Un Livre Que J'ai Lu (129) : La Civilisation Du Poisson Rouge (Bruno Patino)
Ce livre nous plonge dans les coulisses de cet empire du numérique qui désormais hypnotise une bonne partie de l'humanité en enrichissant une toute petite partie, une autre partie, dont les proportions sont encore à définir et dont j'estime appartenir, en profite convenablement. L'auteur, Bruno Patino, directeur éditorial d'Arte France, non sans ironie, a rassemblé les informations les plus intéressantes et surtout les plus inquiétantes concernant le déploiement à grande échelle de ces technologies du numérique. Beaucoup de lecteurs se doutent des dangers associés au numérique et peu réalisent exactement les effets négatifs qui sont justement bien connus des entreprises qui dirigent ce marché juteux. Dans l'ouvrage "777" (ici), Pierre Jovanovic relie l'augmentation de la violence avec celle exposée dans les programmes télévisuels. Les études relevées par Pierre Jovanovic n'en sont pas moins déconcertantes tant elles montrent que le temps accumulé dans une vie à regarder des spectacles violents est impressionnant. Ajoutez à cela les jeux vidéo catégorisés violents et gore et vous obtenez un concentré de négativité qui ne va pas arranger les choses. Quoi qu'il en soit la lecture de l'ouvrage de Bruno Patino vous mettra de sérieux doutes quant aux prétendus bonnes intentions de ceux qui dirigent cet univers en formation.
Les ingénieurs de Google se sont penchés sur le temps réel d'attention du poisson rouge et sur le temps d'attention de la génération des Millénnials, c'est à dire ceux qui ont grandi avec un écran tactile au bout des doigts (p14). Le temps réel d'attention du poisson rouge est de 8 secondes, après ces 8 secondes il remet à zéro sa mémoire. Concernant les Millénnials, leur capacité d'attention est de 9 secondes. Au-delà de ces 9 secondes ils s'impatientent. Pour les ingénieurs de Google ces données vont déterminer une politique de captation des esprits. Car si les Millénnials sont devenus des poissons rouges contraints à tourner en rond dans le bocal de leurs écrans (p15), ils vont servir de cobaye pour les besoins du marché. Google a donc compris que la ressource la plus précieuse est le temps de chacun. Ces 9 secondes vont donc constituer une part de temps à conquérir et à transformer en une part de temps plus grande. Ces 9 secondes vont être employées afin de grignoter le temps restant de l'individu. Google entend donc maintenir les individus connectés presque perpétuellement.
Une étude du journal of social and clinical psychology a évalué à 30 minutes le temps maximum où l'exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d'internet devient néfaste pour la santé mentale (p16). Ainsi l'informaticien britannique, Tim Berners-Lee (ici), qui contribua grandement à l'élaboration du Web, n'est plus du tout en phase avec ce qu'est devenu le net. La nouvelle philosophie numérique s'est émancipé des préceptes initiaux inspirés par le célèbre prêtre jésuite français, Pierre Teilhard de Chardin (p16). Le numérique est devenu un vaste empire qui capitalise sur l'addiction. Les nouvelles doctrines de sensibilisation sont produites par le marché de l'attention qui élabore des algorithmes d'affaiblissement des défenses immunitaires psychologiques tout en générant des stratégies d'incursion mentales qui hystérisent les synapses. L'affaiblissement de l'esprit critique et le brouillage du bon sens font partis des objectifs de déstabilisation de l'individu afin de le maintenir le plus longtemps possible dans son bocal numérique.
Plus précisément, le smartphone, précise Bruno Patino, a cette particularité de troubler le sommeil en agissant sur les cellules ganglionnaires à mélanopsine de la rétine et qui lors de l'assoupissement, donnent, au moment où le jour commence à se lever, l'ordre de se réveiller (p19). Je m'explique, la luminosité bleue des LED de l'écran est amalgamée par les cellules ganglionnaires à la lumière blanche du jour. Le smartphone, la nuit, posé sur la table de chevet, agit malgré son propriétaire en lui envoyant les mêmes impulsions qu'il reçoit durant la journée. Ces impulsions hameçonnent l'esprit pendant son sommeil en lui transmettant des signaux d'avertissement qui excitent sa curiosité. Pour les hyper connectés, la nuit devient alors non plus un temps de récupération mais un temps d'éloignement forcé et qui selon le degré d'inquiétude lié à la possibilité de manquer une information, une notification personnelle ou encore un scandale, produit une panique existentielle. Pour les ingénieurs de GOOGLE, ces hyper-connectés qui peuvent passer jusqu'à 5 heures par jour sur leur smartphone (p21), sont véritablement des poissons rouges. Si on additionne à cette addiction spécifique celles des jeux vidéos on peut atteindre une durée de 8 heures par jour. Cette soumission au numérique permet au marché des nouvelles technologies domestique de prospérer outrageusement. Bien à l'aise avec cette captation des existences, les géants du numérique ont développé chez les consommateurs un phénomène d'addiction qui se nomme l'assuétude. L'assuétude est une dépendance complète à une drogue et cette assuétude entraîne des fragilités mentales qui sont l'anxiété, la schizophrénie de profil, l'athazagoraphobie et l'assombrissement (p25). L'athazagoraphobie est la peur d'être ignoré par les autres ce qui conduit à consulter son smartphone dans l'espoir d'obtenir quelques affections de la part d'autres internautes via les options de participation que sont les "j'aime" et qui lui permettent de penser qu'il n'est pas un individu médiocre. En ce qui concerne la quatrième pathologie mentale, à savoir l'assombrissement, celle-ci est une prédation numérique qui fait de l'internaute un chasseur d'identité et qui par ses capacités d'intrusion dans la matrice, révèle au grand jour les traces de vie cachées de sa victime (p27). Cette obsession est grandement encouragé par les moteurs de recherches qui sont devenus en réalité à la fois des spécialistes de la surveillance et des pisteurs chevronnés. La facilité avec laquelle les millénials surfent sur internet est essentiellement lié au fait que les applications ont été pensées spécialement pour eux. Ils ne se rendent pas compte que les ingénieurs ont conçus des applications pour des poissons rouges. L'intuitivité adolescente est le principal axe sur lequel s'élabore la fonctionnalité des applications.
Pour expliquer l'addiction que produit le numérique, il faut remonter à cette expérience produite en 1931 dans le laboratoire des sciences du comportement de Harvard (p29). En effet un rongeur est placé dans une boîte vitrée dans laquelle est fixé un bouton-poussoir qui lorsqu'il est actionné fournit au rongeur de la nourriture. Quand le rongeur finit par comprendre le mécanisme de consommation, il en use alors que lorsque la faim se fait sentir. Cette expérience montre combien une machine peut conditionner son utilisateur dès lors qu'il en a compris le fonctionnement. Dans l'expérience suivante, la quantité de nourriture varie à chaque pression sur le bouton, et parfois aucune nourriture n'est offerte. La variabilité de la réception de nourriture pousse le rongeur à s'acharner sur le bouton-poussoir par crainte de ne plus en recevoir. Le rongeur est alors comme envoûté par le mécanisme, il ne cesse de réclamer de la nourriture pour être certain de ne pas en manquer. Cette variabilité est la même qui anime les machines à sous dans les casinos. Le fait de l'incertitude déclenche un biais comportemental (p31) qui assujettit le rongeur non pas à la nourriture mais au moyen d'obtenir cette nourriture. Quand l'obtention de nourriture est irrégulière, l'organisme produit le besoin irrépressible de poursuivre la lutte avec le mécanisme, la machine à sous qui est basé sur ce principe, et qui a remplacé la nourriture par de l'argent, produit alors sur le joueur une addiction proportionnelle à la valeur du gain obtenu.
La compréhension de ce comportement permet aux entreprises du numérique d'améliorer leurs performances. Ainsi la servitude psychologique va devenir une stratégie de domination pour la Silicon Valley qui pendant qu'elle sous-traite ses lignes de programme à l'Inde, embauche des psychologues. La récompense aléatoire est une excitation qui offre de la satisfaction immédiate, si bien que l'individu produit cette molécule de plaisir qui se nomme la dopamine (p34). C'est le processus qui mène à l'addiction, l'individu moyen se voit ainsi pris en charge émotionnellement et conduit tout naturellement à la volonté de produire de la dopamine pour oublier sa condition d'homo sapiens sapiens. L'addiction est donc une dépendance à la dopamine. De là, le plus court chemin pour en obtenir est l'abandon de la charge décisionnelle puisque celle-ci est un frein à la production de dopamine, l'effort intellectuel que nécessite chaque prise de décision est bien trop pénible. Le plaisir immédiat nécessite donc de sous-traiter la part décisionnelle pour gagner du temps sur la route de la dopamine. L'individu ressent donc le besoin d'augmenter les doses de dopamine et c'est comme cela qu'il glisse doucement vers l'assuétude, c'est à dire l'addiction. Cette assuétude (p24) finit par monopoliser la pensée en la faisant désirer obtenir ces taux de satisfaction que produisent les doses de dopamine.
L'impatience va donc s'accroître et réduire le temps d'attention de l'individu à 9 secondes, les géants du numérique vont donc s'adapter à cette temporalité en y incrustant des stimuli qui vont entraîner l'individu à cliquer sur des propositions supposées plus excitantes et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il se perde dans l'immense galaxie virtuelle. Les géants du numériques ont également adopté tout un tas de sollicitations comme le "j'aime", le "j'aime pas", le "partager" , le "signaler" ainsi que des symboles faciaux de représentativité affective, appelés émojis, et qui permettent à l'individu d'exprimer facilement son humeur du moment. Ces sollicitations accentuent le sentiment démocratique et permettent aux réseaux sociaux de se positionner comme des instituts de sondage en temps réel - si bien que les publicitaires, moyennant finance, peuvent en profiter pour connaître puis cibler, presque instantanément, les envies et les besoins de chaque individu. De cela découle tout une stratégie du marché qui offre aux grandes marques la possibilité d'investir les champs de l'influence avec une précision chirurgicale. Un tel dispositif catégorise et automatise les flux émotionnels et idéologiques des individus et qui dans d'immenses bases de données sauvegardées, via des algorithmes d'analyses de plus en plus puissants - à l'image d'Aladdin, le centre numérique de BlackRock - surveille, analyse et gère ce que l'on nomme dans le langage informatique, du data, c'est à dire de l'information. A ce point de focalisation de l'attention humaine, les géants du numérique sont devenu des polarités d'influence exceptionnelle qui peuvent désormais, de manière subtile, orienter les opinions publiques.
Un certain John Perry Barlow qui fut l'un des fondateurs du réseau numérique (ici à gauche), a passé quinze années de sa vie à lire et à penser l'œuvre de Pierre Teilhard de Chardin (ici à droite). Pierre Teilhard de Chardin est un prêtre jésuite français qui s'intéressa notamment à l'évolution et à la paléontologie. Sa théorie de l'évolution fut pour John Perry Barlow une révélation intellectuelle et une source d'inspiration (p45). En effet Pierre Teilhard de Chardin conjugue science et transcendance dans un cycle évolutif qui tend vers une finalité qui est la christosphère (p46). Cette conscience universelle et planétaire qui se constitue sous le vocable noosphère est une sorte de réseau planétaire des cerveaux humains et qui partagent cette même connaissance du Christ cosmique, du Christ sauveur de l'humanité. Cette programmation messianique qui relie toutes les consciences réoriente le sort de l'humanité, ce qui constitue l'étape finale de l'évolution de l'humanité (p47). C'est donc à partir de cette théorie que John Perry Barlow bâtit l'idée d'une intelligence collective qui se nourrit du réseau numérique. Cette sorte donc de spiritualité collective fut donc corrompu par la main invisible du marché qui à travers son réseau social le plus emblématique, à savoir Facebook, réduisit l'interconnexion des consciences humaines à des logiques triviales. Le projet de John Perry Barlow est donc resté une utopie, les grands patrons du numérique à l'image de l'effronté Mark Zuckerberg, ont sensiblement trahi l'idée au point que notre cher Tim Berners-Lee, le fameux père de l'internet évoqué précédemment, a avoué dans un entretien donné à Vanity Fair, en juillet 2018, que le Web a échoué (p54).
Pour en revenir à la psychologie, Bruno Patino évoque les techniques du laboratoire des technologies de la persuasion de l'université de Stanford (p59). En effet la captologie, c'est à dire l'étude de l'informatique et des technologies du numérique comme outils d'influence et de persuasion des individus - est le nom de cette science développé par le laboratoire et qui s’appuie sur l'observation des comportements adolescents (p62). Le directeur du laboratoire, B.J. Fogg explique que pour cette tranche d'âge, la compétition, la comparaison et les indicateurs de performance sont des moteurs essentiels de satisfaction. Ainsi pour les adolescents le monde à portée tactile est un monde qu'ils peuvent plier à leurs désirs, bien plus que celui qui les entoure. Dans cette optique, les équipes de Fogg vont donc chercher à entretenir les réflexes émotionnels pour les maintenir sur les plates-formes numériques. Ils vont donc créer les conditions de l'immanquable, c'est à dire de la récompense aléatoire évoquée plus haut avec l'expérience du rongeur. Le but étant de créer les conditions du mimétisme numérique, à savoir - savoir ce que les autres savent. Les réseaux sociaux vont donc devenir des incubateurs à scandales et où le scandale apparaît comme l'information à connaître à cause de sa faculté à se propager très rapidement. La nature du scandale devient alors secondaire, ce qui compte c'est la connaissance du scandale afin de ne pas paraître ignorant. Etre exclu du scandale c'est en quelque sorte ne plus être à la page, c'est ne plus être à la mode. L'individu se voit alors en quête de scandale ou même d'être l'instigateur d'un scandale afin d'être au cœur de la sphère sociale. Ce qui pousse, petit à petit, l'individu à adopter des comportements propres aux tricheurs et aux frimeurs, notez le succès de la télé-réalité qui est justement la représentation de cette idiosyncrasie. Il est intéressant de noter, à ce propos, que ceux-là même qui dirigent ces empires du numérique et qui travaillent à son expansion, placent leurs propres enfants dans des écoles non connectées qui bannissent tout objet connecté. Cette hypocrisie de moralité rappelle celle des bobos qui en France préconisent la mixité sociale mais sont réticents à scolariser leur progéniture dans les collèges multiethnique. Ce parallèle n'est pas fortuit puisque cette catégorie sociale évoquée par Christophe Guilluy dans son ouvrage "Fractures françaises" (ici), est engagé professionnellement dans cette expansion numérique. Elle contribue activement, du fait de son aisance financière, au succès de ce marché.
Les réseaux sociaux exigent donc beaucoup de temps, c'est l'ère de l'accélération sociale, c'est à dire la diminution du temps disponible là où la technologie était censé nous en procurer. Le paradoxe est là, la technologie au lieu de nous laisser du temps exige de nous davantage de temps (p66). Plus de technologie signifie captation du temps humain. Cette vampirisation se constate dans la rue, dans les transports en commun, dans les cafés et dans tous les lieux publics, et on ne parlera pas ici des toilettes, les individus sont exagérément collés à leur smartphone. Ce temps capté par le numérique empiète sur le temps accordé aux tâches du quotidien, au point même que les ménages les plus aisés sous-traite ces mêmes tâches - pour les ménages les moins aisés, ces tâches sont soit repoussées soit tout simplement abandonnées. Cet auto-asservissement est le fruit de cette science que l'on nomme la captologie et qui, chez les géants de l'internet est devenu un protocole d'expansion et même de survie. En effet capter l'attention revient à capter le temps humain et ce temps est vital pour les entreprises du numérique car ce temps est vendu aux publicitaires. Par exemple la manne tirée de la publicité représente pour Facebook, 98% des 40 milliards de ses revenus. Plus largement Google et Facebook absorbent plus de 75% de toutes nouvelles publicités (p76). Les individus sont donc devenus des mines à ciel ouvert, nous dit l'auteur, qui sont littéralement vider de leur temps. Les géants du numérique voient là une manière de s'accaparer toute l'attention du monde.
Indéniablement cette machinerie numérique est devenu une centrale à fabriquer du consentement. Elle maîtrise l'art d'orienter l'information dans le sens qui convient à ses propres intérêts. Pour cela elle s'appuie sur une méthode développée par l'inventeur du cirque moderne, Phineas Taylor Barnum (p111) qui racontait,
"Ce n'est pas à quel point il est facile de tromper le public, mais à quel point le public aime à être trompé, pour autant qu'il soit diverti."
Cette conception du spectacle fondé sur la tromperie et qui trouve son modèle à Hollywood, remplace l'idée de vérité par l'idée de crédibilité. Les scénarios s'appuient sur tout un tas de pseudo-expertises alternatives afin de distiller le doute et plus précisément des vérités embryonnaires suffisamment calibrées pour susciter dans l'esprit des rêves éveillés à forte valeur imaginative. Créer de la vraisemblance à l'aide d'effets numériques sophistiqués, permet de rendre vivant toutes les chimères de l'esprit humain. A ce jeu-là, les studios d'effets spéciaux sont devenus, entre les mains des magiciens d'Hollywood, des falsificateurs du réel qui alimentent les esprits de vraisemblances plus vraies que nature. Le public a donc envie d'y croire, et c'est donc comme saint Thomas qu'il se comporte, pour croire il doit voir (p117). Si Guy Debord a savamment théorisé la société du spectacle (ici), employant une dialectique axiomatique et parfois abstraite, cette même société du spectacle correspond à une fabrication concrète de l'aliénation. Cette société du spectacle peut ainsi être synthétisée par cette formule (ici),
"La croyance l'emporte sur la vérité, l'émotion sur le recul, l'instinct sur la raison, la passion sur le savoir, l'outrance sur la pondération, le pseudo sur l'authentique.
La société du spectacle est une économie de la confusion qui multiplie les croyances au détriment de la vérité. Toutes les pseudo-valeurs sont devenues des équivalences à la vérité et en l'absence de tout discernement on en arrive, par exemple - et c'est là la démonstration que le relativisme est devenu une méthode de désorganisation mental - à reconnaître le satanisme comme une religion à part entière. Tout naturellement le transhumanisme, qui tend à donner un nouveau statut à l'homme, devient une nouvelle religion à tendance universelle qui fera de l'homo sapiens sapiens un spécimen augmenté. La culture populaire a abordé la chose avec la franchise X-MEN (ici). Ces personnages qui sont des mutants avec des pouvoirs singuliers ont inspirées ceux-là même qui aujourd'hui ont des postes importants dans la société. Le cinéma nous a présenté ces mutants comme des juifs déportés que le gouvernement américain voulait étudier dans ses laboratoires, au même titre que les chercheurs allemands qui ont pratiqué tout un tas d'expérience sur les prisonniers des camps de concentration. Le spectacle aidant, le public accepte ce narratif tout en ignorant comment on lui fait accepter l'immoralité. Les recherches transhumanistes sont développées par les géants du numérique qui voient là un espoir de défier la mort en rallongeant la vie terrestre (p145). Les moyens mis en œuvre sont colossaux et ils sont en mesure, dans un proche avenir et grâce au fort potentiel de l'intelligence artificielle, de changer les lois naturelles. Il faut préciser que le transhumanisme combine la technologie numérique, les nanotechnologies, la biologie et les sciences cognitives. Des prothèses numériques que l'on tient en main deviendront demain des micro-puces incorporées dans les corps tandis que circuleront dans notre sang des armées de nanorobots pour éliminer toute infection. Au rythme de l'évolution des algorithmes, l'intelligence humaine sera vite désuète, les individus moyens ayant confié à GOOGLE la charge de retenir la connaissance, ils ne se doutent pas un instant que les constantes mises à jour du numérique les rendront bientôt totalement obsolètes. La perspective d'un pouvoir numérique survitaminé et adossée à une intelligence artificielle autonome ne laisse rien présager de bon tant les dirigeants de ce système ne sont pas aussi bien inspirés que ce fameux prêtre jésuite français, Pierre Teilhard de Chardin.
Pour conclure cette fiche de lecture nous allons énumérer dans ce tableau (ici), quelques chiffres mettant en évidence le rapport des individus au numérique. L'auteur Bruno Patino, a relevé un certain nombre de chiffres qui témoignent en réalité d'une captivité au numérique et aux écrans qui ne cesse de croître. A ces données j'ai rajouté, dans la partie inférieure du tableau, les statistiques de Pierre Jovanovic sur le temps accordé à la télévision. En effet dans son livre "777" , Pierre Jovanovic relaie ces informations pour mettre en évidence le rapport de plus en plus croissant avec les écrans, confirmant ainsi les statistiques de Bruno Patino. Le tableau est donc séparé en deux partie, la partie supérieure, en orange, concerne les données de l'ouvrage de Bruno Patino. La partie inférieure, en bleu, concerne les données de l'ouvrage de Pierre Jovanovic. Le tableau est composé de trois colonnes, la première colonne concerne les données interactives, c'est à dire le rapport de l'individu au numérique et aux écrans, la seconde colonne concerne la statistique de la donnée interactive et la troisième colonne indique la page où a été relevé cette statistique. Dans la partie supérieure du tableau (partie orange),
- La première ligne concerne le temps moyen quotidien passé sur smartphone entre 2012 et 2016. Au Brésil ce temps est de 4 heures 48 minutes. En Chine ce temps est de 3 heures. Aux Etats-Unis ce temps est de 2 heures 37 minutes. En France il est de 1 heure 32 minutes. Cette information se retrouve à la page 21 de l'ouvrage.
- La seconde ligne est un sondage concernant l'impact des écrans sur les enfants. Selon l'Ifop, 59% s'inquiètent et près de 70% reconnaissent être dépendants de ces mêmes écrans. Cette information se retrouve à la page 21 de l'ouvrage.
- La troisième ligne concerne la fréquence interactive sur les réseaux sociaux chaque minute. Sur Twitter on recense 480 000 tweets. Sur Snapchat on recense 2,4 millions de snaps. Sur Facebook, 973 000 personnes se connectent. Sur Instagram, 174 000 personnes se connectent. Sur Tinder on recense 1,1 million de « swipes » et plus globalement c'est 38 millions de messages et 18 millions de sms tandis que sur Youtube c'est 4,3 millions de vidéos vues.
Dans la partie inférieure du tableau (partie bleue), concernant la télévision, nous avons,
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200 000 actes violents vus par un enfant à la télévision entre 1 an et 18 ans
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8 000 crimes vus par un enfant jusqu'à son entrée en école primaire
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20 000 publicités qu'un enfant voit par an
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4 000 études sur les effets de la télévision sur les enfants
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4 heures par jour c'est le temps passé devant la télévision par un adulte
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28 heures par semaine c'est le temps passé devant la télévision par un adulte
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2 mois par an c'est le temps passé devant la télévision par un adulte
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9 ans passés devant la télévision sur une durée de vie de 65 ans
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2 000 000 c'est le nombre moyen de publicités qu'un adulte de 65 ans a vues à la télévision
Si ces chiffres rendent compte du degré d'attachement des individus aux écrans sachant que ces chiffres iront en augmentant, l'abandon progressif du temps humain à la machine sera tel que la relation homme/machine sera fusionnelle. Si l'auteur, Bruno Patino esquisse, à la fin de son ouvrage, de timides propositions pour freiner cette tendance, il n'en demeure pas moins que l'appétit des géants du numérique est tel qu'il est désormais impossible de les contraindre tant ils sont devenus des organisations transnationales sans territoire. Le passage progressif des pays à la 5G témoigne de la complicité des politiques malgré les différents mouvements de contestation. L'universalisation du numérique marque une nouvelle étape dans l'histoire de l'humanité, cette dernière est confrontée à un progrès de matérialité globalisé à caractère virtuel. Ce progrès inscrit l'humanité dans une caisse de résonance numérique qui semble prendre la forme d'un auto-mouvement narcissique.
Antoine Carlier Montanari