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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

08 May

Un Livre Que J'ai Lu (152) : Du Péril De L'ignorance (Victor Hugo)

Publié par Alighieridante.over-blog.com

 

 Que dire de ce discours de Victor Hugo prononcé devant l'Assemblée constituante le 10 novembre 1848, sinon qu'il est porté par une éloquence que l'on devine surgir de sa volumineuse cage thoracique qui a suspendu au dessus de Paris, sur sa charpente la plus élevée,  un certain Quasimodo dons la bosse dans le dos devait être le stigmate d'une croix bien lourde. Hugo cible le budget rectifié qui a baissé ses crédits accordés aux sciences, aux lettres et aux arts et qui, toujours selon Hugo, fera écrouler l'édifice social. Hugo est très attaché à l'institution en tant que chambre d'écho du savoir qui perpétue aussi fidèlement que possible un passé glorieux. Hugo enracine donc son discours dans le coffrage étatique, en défendant les corpus officiels qui solidifient intellectuellement la France. Il cite, je cite (ici),

  • Le Collège de France,
  • Le Muséum,
  • Les bibliothèques,
  • L'école des chartes,
  • L'écoles des langues orientales,
  • La conservation des Archives nationales,
  • La surveillance de la librairie à l'étranger,
  • L'école de Rome,
  • L'Ecole des beaux-arts de Paris,
  • L'Ecole de dessin de Dijon,
  • Le Conservatoire,
  • Les succursales de province,
  • Les musées des Thermes et de Cluny,
  • Nos musées de peinture et de sculpture,
  • La conservation des monuments historiques,
  • Les facultés des sciences et des lettres,
  • Les souscriptions aux livres,
  • Les subventions aux sociétés savantes,
  • Les encouragements aux beaux-arts

 Toutes ces institutions civilisatrices, nous dit Hugo, sont les branches armées de la pensée française. En remettant en cause les fonds nécessaires à leur bon fonctionnement, le politique fait une faute grave nous dit Hugo, il freine le bon développement de la pensée française et par extension l'œuvre civilisatrice de la France. En effet, l'instruction, l'érudition et l'éducation seront alors ralenties dans leur élan civilisationnel et l'ignorance accroitra les possibilités d'effondrement moral tout en offrant aux doctrines nuisibles, voire létales, de se frayer un chemin dans les esprits. Hugo pointe alors ouvertement le communisme qui n'est dit-il, qu'une forme de l'ignorance. C'est du sophisme ajoute t-il, le communisme extirpe de l'individu la foi dans le ciel pour le mener à la félicité matérielle. Ce matérialisme est le grand vainqueur de notre temps et cette nouvelle vision du monde se propage à l'image de ces éclairages qui équipent les villes pour que la nuit ne les enferme pas dans ses ténèbres. Mais Hugo rappelle que cette nuit guette aussi les consciences et que si rien n'est fait pour tenir allumé les flambeaux de l'esprit, les tendances matérielles donneront aux corps et ôteront aux âmes. 

 Il faut donc ôter au corps et donner à l'âme sans ôter au corps les bienfaits matériels qui améliorent l'existence. Hugo pourchasse l'idée que le pain du travailleur doit être jumelé au pain de la vie et au pain de la pensée qui est aussi le pain de la vie. Notez l'adverbe "aussi" qui renvoie au pain de la vie qui n'est autre que la Sainte Hostie qui, dans cette France encore bien catholique, est, devant le maitre autel, posé uniquement sur chaque langue par le prêtre en surplis à rochet. Hugo, n'en déplaise aux progressistes et aux athées, avoue que la grande erreur de son temps, a été de détourner l'esprit du bien-être religieux et du bien-être intellectuel pour le pencher vers le bien-être matériel. Car de ses trois bien-être, le dernier est celui qui n'est partagé qu'entre quelques-uns tandis que les deux premiers peuvent-être donnés à tous. Victor Hugo est cet esprit qui anima dans ses misérables l'esprit du bon Monseigneur Myriel qui pénétré de charité chrétienne offrit plus que ses chandeliers d'argent au malheureux Jean Valjean. C'est pourquoi il recommande, devant l'Assemblée constituante, de relever l'esprit de l'homme, de le tourner vers Dieu, vers le beau, le juste, le vrai, le désintéressé et le grand, et c'est là une grande mission dit-il.

 On peut pour compléter et clore cette fiche de lecture, et pour satisfaire le lecteur insatiable, évoquer l'ouvrage de Mark Twain (ici), qui narre la rencontre de l'esprit des lettres avec celui de la politique. En effet, il y a une dimension politique de l'œuvre de Mark Twain et dans ce petit ouvrage nommé "Moi, candidat", l'auteur de Tom Sawyer s'insurge contre la capacité des hommes politiques à tourner leur veste. En cela, le discours de Victor Hugo devant les membres de l'Assemblée constituante vise à les faire changer d'avis sur un budget discriminant les sciences, les lettres et les arts. A l'aube de ce que l'on appelle la démocratie, Victor Hugo et Mark Twain témoignent en réalité qu'un tel type de régime est bien trop tributaire du nombre, lequel, au regard de la multitude d'avis et d'opinions possible, est donc sujet aux variations émotionnelles du moment et à toutes sortes de pensées déréglées à la mode qui flattent l'esprit devancier et celui de l'opportunisme. Etre démocrate c'est faire triompher le Parti et le parti-pris sachant que chaque parti politique à sa propre vision de la vérité, il y aurait donc autant de vérités que de partis, à ce jeu la démocratie est le lieu non pas de la recherche de la vérité mais de la division de la vérité. L'esprit moderne qu'engendre la démocratie, considère que la grandeur réside dans ce qui est dernier. Et nous verrons prochainement, avec ce petit ouvrage de Matthieu Giroux sur Charles Péguy (ici), comment cet esprit moderne qui est un esprit immanent, se distingue par son caractère monolithique qui appauvrit la compréhension de la réalité. Sans s'étaler et pour laisser à cette futur fiche de lecture le soin de nous le conter, l'esprit moderne a fait de l'argent un maitre sans limitation ni mesure et Victor Hugo en réclamant l'augmentation du budget dévolu aux sciences, aux lettres et aux arts ne fait que confirmer la chose.

Antoine Carlier Montanari

 

 

 

 

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