Un Livre Que J'ai Lu (112) Violence Et Islam (Adonis & Houria Abdelhouaed)
On peut parler ici d’autocritique ou même d’introspection aiguë tant les auteurs, le poète syrien Adonis et l’universitaire Houria Abdelouahed, musulmans de confession, pourfendent l’Islam et le monde arabo-musulman. Nos auteurs s'interrogent sur la présence de la violence dans l'islam avec l'idée que celle-ci est entretenue par le Coran lui-même. La perspective d'une agressivité légitimé par le sacré ne peut alors déboucher que sur une dictature morale dont l'objectif est la soumission de l'humanité entière à Allah. Il est intéressant de noter que le prophète de l'islam est le seul témoin de ce qu'il prétend avoir vu et l'absence de tout autre témoignage venant corroborer les faits, peut nous faire raisonnablement douter de la véracité du message coranique. Sachant que tout homme est corruptible, au regard de la justice, la validité du témoignage de Mahomet ne repose sur aucune base solide. Au regard de la raison, son témoignage est aussi valide que n'importe quel autre témoignage du même acabit. Historiquement il n'existe aucune preuve qui attesterait de la véracité de l'expérience surnaturelle qu'a vécu Mahomet, et surtout qu'elle ne suit pas la tradition narrative biblique qui confronte le fait surnaturel à la foule. Les plaies d'Egypte et les nombreux miracles opérés par Jésus sont vérifiés par des milliers de témoins, ces deux traditions vont à l'encontre de ce celle de Mahomet. Le musulman est donc un croyant qui contrairement au juif et au chrétien, se retrouve dans la position où tout ce qu'il croit dépend de la parole d'un seul homme et dont la vie, qui devrait être exemplaire au moment où il annonce son message, fut essentiellement tournée vers le commerce, la guerre et les femmes. De nos jours, ce genre d'homme n'est pas considéré comme un modèle d'exemplarité moral. Si Moïse revint en Egypte en portant le bâton de berger pour libérer son peuple et que Jésus fut berger parmi les loups et qu'il déconseilla à Pierre de porter l'épée, Mahomet, quant à lui, porta le sabre plutôt que le bâton. En ce sens le prophète de l'islam rompt avec le modèle biblique. Il est donc possible que l'islam soit une parodie poétique de la Torah et des évangiles et qui bien qu'admis par plus d'un milliard de croyants, ne favorise pas, chez ces mêmes croyants, l'esprit critique, la liberté d'expression et encore moins les domaines du savoir. De part le monde, et parmi les peuples de la terre, et au regard de l'importance du message coranique censé apporter la vérité, les nations musulmanes ne brillent pas particulièrement par des apports civilisationnels moraux, politiques, culturels et techniques et qui bien en marge des nations les plus prospères se voient relégués tout au plus à des pays en voie de développement où les droits de l'homme et de la femme sont les moins respectés.
Un petit mot tout de même concernant nos deux auteurs. D'une part nous avons Houria Abdelhouaed, qui est une psychanalyste, Maître de conférences et directrice de recherches à l’Université Denis Diderot, et auteur de plusieurs ouvrages sur la question de l'islam. Et d'autre part nous avons Adonis, dont le véritable nom est Ali Ahmed Saïd, en photo sur la couverture, qui est un poète et un critique littéraire syrien dont l'oeuvre poétique a fait de lui un des plus grands poètes arabes vivants. La rupture avec le Coran est ici si tranchante que le lecteur comprendra très rapidement qu'il se passe quelque chose dans la maison de l'islam. Si donc des intellectuels musulmans portent une critique acerbe sur leur propre religion, une critique qui je le rappelle est faite en France, et dont on peut dire qu'elle est protégé par l'état de droit, nous amène à penser que l'islam est en passe d'être, dans les années à venir, confronté à une remise en question en profondeur dont les effets amèneront un certain nombre de musulmans à quitter l'islam.
A la question du printemps arabe nos auteurs estiment qu’il fut une faillite absolue (p21) dans le sens où le religieux s’y est incrusté pour y dicter sa morale et donc ses restrictions. Aussi, nous dit Adonis, aucun mot ne fut prononcé sur la liberté de la femme (p13). Les auteurs parlent même de régression totale (p14) et ils attribuent la faute, en partie à l’analphabétisation, l’ignorance et l’obscurantisme religieux qui gangrènent la société arabe. L’arabe ne peut donc être un bon révolutionnaire tant sa soumission à la religion le condamne à demeurer dans le passé (p19) puisque c'est dans le passé qu'a eut lieu la vérité (p181). A vrai dire l’islam a tant sacralisé le prophète et ses conquêtes, que l’époque qui en témoigne doit être à tout prix restauré. Pour ces raisons, l’arabe qui se révolte socialement doit être prêt à quitter le passé s'il veut entrer dans l’avenir. L’esprit révolutionnaire doit prendre ses distances avec la religion et c'est cette condition essentielle qui offre à la révolution son titre de gloire. Il faut bien dire que le prisme coranique empêche bien le musulman de s’interroger sur d’autre chose que l’islam, et la philosophie comme toute autre science de l’esprit apparaissent comme des contradicteurs dont il faut se méfier et dont il faut combattre. L’islam n’est donc pas une religion de connaissance, de recherche, d’ouverture, de questionnement et d’épanouissement (p74). Le progrès dans l’islam n’est pas possible puisque le vrai progrès fut réalisé au temps de Mahomet où semble t-il tout a déjà été dit et fait. Le verset 224 de la Sourate 26, rapporté par Houria Abdelouahed témoigne de cette fermeture d'esprit du Coran (p139), et que les libres penseurs nomment l'obscurantisme religieux. Voici le verset en question,
« Quant aux poètes :
Ils sont suivis par ceux qui s’égarent.
Ne les vois-tu pas ?
Ils divaguent dans chaque vallée (…) »
(Sourate 26, verset 224)
La culture du musulman est donc fortement imprégnée d’islam, à tel point, nous dit Adonis, que cette religion empêche bien un poète d’être un poète indépendamment d’elle-même (p33). Nos auteurs regrettent que l’islam ne soit pas comme le catholicisme, et qui à l’image de Charles Péguy, qui fut poète et catholique, c’est-à-dire catholique d’un côté et poète de l’autre, pourrait permettre au poète de s’émanciper et de vivre parallèlement à sa doctrine. C’est pourquoi lorsque le musulman découvre la pensée philosophique occidentale et grecque il ne peut retourner dans son ancien système sans penser au cloisonnement intellectuel dans lequel il demeure. La variété des idées et des concepts qui le traverse alors empoigne tellement son esprit que cela éveille en lui un sentiment de liberté si intense qu’il meurt d’envie de s’y replonger. Il faut dire que l’Islam est née et a prospéré dans une culture tribale où dominaient le commerce et le pouvoir (p38). Notez à ce propos, et ce n'est pas anodin, que la première épouse de Mahomet, Khadîja, fut une commerçante (p38). La conclusion qui est visée est pourtant évidente et sans porter de jugement hâtif il est à considérer que le Capital, dans cette histoire-là, fut bien prégnant dans la vie du Prophète, tout comme la guerre par ailleurs.
Ce qui nous amène à la question de la violence dans l’islam, le thème principal de notre ouvrage. Notre poète, Adonis recense alors un certain nombre de versets du Coran qui évoquent la violence en général (p48). Cette série de chiffres constitue un bon indicateur de performance en la matière. Ce petit tableau (ici), va nous permettre de dégager une certaine tendance.
- Il existe 518 versets du Coran concernant la mécréance, première ligne.
- Il existe 370 versets du Coran concernant les supplices, deuxième ligne.
- Il existe 518 versets du Coran concernant le châtiment, troisième ligne.
- L'enfer est mentionné 80 fois dans le Coran, dernière ligne.
Si donc la violence semble bien présente dans le Coran et de manière punitive plutôt que circonstancielle, il faut rappeler que quand le terroriste, l’arme à la main, tire des salves en direction du ciel, il glorifie en même temps, par la parole, le nom de Dieu, à savoir "Allah akbar". L’ironie se trouve dans cette sémiotique visuelle et sonore. A la lumière de la psychanalyse, cette image libidinale est la démonstration d’une virilité indomptée qui indique en arrière-plan une sorte de parricide où la figure paternelle, par excellence, est Allah lui-même. Ainsi le terroriste assassin, avant de tourner l’arme vers ses ennemis, la tourne vers Allah comme pour signaler qu’il est capable de tuer Dieu. Ici ce n’est pas le regard qui est porté au ciel, ni le cœur avec les mains jointes, mais bel et bien la kalachnikov. Si donc Éros, à savoir l’amour, le sexe, et Thanatos, à savoir la mort, s’immiscent dans le djihad (p67), le terroriste se retrouve alors dans la position de libérer ses instincts que le paradis d’Allah promet de récompenser dans une éternité vouée à boire, manger et copuler (p75). Selon Héraclite, la guerre est le père de toute chose (p67), il est donc possible d’identifier Allah comme le Père de toute chose.
Si on doit tenir une comparaison avec le christianisme pour montrer combien l’islam est violent, la miséricorde dans l’islam est liée au degré de soumission du musulman à Allah (p68) tandis que dans le christianisme la miséricorde est surtout dévolue au pécheur, au malade, à la brebis égarée. Houria Abdelouahed conclut à la page 73, que le Coran n’a pas pris du christianisme la bonté de Jésus mais la haine décrite dans l’Apocalypse. A tel point, écrit André Malraux, le 3 juin 1956, que la violence de la poussée islamique est le grand phénomène de notre époque (p77).
Outre la violence nos auteurs abordent la question de la femme dans l’Islam. L'islam pense la femme comme la propriété sexuelle de l'homme là où le christ quelques 5 siècles auparavant, notamment à travers l'épisode de la prostituée, l'avait sorti de sa fonction libidinale. En lui interdisant tout coquetterie, l’islam a donc dépossédé la femme de sa féminité et de sa liberté de plaire et de séduire afin de la contraindre à devenir une esclave sexuelle au service exclusif de son mari (p82). Les propos du Coran sont sans ambiguïté,
« Vos femmes sont pour vous un champ de labour : allez à votre champs comme vous le voudrez. »
(Coran 2-223)
Le lecteur pourrait y voir ici un vers de Baudelaire, et qui bien que coranique possède tout de même une puissante image de la fertilité. Cette trivialité poétique qui ne sied pas à un texte dit "révélé" est ici l'occasion de se rendre compte de la psychologie d'Allah. A l'évidence son sens aurait été moins cru s'il avait côtoyé les vers de notre poète dont les nuances ont ce goût amère de l'amour et qui pourtant rivalisent de justesse dans ce qu'ils ont de plus charnel. Si la femme est ici explicitement comparé à un champ qu'on doit labourer, la femme est donc réduite par Allah lui-même à sa plus simple expression et avec tout au plus le même talent qu'un certain poète français qui a passé son temps à parler de prostitution. Il faudra bien dire que Baudelaire a bien l'excuse d'être né humain mais que Allah, qui est parfait et très grand, n'a à vrai dire aucune excuse de parler ainsi des femmes. Que dire alors d'un Dieu qui ne peut exprimer mieux de la femme que ce vers qui n'est bon qu'à boire que si l'on est né homme et amère que si l'on est né femme? Pour ma part, la chose est entendu, si le Christ qui est Dieu, avait ainsi parlé des femmes, je n'aurais tout au plus de considération pour lui que celle que j'ai pour Baudelaire et qui bien qu'admirable par sa plume ne l'est que parce qu'il est imparfait. En ce sens, on doit attendre de Dieu qu'il ne pense pas comme les hommse mais comme un Dieu invariablement aimant et respectueux de tout ce qu'il a créé.
En d'autres termes l’islam a réduit la femme à sa sexualité tout en annulant le sentiment amoureux. Le rapport à la femme a été déformé, la personne même de la femme est devenue un bien de consommation, lequel doit satisfaire le besoin de l’homme à la manière de la prostituée. Il est d’ailleurs intéressant d’évoquer la judicieuse remarque de Houria Abdelouahed concernant l’absence d’un vocabulaire arabe sur la question du sexisme, de la misogynie et du machisme (p91). Si ces termes existent dans les langues occidentales il faut les mettre en relation avec l’idée de démocratie propre à ce côté du monde. S’il n’existe donc pas de termes arabes spécifiques à ces déviances comportementales de l’homme c’est que le droit de la femme se cantonne à être le lieu de la jouissance (p92). Si bien d’ailleurs, que dans certains pays du Golfe un homme analphabète a le droit de voter tandis qu’une femme instruite n’en a pas le droit (p105). La femme est donc strictement lié au pulsionnel et elle incarne l’idée avant l’heure des délices paradisiaques promit au croyant. Autrement dit le corps de la femme est une idée du paradis, son corps donne un goût de la satisfaction absolue présente au paradis. Mais selon Freud, la civilisation ne peut-être bâtie que sur le renoncement à la satisfaction pulsionnelle brute (p113). Si donc le Christ est vierge comme sa Mère Marie et son père Joseph, l'Occident par mimétisme, en ce creuset de pureté, va donc devenir une civilisation du renoncement charnel au profit de l'esprit et de l'ascèse et qui manifestement vont le faire prospérer artistiquement, culturellement, intellectuellement et moralement. A l'inverse, le Coran ne facilitant pas le renoncement à la chair, va entraîner tout ce côté du monde qu'il a conquis, a devenir aussi sec et stérile que les déserts qui l'environne. Si donc la femme est aussi peu considérée par l'islam, on peut raisonnablement affirmer que c’est l’humain et par extension toute l’humanité qui est si peu considéré. Au regard de l’occident qui depuis des siècles s’agenouille devant la Vierge et qui par ses propres talents honore des manières les plus diverses sa virginité et le fruit de ses entrailles, on peut comprendre pourquoi on légifère tant sur les droits des femmes et des hommes. Cette évolution historique rentre dans le concept de l’histoire comme système théorisé par José Ortega y Gasset (ici). En ce sens, le socle chrétien a permis les droits de l’homme que les Lumières ont formalisé, l’occident est par conséquent devenu le chef-lieu planétaire de la philanthropie. Ainsi par opposition, le monde musulman qui a si peu considéré l’humain, ne voit pas ses terres prospérer de la même manière. L’effacement de l’humain par l’islam commencent d’abord par le massacre organisé des musulmans eux-mêmes et cet effacement va jusqu’à la destruction des sites archéologiques considérés par les fanatiques comme de l’idolâtrie. L’islam refuse donc tout concurrence et toute contradiction (p118). Pour Adonis ces fanatiques sonnent le glas de l’Islam (p114) car il s’agit d’une force d’autodestruction qui rompt avec l’humanité elle-même. Daech, Al-Qaida et les frères musulmans peuvent être considérés comme des essences pures de l’islam qui mettent les musulmans du quotidien dans une position morale intenable qui les poussent à condamner leurs frères musulmans devenus djihadistes afin de ne pas donner raison à ceux qui prétendent que l'islam est une religion de violence. Evidemment tant que l'islam demeure dans une position passive elle peut encore jouer son rôle identitaire et salutaire mais dès qu'il devient conquérant en conférant à la violence une légitimité sacrée, il devient une théologie de la guerre.
En conclusion la propédeutique coranique a de spécifique qu’elle repose sur l’idée d’un paradis particulièrement aménagé pour les jouissances du corps et au fur et à mesure de l’aheurtement complet du croyant à cette doctrine, le sybaritisme devient une discipline du bien-être absolu. L’islam renverse les signes cardinaux et veut effacer la distinction entre Dieu et le monde, le ciel et la terre, le spirituel et le matériel, l’intemporel et le temporel. Le terroriste est donc celui qui veut forger cette unité à grands coups de marteau. Il projette donc de restaurer le monde de Mahomet sous le commandement direct d’Allah. Cette force révolutionnaire n’a d’égale que celle des Lumières de la révolution française qui fit de la décapitation une industrie de masse. Ainsi la charia, la législation d’Allah, envahit et organise la vie collective musulmane jusqu’à se faire despotique. Le perfectionnement de l’humanité par ce modus operandi est un plan de fixation des esprits à la soumission intégrale à Allah dont le messager, incapable de miracle, avait l'esprit en guerre. Il faut dire qu'Allah depuis qu'il a fait dire à Mahomet, "Après moi, nul prophète." (p179), n'est plus un Dieu qui parlera. Tout est donc déjà dit, il n'y a donc plus rien à révéler. En ce sens Allah ne se fera plus jamais connaître jusqu'au retour du Christ, et c'est peut-être là que se trouve la vérité sur le Coran. On tentera donc, ultérieurement, à travers une synthèse de lecture et après avoir lu d'autres ouvrages sur le sujet, de cartographier ce troisième monothéisme tout en apportant des éléments de réponse sur la pertinence du message coranique.
Antoine Carlier Montanari