Michel Cicurel (2)
On s’étonne parfois, à la lecture de certains journaux plutôt tièdes, que des articles puissent dire la vérité avec la vigueur de celui qui le dit habituellement et qui se fait dénigrer pour l’avoir dit. « La crise est devant nous », voilà l’article que j’honore en ce jour, celui de Michel Cicurel. Pourtant, par le passé, la faiblesse de certains de ses discours ne m’avait pas rassuré sur le personnage. Il serait superflu d’ajouter que son impuissance à évoquer les coulisses de manière à expliquer les conséquences désastreuses de la crise m’avait permis de dénigrer le personnage comme l’est le banquier ou le marchand au temps des rois*. Mais ici il semble devenu apte à discerner la vérité de l’erreur, à porter un raisonnement fiable et clair, précis aussi. Cela peut paraître troublant pour cet homme du sérail, la facilité avec laquelle il déploie ses opinions me permet de penser que l’élite pourrait vouloir faire savoir certaines choses. Il serait prudent de ne pas tirer certaines conclusions sans évoquer la part d’orgueil qui habite en chacun de nous, qui se fait souvent plus présente chez ceux-là même qui occupent les places d’honneur. Quand on examine de près ces hommes-là, bien plus capables que nous de garder un secret, on constate que leurs convictions sont toujours alimentées par le besoin d’en avoir toujours plus. Pour cela ils ont besoin de nous, oui besoin de nous pour qu’ils se considèrent toujours au-dessus de quelque chose. Du moment que l’on reste à notre place, ils gardent la leur et pour qu’ils l’a garde il faut qu’ils s’assurent que rien ne viendra nous élever. Leur but étant donc de toujours diriger, ils feront en sorte de conserver leur pouvoir. Mais s’il vient un évènement susceptible de les déloger, comme l’épouvantable élection en Italie, notons ici l’aveu, car ici ce sont ses mots, ils vont alors mettre à nu les conséquences afin d’éviter qu’on les leur attributs. Ce trait se retrouve chez beaucoup d’hommes, en faisant cela ils peuvent obtenir reconnaissance sur le fait d’avoir dit la vérité. Echappant ainsi, peut-être, à une sorte d’inquisition, l’on pensera à tort qu’ils sont dans le camp des justes. Oui, Michel Cicurel explique avec gravité la situation actuelle, il ne cache rien des maux et des difficultés du moment et encore moins des moyens désastreux utilisés afin d’enrayer cette crise. L’homme est lucide, alerte dans son énumération des causes et presque louable pour sa capacité à repérer les erreurs commises. Je dirais bien que son acuité fait aujourd’hui défaut à bon nombre d’observateurs et s’il m’est permis de le féliciter ainsi c’est pour ces petites phrases que l’on entend assez rarement et qui font ici office de révélation officielle: « Ce tango mélodieux touche à sa fin…Et le monde est en risque….Les grandes menaces demeurent : celle de l’éclatement de l’euro, celle de l’effondrement du dollar et celle du Krach obligataire sur les deux rives de l’atlantique. » Aussi cette phraséologie technique n’en demeure pas moins très théâtrale en donnant l’image du chaos et d’un éventuel fin de cycle. Mais il sait également user de termes plus populaires, plus propice à séduire l’oreille des foules comme : « Une épouvantable élection en Italie…en émettant de la monnaie de singe… en Europe les Etats-providence leur ont fourni la drogue… une planche à billets à bout de souffle… le Japon n’en finit pas de sortir du coma… Mais partout, les populations, réclament « encore un instant M. le bourreau. »… Et les Italiens qui portaient Mario Monti aux nues au gouvernement lui ont coupé les ailes dans les urnes. » . Ici se joue donc un drame sombre, tous les faits historiques pourront être évoqués pour rappeler au spectateur que rien de nouveau est en train de se jouer, seul les acteurs ont changé. Il est important de dire, que le narrateur parle avec détermination, ses mots s’alignent habilement, avec clarté et vivacité. Michel Cicurel signe là un article salvateur pour tous ceux qui dans les hauteurs pourraient agir en le considérant. Car ici c’est bien la constatation qui frappe, la façon dont elle est exprimée, sans détournement, les faits sont énumérés sans volonté d’en réduire les effets. Le panorama n’est donc pas idyllique, il impressionnera le fidèle lecteur du Figaro, plus habitué à l’art de la tranquillité, mais si celui-ci aime à entendre Pierre Jovanovic, Max Keiser ou Olivier Delamarche il pourra continuer à lire son journal préféré en sachant que de temps en temps, il lui fera constater l’ampleur de la crise.
Antoine Carlier Montanari (commentaire suite à l'article de Michel Cicurel paru dans le Figaro du 07/03/2013, intitulé "La crise est devant nous".)
*Marion Sigaut "comprendre les lumières"