Un Livre Que J'ai Lu (121) : Quel Avenir Pour Le Christianisme (Claude Tresmontant)
Le christianisme est d'abord, selon Claude Tresmontant, la Pensée créatrice de Dieu (p7) et qui dans l'homme, à travers le Christ, restaure la grâce. Les objectifs immuables de cette pensée sont la justice et la vérité, lesquelles, dans un monde qui persiste dans l'injustice et le crime, doivent se manifester à travers le chrétien du quotidien (p8).
Au regard des guerres, des massacres de masse et de l'exploitation de l'homme par l'homme, le christianisme bien que déjà suffisamment déshonoré par un certain nombre de ses fidèles, a une immense tâche à accomplir pour installer la justice et la vérité. C'est sur un plan international, nous dit Claude Tresmontant, que le christianisme doit agir pour résoudre les difficultés humaines (p11). Et c'est la charité prôné par le Christ lui-même qui devra solutionner les problèmes que rencontre l'humanité. Ce dont l'humanité a besoin, nous dit l'auteur, c'est d'un saint François homme politique et d'un saint Vincent de Paul économiste (p12). Ces saints, modèles de charité devraient inspirer les politiques et les économistes pour que naisse au sein du monde profane des hommes et des femmes inspirés non pas par des théories savantes apprises dans des universités mais bien par cette charité chrétienne qui a motivé tant de saints catholiques et des hommes de bonne volonté.
A cela il faut ajouter la justice qui est simplement la vérité du christianisme en action, c'est à dire la charité mise en mouvement par la pensée et l'intelligence (p12). C'est de ce côté que notre auteur dirige son analyse en évoquant le mot "théorie", lequel vient du mot grec theoria qui signifie la contemplation. Aussi le christianisme ne doit certainement pas s'appuyer sur l'idée de la foi seule mais bien sur l'idée de la foi nourri par l'intelligence (p13). Malheureusement un bon nombre de chrétiens ont scindé les deux pour adopter la foi comme seule source de nourriture spirituelle. Cette disposition d'esprit a en réalité dévitalisé la foi pour la reléguer à une simple orientation de l'esprit. Claude Tresmontant reprend la source hébraïque du mot "foi", qui est la hémounah, afin de rappeler que le véritable sens du mot "foi", ne signifie par la croyance en Dieu mais la certitude de l'existence de Dieu à partir de l'expérience du peuple hébreu (p14). Et le peuple hébreu est ce moyen que Dieu a utilisé dans l'histoire humaine pour se faire connaître et cette connaissance précise de l'action divine offre à l'intelligence une connaissance non pas abstraite mais concrète de Dieu. Et pour que cette manifestation divine soit valide, il faut qu'elle soit la plus éclatante possible, la plus évidente et la plus confondante. C'est pourquoi Dieu utilise un moyen faible qui ne peut par ses propres moyens obtenir ce que seul Dieu peut obtenir. Ainsi le peuple hébreu est libéré du joug de pharaon non pas par ses seules forces, car il n'en a pas assez, mais par la manifestation de Dieu à travers Moïse. Cette manifestation de Dieu apparaît donc plus incontestable puisque selon l'entendement le peuple hébreu n'avait aucun moyen de mettre en échec la puissance de Pharaon. C'est cette faiblesse qui met en évidence la puissance de Dieu, la même qui permit à Samson de tuer à lui seul, avec une mâchoire d'âne, 1000 philistins et qui permit également à David d'abattre de sa fronde le géant Goliath. Telle est la méthode que Dieu utilise pour confondre les esprits. (savants qui s’appuient uniquement sur les probabilités et sur la force.)
Ainsi Dieu accomplit des démonstrations éclatantes à travers un peuple qu'il s'est choisi et qui parmi tous les autres peuples est le plus faible. Il faut donc pour que ce mode opératoire fonctionne, que l'ennemi de ce peuple choisi par Dieu, à l'image de Pharaon, soit très puissant et que cette puissance ne permette pas de penser que le petit peuple hébreu puisse s'en sortir par ses propres moyens. En actes, en démonstrations, en manifestations et en miracles, Dieu met en échec le plus fort à travers le plus faible afin de démontrer que c'est bien Lui qui agit et qui opère (p16). La foi selon les hébreux, la hémounah, n'est pas, pour reprendre une expression de Kierkegaard, "un saut qualitatif dans l'absurde". Autrement dit c'est la constatation dans le réel du merveilleux ou du surnaturel. L'observation clinique des événements qui ont conduit ce petit peuple a mettre en échec les puissants de ce monde est toute consignée dans la Torah. Ce discernement des signes est aussi présent dans le Nouveau Testament à travers le mot grec pistis, qui correspond au terme hébreu hémounah, et qui également demande non pas de croire en Dieu pour croire en Dieu, mais de reconnaître les signes formels et tangibles accomplis par ce galiléen du nom de Jésus et qui au nom de Dieu fit des miracles afin de témoigner de la vérité (p17).
La foi au sens biblique, la hémounah, la pistis, est donc la croyance associée à cette intelligence qui a su identifier l'action divine dans le cheminement du peuple de Dieu. Cette foi est nourri de cette intelligence qui discerne la vérité de Dieu quand elle se manifeste objectivement (p18). Quand l'intelligence nie les manifestations divines elle vérifie les paroles du prophète Jérémie, "Ils ont des yeux et ne voient point, ils ont des oreilles et n'entendent point." (Jérémie 5:21). Se construit alors, selon les termes de Kierkegaard, une intelligence absurde et irrationnelle qui nie intégralement l'expérience mystique du peuple hébreu. Et pourtant cette expérience mystique est une connaissance à partir de l'observation des faits qui ont conduits le peuple hébreu à survivre dans un environnement qui lui était hostile. C'est l'examen attentif de l'expérience d'être de ce peuple qui donne à l'intelligence une théologie de la révélation qui montre qu'à plusieurs reprises c'est Dieu qui s'est directement manifesté à ce peuple. Dans l'histoire de l'humanité c'est la première fois qu'un "Dieu" intervient directement dans les affaires des hommes et qu'il se fait connaître comme étant le Créateur de toutes choses. Les autres dieux n'ont été que des projections de l'esprit de peuples qui avaient tout de même l'intuition qu'une force supérieure était à l'oeuvre. Cette révélation de Dieu s'adresse à l'intelligence qui regarde avec discernement et bon sens et comprend que si Dieu existe il doit se manifester devant les hommes pour se faire connaître. Car en effet là où la raison condamne à juste titre la foi dans des dieux qui ne se manifestent pas et qui sont adorés en proportion des forces qu'on leur attribue, elle condamne tout autant la foi dans un Dieu qui s'est révélé avec une quantité de signes intelligibles, éclatants et avérés. La mauvaise foi c'est donc récuser les signes quand ils sont évidents et cette foi s'exprime chaque foi qu'elle ôte à l'intelligence le discernement. Cette mauvaise foi fut à l'oeuvre chez pharaon quand il refusa de voir chacune des plaies comme la manifestation du Dieu des hébreux. S'il avait fait preuve de discernement il aurait pu, en usant du principe de précaution, éviter bien des malheurs à son peuple.
Selon Platon, la pistis qui n'a pas de fondement rationnel est le troisième type de croyance après la noêsis qui est la croyance intuitive suprême et dianoia qui est la connaissance discursive inférieure (p20). Cette définition platonicienne de la foi, en parlant de la pistis, est à peu près identique à celle qui est admise de nos jours. Selon la compréhension biblique, la foi, comme on vient de le voir, est la plus haute forme de l'intelligence (p21) et qui selon Descartes est réellement contraire à cette foi qui porte toujours sur des choses obscures et qui est un acte non de l'intelligence mais de la volonté (p21). Autrement dit cette foi dont parle Descartes est une foi aveugle dénuée de cette fameuse intelligence du discernement. L'aheurtement est peut-être la dénomination qui définit le mieux cette volonté d'y croire coûte que coûte et cela peut toucher aussi bien le primitif qui vénère une divinité qu'un homme politique qui défend une idéologie déréglée. Et il en est ainsi du chrétien du XXè siècle et du XXIè siècle qui est un chrétien malade et souffrant puisque sa foi est dépossédé d'un sens aigu de la vérité, de la rigueur et de la preuve (p23). Cette foi a renoncé à se servir de la raison pour défendre devant les hommes de science la véracité de la révélation et des faits tangibles qui lui sont associés. Cette hérésie fidéiste, nous dit Claude Tresmontant, ruine du dedans le christianisme, elle scinde le croyant en deux en lui ôtant cette part d'intelligence évoquée plus haut. En vérité le chrétien doit lier la foi à la raison de manière à ce que ces deux parts constituent un seul et même socle. Indéniablement le philosophe chrétien, à l'image par exemple d'Etienne Gilson, de Simone Weil ou encore de René Girard, qui ne se divise pas en deux, c'est à dire d'une part le philosophe et d'autre part le chrétien, n'est pas un homme double (p26).
Il faut éviter cette séparation nous dit Claude Tresmontant sinon la foi seule n'est plus en mesure de prouver quoi que se soit quand elle est soumise à la contradiction. Affirmer sa foi seule c'est déjà avouer à demi-mot que l'on n'est absolument pas certain de la vérité (p28). La vérité du christianisme n'est pas seulement une affaire de foi mais également la certitude de la révélation par les faits historiques. Il faut alors revenir à la pistis, évoquée plus haut. Cette notion néotestamentaire est indissolublement liée à l'alêtheia, c'est à dire la vérité. La pistis affirme croire en ayant vérifié, ce qui constitue une croyance solidifié par la connaissance et le discernement (p29). De même la hémounah, dans le langage biblique, est d'une part un terme dérivé de la racine aman qui signifie ce qui est solide, stable, certain et vrai et d'autre part s'enracine dans le mot Emet qui veut dire la vérité (p30). A la toute fin de cette fiche de lecture, à l'aide d'un tableau, nous récapitulerons toutes ces notions.
Ainsi le chrétien, par l'intelligence et la raison est en mesure d'atteindre la vérité et de connaître Dieu, non pas de manière abstraite et produite par l'imagination mais de manière concrète au regard de l'expérience d'être du peuple hébreu. C'est à l'aide de la théologie que le chrétien va penser la révélation et cette science, nous dit Claude Tresmontant, rend compte de la manifestation de Dieu par l'intermédiaire des prophètes d'Israël (p32). Il faut donc penser la révélation comme une source de connaissances qui a émancipé tout un peuple. D'un point de vue profane, la révélation est certes une rationalité étrangère mais tout de même une rationalité qui selon Spinoza est à prendre sérieusement en compte. Voici ce qu'il dit (ici),
"...Mais avant d'aller plus loin, je veux marquer ici expressément (quoique je l'aie déjà fait) l'utilité et la nécessité de la sainte Ecriture ou de la révélation, que j'estime très grandes; car, puisque nous ne pouvons, par le seul recours de la lumière naturelle, comprendre que la simple obéissance soit la voie du salut, puisque la révélation seule nous apprend que cela se fait par une grâce de Dieu toute particulière que la raison ne peut atteindre, il s'ensuit que l'Ecriture a apporté une bien grande consolation aux mortels. Tous les hommes, en effet, peuvent obéir; mais il y en a bien peu, si vous les comparez à tout le genre humain, qui acquiert la vertu en ne suivant que la direction de la raison, à ce point que, sans le témoignage de l'Ecriture, nous douterions presque du salut de tout le genre humain."
Une culture humaine rationnelle forte évacue cette rationalité et c'est de cette même culture humaine rationnelle forte dont il est question dans cette pensée quand Spinoza parle de la lumière naturelle et de la raison. En face, chez les chrétiens, la révélation et ses dogmes ne sont jamais véritablement compris et plutôt laissés au curé qui se chargera de les leur rappeler le plus simplement du monde (p34). Et lorsqu'il faudra défendre ces mêmes dogmes, l'absence de savoir précis en la matière ne leur permettra pas de les faire rayonner comme il se doit. Le chrétien est devenu léger et insipide, usant d'un vocabulaire pédant et des galimatias à la mode et on ne sait quelle calembredaine qui empêchent bien de s'immerger dans la vérité (p39). L'usage d'un vocabulaire de qualité est un outil indispensable pour comprendre et servir la vérité, il importe donc au chrétien de se cultiver et de se nourrir de cette science que l'on nomme théologie. En ce sens si le christianisme rend compte de la vérité, le chrétien ne doit pas avoir peur de la contradiction qui proviendrait de la raison profane, laquelle, le plus souvent, séduit bon nombre d'entre eux qui au lieu de mettre à profit leur connaissance de la vérité, enrichissent un peu trop leur culture mondaine (p45). Ainsi va la mode, nous dit l'auteur, il est des sciences de la pensée qui séduisent outrageusement en rapport de ce qu'elles apportent réellement et parallèlement il en est peu, à vrai dire, qui sachent parler distinctement de la transsubstantiation, du logos, de la Trinité ou encore de l'immaculée conception.
Claude Tresmontant souhaite donc reconstruire une métaphysique positive rationnelle apologétique qui se sert de l'expérience du peuple hébreu et des points fondamentaux de la dogmatique (p47). Mais il faut bien s'entendre sur la nature du rationalisme car il en existe plusieurs sortes (p52). Ce point est crucial car il va nous permettre de définir le rationalisme qui sert le mieux la vérité.
Il existe donc, nous dit Claude Tresmontant, un rationalisme qui sait a priori, qui croit à l'avance ce qu'il tient pour la vérité et il a une tendance fâcheuse à plier les faits à ses croyances. Ce rationalisme a les faveurs de beaucoup de ceux qui se disent rationalistes par opposition à ceux qui ont la foi. Mais il existe un autre rationalisme qui se base sur les faits passés et présents. C'est un rationalisme expérimental qui s'appuie entièrement sur l'observation attentive de l'Univers et de la nature et de toutes les manifestations possibles qui s'y passent. Cette réalité objective qui progresse sous nos yeux, forme la réalité et c'est la contemplation de cette réalité qui constitue la rationalité expérimentale.
A ce propos un exemple tout à fait judicieux permet de mettre en rapport les deux rationalismes que l'on vient d'expliquer. Un certain nombre de savants et de philosophes comme Engels et Nietzsche ont pensé à priori l'éternel mouvement cyclique de la matière et de l'éternel retour. Ces penseurs ont à priori établi une pensée qui n'a pas de fondement dans le réel car au XIXè siècle, les travaux de Carnot puis de Clausius démontrent que tout dans l'univers s'use de manière irréversible et tend de lui-même à retourner à l'état de poussière (p54). Et pourtant combien cite avec fierté Engels, Nietzsche et bien d'autres et relaient leurs idées sans s'être assuré qu'elles n'avaient aucun fondement dans le réel. Ces idées issues de la pensée de l'a priori sont dévastatrices car dans un certain nombre de cas elles s'implante dans les esprits avec une efficacité rare pour la simple et bonne raison que se sont des idées nouvelles.
A vrai dire le seul terrain d'entente possible entre deux individus c'est celui de l'expérience, sur le terrain de la rationalité a priori il n'est pas possible de s'entendre puisque tout ce qui peut s'imaginer peut-être considéré comme la vérité. Pour prendre un exemple plus simple, un individu pense que les licornes existent, son interlocuteur lui explique qu'aucun écrit sérieux ne mentionne leur existence et qu'aucun naturaliste n'a trouvé d'ossements attestant de leur présence. Toutefois il y croit dur comme fer et fait fi de l'argumentaire basé sur l'expérience de son interlocuteur. Alors ce dernier lui explique que la licorne est un animal conceptualisé à partir d'un cheval et d'une corne. L'imagination a associé ces deux éléments et n'a fait que construire une probabilité qui n'a jamais pu être vérifiée. Cet exemple montre combien la foi sans la raison peut enliser dans l'erreur. La licorne peut à priori exister mais comme aucun fait ne vient attester de son existence, persister à croire qu'elle existe c'est demeurer dans l'a priori et non dans le fait. Croire que la licorne existe n’entraîne pas de mauvais conséquences mais sur d'autres sujets, si l'individu demeure dans l'a priori et non dans le fait il se soumet à des erreurs de jugement. En ce sens l'individu développe une rationalité déréglée. Dans ces exemples la part subjective l'a emporté sur la part objective. La subjectivité c'est le parti pris et la volonté de dominer l'autre plutôt que de servir la vérité. A ce propos il faut véritablement se tourner vers l'ouvrage de Simone Weil, "Notes sur la suppression générale des partis politiques" (ici) où elle aborde, avec une clarté olympienne, le caractère fallacieux du parti pris.
Toute la pensée moderne et nous le verrons dans la prochaine fiche de lecture, avec cet autre ouvrage de Claude Tresmontant (ici), "Le Bon et le Mauvais, Christianisme et politique", provient essentiellement de la raison pure développée par le philosophe allemand Emmanuel Kant. Cette vérité nouvelle a finalement triomphé chez un bon nombre d'intellectuels parce que finalement, nous dit Claude Tresmontant, ses adversaires meurent et que les nouvelles générations adoptent très rapidement les idées à la mode (p70). Ce qui peut expliquer, en partie, l'enthousiasme qu'a suscité les idées darwiniennes. Non seulement elles survivent dans la pensée scientifique en tant que concept mais elles ont exclues le fait hébreu, le fait créationniste, le fait de la révélation et le fait de l'incarnation. Les explications issues de la pensées darwinienne sont des présupposés biologiques qui séduisent essentiellement les opposants au créationnisme qui grâce à cette théorie peuvent s'émanciper politiquement de l'église et par extension de la religion et même de la monarchie de droit divin. C'est avant tout un acte révolutionnaire partisan.
Si l'on tient compte maintenant de l'immense programmation qui anime l'univers et de la quantité d'instructions nécessaires pour coordonner toutes les possibilités de vies, de formes, de matières et d'énergie, et qui demeurent visibles dans les messages génétiques découverts par les biologistes, on franchi un cap dans la compréhension de la création. En regardant l'ensemble de cette création se mouvoir harmonieusement et imperturbablement et qui dans une constance inébranlable fait tourner les planètes les unes par rapport aux autres sans que jamais elles ne changent de direction ou ne tournoient subitement sous l'effet d'une folie furieuse qui pourraient les faire se percuter, que les saisons invariablement reviennent en apportant leurs bienfaits aux hommes tandis que le soleil qui dans sa majesté ne consume rien d'autre que ce qui lui a été prescrit, on doit douter que tout cela s'accomplisse par le simple choix de l'indétermination. La question de Cicéron répond de manière évidente à cette constatation (ici),
"Que peut-il y avoir de plus clair et de plus évident, si l'on a regardé le ciel et contemplé les espaces célestes, que l'existence d'une divinité à l'esprit supérieur pour diriger tout cela ?"
Et pour compléter la chose il faut ajouter cette réflexion du philosophe stoïcien Chrysippe reprise par Cicéron lui-même, et qui dit,
"Si en effet il y a dans la nature quelque chose que l'esprit humain et la raison, que la force et la puissance de l'homme ne peuvent créer, certainement ce qui l'a créé est meilleur que l'homme. Or les choses célestes et toutes celles qui obéissent à un ordre éternel ne peuvent être créées par l'homme. Donc ce qui les crée est meilleur que l'homme. Et quel nom donné à ce principe plutôt que Dieu?"
Et Cicéron, à la suite, ajoute,
"Si donc les œuvres de la nature l'emportent sur les œuvres de l'art, et que l'art ne réalise rien sans la raison, on ne doit pas non plus considérer la nature comme privée de raison."
Si les philosophes, en contemplant l'organisation et le fonctionnement de l'univers, déduisent puis admirent la raison qui en est l'origine, les lois qui régissent cet univers forment donc une programmation savante. Aussi, l'humanité qui fait partie de cette création, a reçu, à travers le fait hébreu, une programmation nouvelle qui n'est pas génétique mais spirituelle (p89). Cette programmation qui provient de la pensée créatrice de Dieu est vouée, via les textes sacrés, à l'intelligence humaine. Le cerveau est donc le réceptacle de cette programmation et cet organe qui est le siège de l'intelligence et de la réflexion, va, à travers le peuple hébreu, réorienter l'humanité. Par la suite, les quatre évangiles qui sont des informations issues de documents hébreux et qui sont des notes prises au jour le jour, de la bouche du Christ lui-même, et traduites en langue grecque (p89), vont affiner la programmation précédente pour faire cheminer l'humanité vers son salut. En raison du caractère informatif de ces quatre évangiles, qui je le rappelle sont des documents hébreux, l'humanité est parvenu à une plus grande connaissance de la vérité.
Ainsi l'Eglise est, selon notre auteur, non pas une institution mais un système biologique programmé (p94). Elle n'est pas l'oeuvre des hommes mais celle du Christ qui est Dieu. Les paroles du Christ à Pierre en témoigne,
"Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, "
(Matthieu 1618)
L'Eglise préserve donc la parole du Christ et elle se charge de la propager au monde avec méthode et rigueur. Et pour s'assurer que cette Eglise soit la bonne, les apparitions mariales assurent la continuité des manifestations divines. Et que cela ne plaise aux autres églises ou aux autres religions, Guadalupe, La Salette, Pontmain, Lourdes, Fatima, Akita, Medjugorje et bien d'autres lieux encore d'apparition de la Vierge témoignent que le Ciel assure toujours la communication. Messages d'amour et de paix, guérisons et miracles, prophéties et avertissements sont la continuation du fait hébreu qui depuis le fameux péché originel compose une politique de rédemption. Par contre dans une perspective profane et mondaine le problème du mal est insoluble. Aucune force humaine n'est en mesure d'offrir une paix durable ni une félicité qui soit éternelle. La seule chose que le monde peut offrir va en effet à l'encontre des prescriptions du Christ. Effectivement, réussir coûte que coûte sa vie ici bas est, nous dit Claude Tresmontant, un échec peut-être irréparable au regard de la vérité (p99). Et au contraire une vie gâchée au plan humain, comme celle de Charles de Foucauld par exemple, est féconde pour des siècles. Les grands saints désignés comme tels par l'Eglise catholique offrent des exemples de réussite intemporelle à cette partie du monde qui s'est bien installée dans le monde. Ces saints ont participé ici bas à la vie de Dieu qui du point de vue de la vérité est la vraie vie puisque l'homme est destiné à vivre auprès de Dieu (p100). Selon le christianisme, la mort physique n'est pas le mal absolu, le mal absolu selon le christianisme est la seconde mort, c'est à dire la mort de l'âme, la damnation.
Si donc l'Eglise a été fondée par le Christ pour faire obstacle à cette deuxième mort, la raison d'être du Christ, n'est pas seulement la réparation et la rédemption mais c'est d'abord, comme le pensait le grand Duns Scot, l'achèvement de la Création. Le Christ est donc cette information créatrice qui permet à l'homme de quitter sa condition animale pour atteindre celle de l'Homme véritable (p106). Tant que l'humanité n'aura pas atteint sa pleine transformation la Création ne sera pas achevé et le Christ en son Eglise qui est solidifié sur le fait hébreu, forme ce phylum qui dans l'histoire de l'humanité offre le moyen d'achèvement définitif (p109). Dans ce développement de la Révélation ce phylum est une nouvelle étape dans l'histoire de la création de l'Homme. Cette information créatrice est donc une norme objective ou une rationalité positive et pertinente qui est un processus intelligible de reconstruction. C'est en tenant compte de cela que le chrétien fera resurgir un christianisme plus lumineux et plus authentique.
Pour finir, comme promis, nous allons récapituler dans ce tableau (ici) les principales désignations usitées par notre auteur et qui sont fondamentales pour comprendre le sens réel du mot foi.
Ce tableau comporte 5 colonnes. La première colonne désigne le mot, la deuxième colonne désigne la langue dans laquelle le mot est écrit, la troisième colonne donne la traduction en français du mot, la quatrième colonne désigne dans quel livre saint le mot est employé et la cinquième colonne désigne le sens donné par le mot en question.
- Le premier mot est le mot "foi". En français dans la bible il désigne le simple fait de croire, ce n'est pas forcément être convaincu mais supposé que la chose dans laquelle on croit existe.
- Le deuxième mot est le mot "hémounah". En hébreu dans la Torah ce mot signifie la certitude que la manifestation de Dieu est vrai au regard de l'expérience du peuple hébreu. Cette croyance s'établit sur les faits. De plus le mot "hémounah" s'enracine dans les mots "Emet" et "aman" qui désignent respectivement la vérité et ce qui est certain.
- Le troisième mot est le mot "pistis". En grecque dans la Bible ce mot signifie comme le mot "hémounah" la certitude que la manifestation de Dieu est vrai au regard de l'expérience du peuple hébreu et de la vie de Jésus. Cette croyance s'établit sur les faits.
- Le quatrième mot est le mot "Alêtheia". En grecque dans la Bible ce mot signifie la vérité au sens de la connaissance issue de la philosophie et par opposition à l'opinion
- Le cinquième mot est le mot "Emet". En hébreu dans la Torah ce mot signifie la vérité selon l'instruction divine qui est la vraie doctrine.
- Le sixième mot est le mot "Aman". En hébreu dans la Torah ce mot signifie avoir une confiance bien établi.
MOT | LANGUE | TRADUCTION | LIVRE | SENS |
Foi | Française | Foi, croyance | Bible | croyance à priori |
Hémounah | Hébreu | Foi | Torah | croyance rationnelle, croyance expérimentale (composé des mots Emet et Aman) |
Pistis | Grecque | Foi | Bible | croyance rationnelle, croyance expérimentale |
Alêtheia | Grecque | Vérité | Bible | la connaissance issue de la philosophie et par opposition à l'opinion |
Emet | Hébreu | Vérité | Torah | selon l'instruction divine qui est la vraie doctrine |
Aman | Hébreu | Vrai, certain | Torah | de soutenir, de confirmer |
Antoine Carlier Montanari