Un Livre Que J'ai Lu (102) : Jeanne d'Arc (Jules Michelet)
Tel est cet autre mystère historique nous aurait dit Léon Bloy à propos de la pucelle d'Orléans, si il en avait relaté la vie comme il le fit avec le plus grand des empereurs (ici). Jules Michelet, avec son ouvrage, non loin de l'exquise prose bloyenne, émousse sa plume pour parler de celle qui donna au peuple le goût de la patrie et surtout le goût de la sauver. Si a douze ans, dans le jardin de son père, elle entendit une voix, se sera un peu avant ses dix-huit ans qu'elle élèvera la sienne, la voix, auprès du dauphin pour qu'il prenne couronne à Reims. Elle fit alors du peuple de France un seul soldat et le mena à l'épreuve avant que son seul sacrifice ne vienne sauver la Patrie. L'héritier, Charles VII, fut alors rassuré par les mots de la jeune vierge, il y avait sans doute là une force mystérieuse à l'oeuvre qui aida le dauphin à y voir plus clair.
Jeanne naquit donc à Domrémy, un village situé entre la Lorraine et la Champagne. Elle s'occupait à coudre ou à filer auprès de sa mère tandis que ses deux frères et ses deux sœurs allaient travailler aux champs avec le père, Jacques d'Arc, laboureur de métier. Elle reçu de ses pieux et humbles parents une foi simple, un cœur charitable et toutes les choses saintes. Songez, maintenant, aux époux Martin, qui, également, quatre siècles plus tard, avec une simplicité grandiose, élevèrent la petite Thérèse, l'autre sainte qui veille sur la France. Ces deux sœurs de cœur et d'âme qui ont grandi en ignorant les besoins de la femme, devinrent aussi pures et belles que les lys qui entre les doigts de l'ange Gabriel annoncèrent à la Vierge qu'elle mettrait au monde un enfant Dieu.
En ce temps-là, la France n'était plus vraiment la France. Les anglais et les flots de brigands et de pillards avaient rendus le territoire aussi sûr qu'une terre barbare, et c'est de cette manière que Jeanne connut ce qu'était la guerre et avec elle l'esprit antichrétien. C'était le règne du diable et beaucoup mourraient sans avoir été confessé et outre la grâce spéciale de Dieu la petite Jeanne se lamentait des péchés mortels qui entraînaient les âmes en enfer. Et quand elle entendit la voix qui lui ordonna de rendre à la France son roi, elle éprouva alors une vibrante sensation qui lui fit concevoir une destinée miraculeuse. Puis avant de partir et de quitter le foyer qui l'avait accueilli dans le monde, elle confia tous ceux qu'elle aimait, et ils furent nombreux, au Roi du Ciel et à sa Mère afin que jamais ils ne soient sans protection. Et de là, comme une grande, elle s'en alla vers la ville de Vaucouleurs, comme la voix le lui avait demandé, pour y trouver M. de Baudricourt. Ce dernier fut donc bien étonné de voir une si jeune et belle femme s'occuper d'affaire d'état, il crut ici que la beauté du diable fut à l'œuvre. Mais comme Dieu est grand, le gentilhomme qu'il était, fut saisi d'une grâce quand il entendit Jeanne reconnaître Dieu comme son Seigneur; pour lui cet aveux fut aussi révélateur que le buisson ardent pour Moïse, il la mènera donc au roi. Alors en chemin, accompagnant cette sainte, qui par ailleurs fut tout de même femme et en tant que telle fort désirable pour un homme, on apprit que nombre de ses compagnons de voyages n'eurent jamais développé quelques mauvaises intentions à son côté.
Ce qu'elle dit ensuite au roi, après lui avoir embrassé les genoux, provient de Dieu lui-même qui demanda au dauphin d'aller à Reims pour y être sacré et couronné. La chose n'était pas simple, mais il fallait se rendre à l'évidence, le diable ne pouvait faire pacte avec une vierge et l'honneur de la pucelle, une fois prouvé, lui permit de devenir homme pour batailler. Accompagné d'un brave chevalier du nom de Jean Dauton, et chevauchant dans une armure blanche un beau cheval noir, elle emprunta à Sainte-Catherine de Fierbois son épée et porta un étendard blanc sur lequel Dieu avait le monde entre les mains. Le talent du génie italien qui mourut en France a fait parvenir à l’œil ce même honneur que celui tissé sur l'étendard de la Pucelle. En effet ce Salvatore Mundi, le Sauveur du monde en latin, déploie sans peine la magnificence de Dieu tout en exaltant le feu présent dans le cœur. Il fallut donc ajouter à cette splendide image les figures de deux anges qui tenaient chacun une fleur de lys, on se doutera que Michel et Gabriel furent ainsi honorés.
Avec cet étendard à la vue de tous et porté par une Jeanne rayonnante, un nombre de bons français dont les noms résonnent aujourd'hui comme les preuves que la terre de France ne fut pas une terre d'immigration, comme ils le disent, se jetèrent sur Orléans avec vigueur. Les syllabes de ces noms d'hommes valeureux n'ont pourtant rien qui vient d'ailleurs, La Hire, Saintrailles, Gaucourt, Culan, Coaraze, Armagnac, Florent d'Illiers et bien d'autres qu'on taira pour ne pas enfoncer le clou. A ces immigrationnistes je leur dis qu'il est bien regrettable qu'ils aient choisi le parti de l'étranger, vaudrait mieux pour eux qu'ils soient étrangers ici que français. Car en agissant ainsi ils se comportent comme le roi gascon, Henri IV (1), qui fut le destructeur de l'unité catholique en France. Et bien que sa mère fut nommé Jeanne il abjura le catholicisme le 13 juin 1576 pour renouer avec le protestantisme. La Pucelle qui fut vierge et bien catholique, fut lys au pied de la Vierge dont le talon écrase la tête du serpent. Cette même Vierge, nous dit l'auteur, était le Dieu de ce temps, bien plus que le Christ mais aujourd'hui, pour reprendre Léon Bloy, elle est celle qui annonce la fin des temps. La guerre est donc le retour à la bestialité et certains de ces capitaines Armagnacs étaient des brutes féroces qui, sous la loi de la force, ressemblaient à ces Lansquenets du Moyen âge dont le nerf viril, nous dit Jünger, ne s'était jamais détendu. Jeanne eut affaire à ce genre de sauvagerie formidable dont elle empoigna non moins formidablement pour en faire de la sainteté qui l'aurait ensuite suivi, s'il avait fallu, jusqu'à Jérusalem.
Cette puissance surnaturelle devait finir par convaincre Charles VII d'aller d'Orléans à Reims pour prendre le trône et la couronne. Et la chose s'accomplit le dimanche 17 juillet 1429 et alors qu'elle pressentait sa fin prochaine, Jeanne ne put s’empêcher de venir baiser les jambes du roi de France. La bataille de Compiègne, quelques mois plus tard, donna raison à son intuition. Capturée elle comprit qu'il fallut souffrir comme le Christ pour que sa sainteté ne fut pas compromise. Tout s'accomplissait, il ne manquait plus que la croix pour le confirmer. Aussi elle aura servi ce noble royaume de France comme Dieu le lui avait demandé. On pourrait ajouter, que si Jeanne fut femme, elle le fut dans un temps où le culte de la Vierge fit celui de la femme, et qui fut le temps où l'on sortait à peine de l'impureté païenne. Mais cette inclination s'acheva au XXème siècle quand Charles Péguy, en 1909, constata que la pornographie était devenu le verbe du monde. Son ouvrage, "Nous vivons en un temps si barbare" (ici), témoigne de cet effondrement moral qui a envahit la France. De l'autre côté de l'atlantique, l'auteur américain Mark Twain aura fait le même constat dans son ouvrage, "Cette maudite race humaine" (ici), et publié la même année que celui de Charles Péguy. Les deux auteurs sont lucides, surtout à la veille de la première guerre mondiale. Pour la petite histoire, Charles Péguy comme Mark Twain ont tous deux écrits sur Jeanne d'Arc.
Et c’est donc Jean de Ligny, vassal du duc de Bourgogne et piètre français, et qui malgré les supplications de sa femme, livra la Pucelle comme Judas livra le Christ, non pas aux anglais, mais au duc, sachant que le jugement qui l’attendait ne serait pas celui que l’on accorde à un ennemi de guerre. C’était une sorcière que l’on allait condamner et l’enfer tout entier, bien caché derrière l’évêque de Beauvais et ses alliés anglais, allait tout faire pour la perdre. Si haut alors fut placé l’échafaud qu’on eut cru voir le Golgotha et si bien d’ailleurs qu’Orléans toute entière, en ce jour, devint une autre Jérusalem. Et dire ici que les deux autres échafauds qui entourèrent celui de Jeanne, et qui accueillirent en spectateur les juges et les prélats, pourraient apparaître comme l’image des larrons qui entourèrent le Christ. Et avant que la Pucelle ne soit élevée puis ficelée au poteau et que tous les clochers d’Orléans la virent tout de blanc invoquer le ciel comme le Christ à Gethsémani, l’assemblée ne put contenir quelque compassion en la voyant ainsi solliciter Dieu, sa Mère et les saints pour que la miséricorde céleste descende sur tous.
Mais avant cela, avant que la mort ne vienne, elle fut jugée pour prouver que le roi de France fut mené au sacre par une sorcière. Cette inquisition débuta alors le 9 janvier 1431 où l’évêque Cauchon assisté de huit docteurs de la loi formèrent une union sacrée en vue de la condamner. Et le 21 février débuta alors le procès qui devait prouver ou même faire croire que l’accusée était une magicienne et une hérétique. Et donc il fallait qu’elle meure et soit brûlée pour que le roi des anglais soit satisfait car le roi a payé cher cette pucelle. Il faut dire que l'orgueil est le sceau du peuple anglais et à supposer qu'ils ont hérités de la cupidité de ce peuple qui jadis, en partie, adora le veau d'or, ils n'en n'ont pas moins cultivé la même méchanceté que celui qui tua son frère. Les anglais, nous dit Jules Michelet, sont des juifs, les français sont des chrétiens. Mieux encore, poursuit-il, un indien d’Amérique avait dit que le Christ était français et qu’il avait été crucifié par les anglais à Londres et que Ponce Pilate ne fut rien d'autre qu’un officier au service de sa majesté. Cette volonté satanique qui préside au milieu de ce peuple fait son office entre les démons de Milton et la beauté occulte de Byron. L'âme noire qu'a engendré ce peuple provient de l'art païen de Merlin dont Shakespeare s'inspira secrètement. Quoi qu'il en soit, Jeanne, après avoir reçu le corps du Christ pour la dernière fois, mourut au feu comme le Christ sur la croix.
Assurément l'événement Jeanne d'Arc nous permet de mieux comprendre l'esprit français. L'académicien François Cheng fut assez élogieux à propos de la Pucelle d'Orléans, le poète releva un quatrain, qu'il qualifia de parfait, et qu'elle prononça lors de son jugement concernant la voix qu'elle avait entendu. Voici ce quatrain,
"Puis vint cette voix
Environ l'heure de midi
Au temps de l'été
C'est l'une des plus belles voix de France, déclara François Cheng qui rajouta, tous les français doivent retenir ce quatrain par cœur. Il rappela également que Jean Cocteau avait dit de la Pucelle qu'elle est le plus grand écrivain français. Elle fut d'ailleurs essentielle dans l'œuvre écrite de Charles Péguy tout en devenant intermittente mais non moins importante chez Voltaire, Alfred de Musset, Paul Claudel et Robert Brassillac, entre autres. Elle donna le goût du verbe et imprégna les lettres et la littérature de l'amour de la patrie, et nul doute qu'elle fut l'image la plus belle de la France, cette France que Clovis initia par son baptême. Cette arche gauloise est l'âme de la France que de Gaulle a prolongé brièvement et qui au XXIème siècle nous a été rappelé, en 2015 plus précisément, par la voix de Jean Marie le Pen quand il s'écria devant la statue de la sainte,
"Jeanne au secours!!"
Antoine Carlier Montanari
au XXIème siècle trouve écho à travers deux faits qui ont avant tout une importance symbolique au moment même où la France subit une invasion migratoire sans précédent. En effet, en 2016, Philippe de Villiers rachète au cours d'une vente aux enchères londonienne, l'anneau de Jeanne d'Arc que l'évêque Cauchon lui avait volé lors de son procès et qui fut propriété des anglais à partir de 1431. Sur l'anneau était gravé "Jhesus Maria" et trois croix. Un an plutôt, le premier mai 2015, Jean-Marie le Pen, devant la statue de la sainte hurle,
(1) Léon Bloy, L'âme de Napoléon, Ed. Tel Gallimard, p555