Ecrit Epistolaire (5): Savoir Faire
Monsieur le Maire,
Si au seuil de cette démarche je me veux grincheux, cela restera cependant convenable à l'oreille ouverte. Je ne peux effectivement resté insensible aux dérapages de la modernité qui sans retenue pourfend la tradition au profit de la productivité. En effet après la fermeture de Thevenot, artisan maître chocolatier située près des bruyères, je me suis aperçu que notre chère bonne cité s'était dépourvue d'un excellent savoir faire. A considérer qu'au départ fort regrettable de Cartier il y a quelques années, cet artisan pâtissier avait également laissé un grand vide. Nous pourrions nous satisfaire des boulangeries d'aujourd'hui mais au regard d'une ville bien nourrie, il faut comprendre ce qui la rend si bonne. Qu’un pain quotidien qui apporte aux années le meilleur des bénéfices, fruit du talent et de l'amour, a apporté aux générations successives de français une rassurante consistance, les rendant honorables aux yeux du monde. De plus affublé d’une langue savante qui a vu naître les plus grands écrivains, l’on peut se satisfaire d’une gastronomie des plus délicate. Il n’en demeure pas moins que l’esprit français est un don, qui vit chez l’écrivain, le viticulteur, le fromager et le boulanger, pour ne citer qu’eux, et qu’en maîtres qu’ils sont, donnent à l’homme sa mesure la plus profitable. Il ne reste donc qu’à l’esprit soucieux de ce mode de vie de convenir qu’au jour qui est le nôtre, notre bonne ville s’en détache petit à petit. A l’homme qui gère la vie des autres lui incombe de ne pas l’oublier afin que demain ne l'affuble pas d’une médiocrité qui rendra ses enfants inaptes à la grandeur. Perdre ainsi autant de saveur en ce temps rendra caduque les efforts consentis ailleurs. La démarche propre à l’homme juste est de conserver ce qu’il y a de mieux en lui et de rejeter ce qui pourrait l’affadir. A ces mots qui soulignent le regret de se voir dépourvu d’hommes et de femmes qui par leur talent donnent ce qui ont de meilleur, je rend témoignage d‘une pensée qui ne veut perdre ses racines. Les Lilas ne demeureront plus pour longtemps une terre de richesse si aux enseignes qui s’installent ne prévaut plus la qualité.
Antoine Carlier Montanari