Artiste Gaga: Fabienne Verdier (9)
Je regarde, je regarde ce que fait Fabienne Verdier et j’attends, j’attends à mon insu que vienne les effets de la beauté ou du moins l’embrasement que procure une œuvre d’art sur l’âme. J’attends toujours, ma respiration s’affole et rien ne semble arrêter les effets de cette occupation des murs. J’étouffe à moitié et me rends compte que ce n’est pas là que je verrai l’art vivre à plein poumon. Il m’a fallu sortir, mais avant, avant que ne vienne cette envie pressante de retrouver le grand air, j’ai identifié l’artiste et son modèle. Ah ! Ce redoutable désir féminin de plaire, où est-il que je le vénère pour satisfaire ma patience et rendre ainsi grâce, comme je le fait avec Tamara, Berthe ou Séraphine, du talent qu’elles savent générer quand elles ne le font pas avec leurs atours ? Me montrer ainsi, nous montrer ainsi un héritage, celui des flamands, avec si peu d’entrain, si peu de force et surtout si peu de révérence que très vite agis comme le ferait un grand bol de café, l’excitation ! Je commençais donc à me demander, pour mieux expliquer cette peinture, ce qu’il convenait de dire pour ne pas être ridicule dans l’usage des mots qui devront faire part de mon impression. A propos de mon état de faiblesse, en sortant, presque nauséeux, pourra paraître absurde mais l’état dans lequel j’ai sombré est certainement dû au fait de ma très grande sensibilité, qui ne me préserve jamais lorsque je suis confronté au mauvais plagiat, parfois d’ailleurs, au Louvre, mais c’est plutôt rare, le talent incertain de certains copistes me fait le même effet. Normalement, pour une personne normale rien de tout cela n’engagera un tel pronostic, mais là je puis dire, que le divan ne pourrait suffire à exorciser ce trouble ! Pourtant je me redressais, me disais à moi-même que le divan était fort agréable, je me suis donc pris au jeu de tout vous dire. C’est vrai, je commence à me sentir mieux maintenant, comme après avoir bu une bonne camomille ou avoir vu une de ces toiles de Matisse qui évoque si admirablement les fonds marins. Fabienne Verdier est comme une météorite qui percute une planète et lui enlève une riche parcelle pour s’en aller s’écraser sur une autre, dire cela, comme cela, me parait approprié. Comment peut-elle être si sûr de ce qu’elle fait, d’exposer dans ce grand palais et ne rien désirer d’elle qui soit le meilleur d’elle ? Je suis dépassé et je ne peux rien contre cette espèce, d’ailleurs trop présente, ni surveillée, ni reprise, qui comble d’admiration les politiques, les banquiers et parfois même le public. C’est comme cela aujourd’hui, dans ce si peu il y a du grandiose, du moins c’est ce qu’ils pensent, c’est ce qu’ils veulent et qu’ils veulent imposer, mais l’imposer là où est le superbe comme la pyramide au Louvre, les colonnes de Burren au Palais Royal, dans ces écrins précieux car c’est là qu’est la lumière, la lumière qui transformera instantanément leur création. Insensée pensée, médiocre doctrine, méfiez-vous public, de cette gageure car elle fait passer le loup pour un agneau et le véritable objet de leur cinéma est de tromper sur la nature de leur œuvre. C’est ahurissant, cet art industriel, très productif, trop productif pour être en crise, est cependant, dans sa réalité physique, identique aux logos des grandes institutions commerciales. Ainsi, si vous avez l’œil grand ouvert, il ne sera pas difficile de trouver chez notre artiste les même figures, les mêmes couleurs, les mêmes symboles que dans une quelconque zone commerciale. Si je dis cela, comme cela, c’est que cet art n’a pas d’emprise sur moi, il ne m’élève pas comme le ferai si bien un Raphael, un Blake, un Kandinsky ou un Cézanne. Dans une sorte de démonstration partielle, les formes de madame Verdier, les plus banales, les plus simples proclament, par une série de vue, leur rapport aux maîtres flamands. Il y a là quelque chose de gênant, ces abréviations prisent par ci par là, sur des chefs d’œuvres, deviennent des lignes saoules et maladroites qu’on aurait pu tracer après avoir bu une bouteille de rhum. Ce pouvoir qui débauche le vrai et le beau, faisant plus de tort à l’artiste qu’à l’art, poussent aussi facilement que les ronces. C’est toujours pareil, une multitude de formes en tous genres fascinent toujours les esprits lorsqu’il s’agit de peinture mais jamais lorsqu’il s’agit de cinéma ou de littérature. C’est dire ce qu’est devenu ce médium, il ne nous viendrait jamais à l’idée de singer le Messie de Haendel de la sorte sans passer pour un idiot ou une idiote!
Antoine Carlier Montanari