Lady Gaga : Chronique (3)
Tout est entièrement suspect chez cette demoiselle, si tout n'est pas dû au ministère du diable, il reste cependant l'auteur d'une grande partie. Il en résulte des significations que certains trouveront inutiles et d’autres hors de propos, et je conviendrai que la valeur de mes mots, surtout sur un tel sujet, puisse entraîner de la désapprobation. Mais ce que je veux dire c'est dire plus qu'il en a déjà été dit, car il est vrai que sur cette demoiselle les critiques sont rarement poussées. On attribuait autrefois aux sorciers, aux sorcieres, aux chefs de certaines tribus, des sortilèges, des incantations, des danses et d'autres rites étranges, on savait également que le diable seul pouvait en être le véritable auteur. On connaissait les vrais possédés, ceux qui quelquefois crachaient toutes sortes d'objets par la bouche, roulaient des yeux et gesticulaient comme des êtres à demi mort. Il semble que notre demoiselle se contorsionne de la même manière, de revers, de côté, se tord le bassin, les pieds et les jambes et pousse sur les talons de sorte à élever la poitrine et à arracher du corps une sorte de spasme. Encore que rien ne s'apesantisse, elle ne se raidit jamais et sans effort elle courbe le dos et les membres et du bout des lèvres et de la langue fait devenir pierre l'âme qui la possède. Comme si rien ne lui était arrivée, elle gonfle les jambes, les cuisses, le ventre, les seins, dilate la gorge et agite les cheveux, tout cela en ricanant, en chantant avec une aisance arrogante. Elle raille pourtant, défie aussi, se dit monstrueuse , succube pourra-t-on dire, les gens l'ayant considérée comme dégénérée, elle n'a point de malaise à exposer sa forme comme elle le fait. C'est en elle que tout est tapi, quelque chose qui appartient aux êtres plus sensibles, plus fragiles aussi, raffinés parfois, il n'est pas difficile de percevoir la souffrance de sa nature. Pour mieux qualifier ce qui la transfigure et qui apparaît aux yeux de tous comme les divagations d’une icône populaire, l’on cherchera les raisons de ses exagérations. Il ne faut point croire que ce qui transpire au premier abord ne soulève point quelques subtilités, certaines d'ailleurs valent le détour, du moins du point de vue idéologique. L’homme est édifié pour sa vigueur physique et dénudé de ses attributs moraux. La posture politique est ici repris par les codes et les symboles de la mode, où les postures sexuelles semblent nourrir des liaisons inversées ou viciées. L’homme n'est plus le pilier familial, le père de famille ou le chef, son corps est ici bandelé, agité, fantasmé, renversé, à genoux parfois avec des effets apparamment sauvages, on dirait une marionnette qui tourne en rond sans savoir où elle va. Des fois, en multitude, on les voit ramper, tordre les mains et renverser la plante des pieds de sorte que les extrémités forment avec le corps des signes étranges. Demeurant comme des bêtes, il ne leur ait permis que de lécher la chair et la terre, un rite, plus même, les démons ont provoqué toute cette transe et après quelques efforts dans ces corps ils psalmodient continuellement afin de marquer leur possession. Ainsi la demoiselle agite sa troupe, c'est une reine, une sorcière, invitant à ses banquets les plus belles jeunes femmes, leurs âmes aussi. Elle se frotte les cuisses, d'autres parties du corps aussi, sur un taureau, un veau, un chien, un bouc, c'est pareil, là elle invite le serpent, allume des torches et plante en terre une honteuse pique. Une messe noire, un sacrifice, on se croirait sur les bord d'un vieux fleuve africain. Semblables cérémonies avec les mêmes blasphèmes, les mêmes désirs, des paroles remplies de toutes sortes de convoitises, de désirs, passent en boucle sur les écrans. Ces pauvres petits enfants, ces jeunes adolescents sont sous le charme, danses, chants, sortilèges, effets, ils n'ont ensuite d'autres but que de l'imiter. C'est là un art dit-on et en raison de son immense succès on ne voit pas pourquoi on procèderai autrement.
Antoine Carlier Montanari