Ecrit Epistolaire (13): Sur La Nécessité De La Joie
La liberté est un appel puissant de l'être à l'émancipation, à vrai dire une véritable nécessité qui d'elle même forme pour l'âme le bien le plus significatif. Quelles que soient les motivations et les dispositions intérieures, elle demeure le suprême désir. Kant nous raconte que la loi morale nous instruit de ce ravissement, c'est par ce jugement de valeur que l'âme veut tendre vers cette condition. Même s'il n'en connait pas la substance, la nature n'en montrant aucun effet, le déterminisme étant maître de toutes choses, la liberté est une notion qui se détermine par la croyance. Une infinité de lois régissent le monde, autant de phénomènes qui obéissent à des contraintes et des cycles remarquablement proportionnés, nous pouvons contempler dans chaque mouvement, dans chaque proportion, dans chaque transformation une organisation savament disciplinée. Si l'universalité des choses est soumise aux notions d'espace et de temps et que ces dernières se mesurent par leurs effets sur la conscience il devient vite évident que l'être qui en prend acte comprend que le moteur qui instruit tout cela répond à des lois précises et rigoureuses. Cette force exterieure ne décide pas, elle s'applique simplement à répondre à sa nature quand à celle de l'homme, qui désire ardamment s'émanciper des lois qui le contraigne n'en demeure pas moins, à ce moment là, soumis à une autre loi qui est celle de sa chair. L'homme rève de cette liberté idéale sans maître, qui le place dans un paradis de délices où aucune contrainte ne vient porter ombre à sa joie. Cette condition sans chaînes incline l'âme vers le souvenir du paradis perdu, ainsi l'homme désire tout autant et intimement retrouver cet état comme s'il était resté le même qu'au temps d'Adam et Eve. Mais sa misère et sa nature perverse l'aveuglent du véritable état qu'il faut pour retrouver cette demeure, la pauvreté, la faim, la fatigue, la douleur, la souffrance et la mort l'emportent si aisément qu'il finit souvent par se remplir de haine et de désespoir. Ces chaines deviennent ainsi de redoutables maîtres, au milieu de ces ténèbres il finit par tomber dans une amertume si profonde qu'il finit par se ôter délibérément la vie. Pourtant la vie est belle, ce film de Franck Capra tisse habilement l'aveuglement spirituel et relaye parfaitement ces quelques lignes de l'imitation de Jésus Christ: C'est une suite de la misère humaine d'être le jouet de ces imaginations et la marque d'une âme encore faible, de céder si aisément aux suggestions de l'ennemi. Car peu lui importe de nous séduire et de nous tromper par des objets réels ou par de fausses images, et de nous vaincre par l'amour des biens présents ou par la crainte des maux à venir. En effet, George, joué par James Stewart dans le film, s'aperçoit par la grâce divine ce qui aurait pu arrivé s'il n'avait pas existé. Ce qu'il voit est mille fois pire que sa situation qu'il pensait désespérée. Certains maux nous submergent si facilement qu'on croit impossible de s'en défaire, puis s'il vient un malheur plus redoutable on réalise que le précédent n'était pas si terrible, l'ordre des choses s'éclaire et nous conduit clairement à prendre du recul sur les évènements. George retrouve ainsi sa condition et avec une sagesse renouvellée il reconsidère ses maux comme autant de faits sans puissance. L'existence actuelle des choses ne peuvent profondément apaiser le coeur de l'homme, elles sont toutes autant de potentielles divinités que l'on contemplera pour satisfaire son orgueil. La multitude des biens, dans leur essence, leur aspect, leur valeur, leurrent toute appréciation humaine, entrainant par leur apparente nécessité un encombrement de la conscience. Celle-ci bien lourde, ne peut s'extraire radicalement des composantes terrestres et proclamer hautement les vertus libératrices de l'esprit. Etre libre c'est une disposition de l'âme, c'est être léger, assurément vous trouverez des hommes riches, gonflés d'eux même, tristes et perfides puis vous trouverez d'autres hommes moins honorés par les richesses qui vous donneront tout ce qu'ils possèdent. Charles Dickens à travers son personnage de Scrooge, illustre cette considération, ainsi George comme Scrooge parviennent à se libérer quand il apprennent la vérité. Cette pleinitude qui étreind le coeur bouscule tout, ils n'ont plus peur, cette grandeur les élève et en même temps les fait dépasser leur condition. Ce qui nous rend heureux nous rend libre, celui donc qui veut rester libre doit garder en lui la véritable joie, la paix du coeur, elle seule peut nous faire oublier les divers maux qui nous accompagnent. Il faut donc imaginer Sisyphe heureux, ainsi comme le croyant l'homme peut echapper à l'absurdité de sa situation, il s'émancipe, se libère et progresse comme le Christ sur le golgotha.
Antoine Carlier Montanari