Artiste Gaga: Martin Galéa (8)
Ô malheur ! Voir de cette façon, sans imitation de la beauté, comme une rivière d’eau sale qui outrageusement ravage la rive, déchire honteusement mes sens ! Je rendrai bien à ces cadavres, à ces dessins cruellement tracés toute leur frayeur ! Je ne leur accorderais point les louanges du Parnasse et les refoulerai comme des maudits en enfer ! Martin Galéa irrite ses traits et ne lâche rien qui apprendrait aux hommes à fixer les sommets ! Oui, je le dis avec conviction, les belles armes d’airain arracheraient au sable de bien meilleurs figures et leurs pointes, plus prompte à ensanglanter la chair, m’auraient d’avantage tracer la folie humaine ! C’est là, comme cela, qu’auprès des vertèbres se creuse le néant, se hâtant même d’emporter avec lui ses compagnons les plus sournois ! Je supplie alors mon âme, à genoux, que ces formes malades ne traînent pas leur cadavres jusqu’à ma porte ! Il s’agite, pousse son crayon comme un fou, comme un homme sans mains qui tente de peindre pour la première fois avec la bouche ou les pieds. L’artiste traîne sa tête dans la poussière, lèche la terre, souille ses cheveux et crache désespéré, sans aucune pitié ! Oui, il engendre ruine et désolation, abondamment nourri de maux et de misère, annonçant de sa funeste demeure que rien de beau ne parcourt ses doigts ! Venez voir, venez voir comment défaille l’esprit, le malheur ici menace bien le regard et accable fort lamentablement le talent ! Mais si l’un d’entre vous en est rassasié, qu’il saisisse au moins le lugubre esprit qui en est le maître, car l’âme de ce malheureux est forte épineuse ! Commandez-lui la nef d’un grand vaisseau s’inclinant sur une mer agitée, où gémit la tribu d’Akhilleus qui en rangs serrés appellent Poseidaôn à la barre ! Là, comme ceci, vous verrez si Martin Galéa est digne de louange ! Car moi, j’ai le plus grand souci des maîtres, mes chers compagnons, qui s’ils eurent vu de leurs yeux le soleil, ont eu au moins pour le reste de leurs frères la prétention d’en laisser un témoignage, cela est digne de louange !
Antoine Carlier Montanari