la nôtre. La tension des cordes, perceptible par une résonance qui affecte l’air comme un brouillard, suggérant à la manière d’un requiem, la tristesse qui enlumine le drame. La composition est plus intime, rappelant les angoisses existentielles. La mort qui s‘annonce, soutenu dans cet élan par une conjugaison sonore grave, triste et sans mesure de la joie. Prolonger l’emprise de ce qui nous traverse furieusement et qui nous blesse par appui d’une mélodie qui étreint notre âme à des mots qui se veulent affliction. Imprimant à nos sens des variations qui suggèrent la mélancolie, tracé par des rayures que les violons s’attachent à harmoniser pour garder en mémoire la douleur de ce que l’on observe. Accompagnant avec solennité le destin qui se veut infernal, la partition s’attribut les apparats des chœurs qui le plus souvent supportent comme des colonnes la lourdeur du ciel. Gravant au vent des octaves funestes qui rappellent les chants guerriers, l’ensemble s’accorde à la détresse et l’on tend comme aux hauts des hurlevent vers une domination des éléments. Ici il est nécessaire de faire intervenir ce qui abruti l’homme, la nervosité du monde par l’amplification des manigances qui nous tiraillent l’esprit. Cet ensemble se défini par un rythme berçant qui tend à nous apprivoiser et à rendre raison ce qu’il nous chante.
Hans Zimmer initialise la musique de demain. Son œuvre pourvoit à la nature des consonances impérieuses aux thèmes évidents, qu‘aucun ne pourra effleurer sans s‘y laisser bercer. Une rencontre en profondeur, éclaboussé d’une ivresse qui jamais ne nous quitte et que l’on peine à oublier. Aspiré dans cette musicalité, qui se joue de sonorités apaisantes et harmonieuses qu’inconsciemment nous renvoie à l’étreinte maternelle d’un ventre qui nous a façonné. Chambre silencieuse, berceau d’amour et de douceur, trouvant en notre sommeil la cadence de la vie. Qu’à son terme l’on est vu Haendel édifier son « Messie », apporte à l’existence une contemplation si délicieuse que l’on souhaite y succomber. Mais tout autant que peut nous percuter le redoutable «A Dark Night », vient en cette tempête la volonté de s’élever. Si l’on veut comprendre au mieux ce qui définit une telle création, il faut avant tout isoler les partitions du film en adjoignant à la raison ce que le cœur en pense. L’étoffe qui pare un Bruchner ou un Tchaïkovski culmine à un sommet bien plus ensoleillé, et là où règne les splendeurs éternelles viennent souffler des symphonies qu’aucun ne peut prétendre entendre sans évoquer le vol d’un aigle qui sait que ces hauteurs ne sont point un obstacle. L’influence Zimmerienne est désormais au point culminant, les cieux rayonnent d’un nouvel éclat et l’on voit à cette étincelle l‘hymne d‘un homme glorifier ses frères. Au règne qui vient, les trompettes et les violons s’élancent en célébrant un temps qui se veut plus sombre. Les champs élysées appellent ses héros, soufflant l’éloge de leur gloire et recueillant ce que l’homme peut apporter de mieux, elle les accompagne d’un hymne sacré que Dieu à voulu résonner par le talent de l’un d’entre eux.
Antoine Carlier Montanari